Saint-Laurent-sur-Mer (Calvados)

Les villes de Normandie pendant les combats de 1944

Libération : 7 juin 1944

Unités engagées :

Drapeau américain 6th Engineer Special Brigade

Drapeau américain 16th Infantry Regiment, 1st Infantry Division

Drapeau américain 18th Infantry Regiment, 1st Infantry Division

Drapeau américain 32nd Field Artillery Battalion, 1st Infantry Division

Drapeau américain 58th Armored Field Artillery Battalion, 29th Infantry Division

Drapeau américain 116th Infantry Regiment, 29th Infantry Division

Drapeau américain 607th Quartermaster Graves Registration Company

Drapeau américain 741st Tank Battalion

Drapeau américain 743rd Tank Battalion

Drapeau américain 834th Engineer Aviation Battalion

Drapeau nazi II/Grenadier-Regiment 916, 352. Infanterie-Division

Drapeau nazi III/Grenadier-Regiment 726, 716. Infanterie-Division

Historique :

Le village de Saint-Laurent-sur-Mer et sa plage sont défendus par cinq points d’appuis codés de Wn 65 à Wn 69. Pour accéder à la plage, deux valleuses permettent de traverser le plateau : à l’ouest la valleuse des Moulins (à ne pas confondre avec celle du même nom située au nord de Colleville-sur-Mer), à l’est celle du Ruquet.

20 mois avant les premières vagues d’assauts américaines sur cette plage, un détachement du 62nd Commando britannique, fort de 11 hommes et dirigé par le Major March Philipps, prenait pied sur le rivage de Saint-Laurent-sur-Mer, dans la nuit du 12 au 13 septembre 1942. Nom de code de la mission : opération Aquatint. Les soldats britanniques, surentraînés et membres des SSRF (Small Scale Raiding Forces), débarquent non pas comme prévu face au village de Sainte-Honorine-des-Pertes mais devant Saint-Laurent-sur-Mer. Le courant a déporté la vedette MTB 44 (ayant effectué le trajet à travers la Manche) puis le petit canot de transport Goatley de quatre kilomètres à l’ouest. Immédiatement après le débarquement, une patrouille allemande surprend les commandos britanniques qui tentent de faire un prisonnier avant de battre en retraite et de réembarquer à bord du Goatley. Un échange nourri de coups de feu débute, les tirs provenant essentiellement du point d’appui Wn 69. Trois membres du commando sont tués pendant le bref mais intense combat : le Major March Phillipps, 32 ans, le sergent Alan Williams, 22 ans et le soldat Richard Lehniger, 42 ans. Deux sont grièvement blessés : Le lieutenant Hall, laissé pour mort sur la plage (il avait en fait reçu un coup de manche grenade violent, asséné à la nuque par un soldat de la patrouille allemande) et Howard. Quatre commandos parviennent à s’enfuir à travers la campagne normande avant d’être, excepté l’un d’entre eux, capturés : le capitaine Graham Hayes (qui seul échappe aux patrouilles allemandes), le capitaine John Burton, le soldat Adam Orr (polonais) et le soldat Jan Helling (hollandais).

Au printemps 1944, lorsque les Alliés préparent le débarquement de Normandie, les Américains définissent plusieurs secteurs de plage face à Saint-Laurent-sur-Mer qui sont baptisés, de l’ouest vers l’est : Dog White, Dog Red, Easy Green, Easy Red. Ces secteurs, qui appartiennent tous au grand secteur codé « Omaha Beach« , représentent un front d’environ trois kilomètres de large. Ils codent également les deux valleuses : Les Moulins devient « D-3 », Le Ruquet devient « E-1 ». Deux régiments sont désignés pour débarquer en première vague d’assaut : à l’ouest le 116th Infantry Regiment (29th Infantry Division) commandé par le colonel Charles D. W. Canham et à l’est le 16th Infantry Regiment (1st Infantry Division) commandé par le colonel George A. Taylor. La compagnie F du 116th Infantry Regiment (IR) doit débarquer à Dog White, la compagnie E (116th IR) à Dog Red, la compagnie E (16th IR) à Easy Green et la compagnie F (16th IR) à Easy Red. Les Allemands en poste à Saint-Laurent-sur-Mer appartiennent à la 5e compagnie (commandée par l’Oberleutnant Hahn) du Grenadier-Regiment 916 (352. Infanterie-Division) ainsi qu’à la 10e compagnie du Grenadier-Regiment 726 (716. Infanterie-Division).

