Cherbourg (Manche)

Les villes de Normandie pendant les combats de 1944

Libération : 27 juin 1944

Unités engagées :

Drapeau américain 4th Cavalry Squadron

Drapeau américain 4th Infantry Division

Drapeau américain 9th Infantry Division

Drapeau américain 70th Tank Battalion

Drapeau américain 79th Infantry Division

Drapeau américain 333rd Engineer Special Service Regiment

Drapeau américain 342nd Engineer General Service Regiment

Drapeau américain 728th Railway Operating Battalion

Drapeau américain 1056th Engineer Port Construction and Repair Group

Drapeau américain 9th Tactical Air Command

Drapeau américain Drapeau anglais Combined Task Force 129

Drapeau nazi 77. Infanterie-Division

Drapeau nazi 91. Infanterie-Division

Drapeau nazi 243. Infanterie-Division

Drapeau nazi 709. Infanterie-Division

Historique :

Le 17 juin 1940, les Allemands entrent dans Cherbourg et débutent l’occupation de la commune et de son port en eau profonde. Ils mettent en place une ceinture de défense, protégeant aussi bien les