Le 6 juin 1944 à 1 heure du matin, les navires de débarquement en route vers Omaha Beach arrivent en vue des côtes et stoppent la progression à 23 kilomètres du rivage. Les sentinelles allemandes repèrent les masses sombres sur l’eau mais ne parviennent pas à les identifier. Plusieurs bombardements aériens alliés frappent le secteur mais sans toucher les défenses. Peu après 5 heures 10, les bâtiments de guerre devant Omaha appartenant à la Task Force O ouvrent le feu sur les positions allemandes. 29 chars Sherman amphibies codés « Duplex Drive » appartenant aux escadrons B et C du 743rd Tank Battalion sont mis à l’eau mais seuls 3 d’entre eux ne coulent pas : la houle est bien trop forte pour le dispositif amphibie de ces chars spéciaux.

La première vague d’assaut touche le sol normand à 6 heures 35. Silencieuses jusque-là (pour ne pas être repérées par les artilleurs de marine alliés), les défenses allemandes ouvrent le feu lorsque les soldats ont de l’eau jusqu’aux cuisses. Un déluge d’acier et de feu s’abat sur les Américains qui enregistrent instantanément des pertes très élevées. En l’espace de quelques minutes seulement, 90% de la première vague d’assaut est décimée. Par ailleurs, le courant a dévié les embarcations vers l’est et les soldats ne débarquent pas aux emplacements prévus, ce qui s’ajoute au désordre général. A 7 heures 30, alors que la plupart des soldats sont fixés sur la plage sans appui blindé suffisant, les tentatives pour s’extraire de ce véritable réceptacle de tir se multiplient. Guidés par le Major Sidney V. Bingham, Jr. commandant le 2e bataillon du 116th IR, une cinquantaine de soldats prennent d’assaut les habitations en front de mer au lieu-dit Les Moulins, face à la sortie « D-3 », en particulier un bâtiment à trois étages. Ils s’en emparent et décident de poursuivre l’offensive pour dégager la valleuse mais les tirs croisés de l’adversaire les en empêche.

Les vagues d’assaut se succèdent mais les sorties « D-3 » et « E-1 » ne sont toujours pas dégagées. Les fantassins s’abritent comme ils le peuvent, derrière les obstacles et le mur antichar. Sur le secteur de plage Easy Red, plusieurs chars amphibies sont parvenus à atteindre le rivage et appuient l’infanterie. Les renforts s’accumulent sur la plage et les Américains augmentent considérablement leur puissance de feu. Constatant qu’ils ne peuvent pas s’emparer des sorties par une attaque frontale, ils cherchent alors à escalader les pentes permettant d’accéder au sommet du plateau pour attaquer les positions allemandes à revers. A 9 heures, des éléments des compagnies F, G, I, K et L du 116th IR accèdent au plateau et s’infiltrent vers le village de Saint-Laurent-sur-Mer. Face au lieu-dit Les Moulins, des personnels de la compagnie I percent plusieurs brèches à travers les barbelés (à l’aide de torpilles Bangalore ou simplement en coupant les fils) et débutent à leur tour l’infiltration, suivis par la compagnie K qui perd une quinzaine de soldats pendant l’escalade. La compagnie M du 116th IR fait face quant à elle à la sortie « E-1 » et parvient à mettre en place un appui feu au pied de la falaise. Six de ses soldats sont envoyés en reconnaissance pour trouver un chemin permettant d’accéder au plateau, mais ils sont tous tués. Au sommet du plateau, des champs de mines, des tirs de mitrailleuses et les explosions d’obus de mortiers retardent la progression. Des éléments des compagnies A et E du 16th IR parviennent à quitter Easy Red et à rejoindre le plateau.

Le 18th Infantry Regiment (1st Infantry Division) commandé par le colonel George Smith, Jr. débarque sur Easy Red à compter de 9 heures 30. La plage est encombrée de matériels et de véhicules de toutes sortes et les tirs sont encore extrêmement nourris (le débarquement du régiment s’échelonne jusqu’en début d’après-midi). A 10 heures 30, le 115th Infantry Regiment (29th Infantry Division) commandé par le colonel Eugene N. Slappey débarque à son tour sur Dog Red : le régiment ne débute sa progression à l’intérieur des terres qu’à compter de 14 heures. Il prend la direction de Saint-Laurent-sur-Mer.

Les Allemands ont installé des mitrailleuses sur le plateau pour protéger les accès à Saint-Laurent-sur-Mer. Organisés en petits groupes résolus à se battre le plus longtemps possible, ils s’appuient sur un terrain composé de grands découverts ceinturés par des haies, favorable à la défense. La compagnie I du 116th IR qui est à l’ouest des Moulins découvre une batterie de lance-roquettes Nebelwerfer et s’en empare : elle était déjà partiellement hors d’usage suite aux tirs de la marine alliée. Les Allemands ont concentré la défense du village à partir des bâtiments les plus à l’ouest, où plusieurs tireurs de précision sont postés. Des positions de mitrailleuses sont installées à la sortie de la valleuse des Moulins. En début d’après-midi, le 2e bataillon du 115th IR prend d’assaut Saint-Laurent-sur-Mer depuis l’est mais ne parvient pas à repousser les quelques soldats qui s’y trouvent.

A 16 heures, la sortie « E-1 » du Ruquet est entièrement dégagée par les sapeurs ce qui permet aux chars rescapés du 741st Tank Battalion de gagner l’intérieur des terres à compter de 17 heures. Ils progressent en direction de Saint-Laurent-sur-Mer pour apporter leur appui lors de l’attaque, accompagnés par des artilleurs du 58th Armored Field Artillery Battalion (29th Infantry Division) tandis que le 32nd Field Artillery Battalion (1st Infantry Division) prend position au nord de la commune. La marine alliée (en particulier l’USS Tuscaloosa) ouvre le feu sur le village et notamment sur le clocher de l’église, occasionnant également des pertes dans les rangs américains ce qui met un terme à l’assaut du 115th IR en fin d’après-midi. Le 2e bataillon a alors perdu une centaine d’hommes et 6 officiers : il fait mouvement sur une distance d’environ 300 mètres le long de la route de Port-en-Bessin tandis que le 1er bataillon progresse sur une distance de 500 mètres au sud de Saint-Laurent-sur-Mer et s’installe en interdiction face à Formigny pour la nuit : son commandant, le colonel Richard C. Blatt, est blessé à la tête par un éclat d’obus de mortier et doit être évacué (il meurt de ses blessures sur le navire qui le transporte vers l’Angleterre).

A la nuit tombée, les Allemands tiennent toujours Saint-Laurent-sur-Mer et ont installé une ligne de défense à hauteur du lieu-dit Les Fossés Taillis.

Le lendemain 7 juin, le 3e bataillon du 115th IR commandé par le Major Victor P. Gillespie s’empare de Saint-Laurent-sur-Mer et repousse les derniers défenseurs allemands vers l’ouest, appuyé par l’artillerie de marine. A 9 heures, le village est sous contrôle et le bataillon se dirige ensuite vers Vierville-sur-Mer. La mise en place d’une ligne de brise-lames (baptisée Gooseberry 2) face à Saint-Laurent-sur-Mer débute et se poursuit jusqu’au 12 juin. Elle se compose de 55 navires de toutes sortes, fournis par diverses nations (22 de la Grande-Bretagne, 16 des Etats-Unis, 17 des autres pays alliés), qui sont coulés dans le cadre de l’installation du port artificiel Mulberry A.

Ce même jour, sur le secteur Dog White, la 3e section de la 607th Quartermaster Graves Registration Company, rattaché à la 6th Engineer Special Brigade, commence à creuser les tombes du cimetière provisoire (baptisé cimetière provisoire numéro 1) qui est installé au pied des dunes entre le plateau et la plage. 457 soldats américains, marins et aviateurs anglais et soldats allemands y sont enterrés. Le 10 juin 1944, un nouveau terrain est sélectionné pour accueillir les miliaires tombés au combat, sur le plateau de Colleville-sur-Mer et le transfert des corps débute aussitôt.

Du 7 au 9 juin 1944, le 834h Engineer Aviation Battalion construit une piste d’atterrissage d’urgence ELS (Emergency Landing Strip) codée E-1 (le E rappelant « Emergency » : urgence en français) sur le plateau à l’ouest de la valleuse du Ruquet. Les sapeurs du lieutenant-colonel John J. Livingstone, travaillent sous le feu ennemi. Le 9 juin 1944 à 18 heures, un avion de transport C-47 peut atterrir sur la piste : l’évacuation des blessés graves, pris en charge dans le 13th Field Hospital également situé à Saint-Laurent-sur-Mer, peut commencer.

Rapidement rebaptisé ALG A-21 C (C pour Cargo), cet aérodrome (le premier à être entièrement opérationnel pendant la bataille de Normandie) permet d’évacuer 15 000 blessés du 9 juin au 25 août 1944 en direction des hôpitaux situés en Angleterre.

  Photos de Saint-Laurent-sur-Mer en 1944

Cartes de Saint-Laurent-sur-Mer :

Image : carte du secteur de Saint-Laurent-sur-Mer - Bataille de Normandie en 1944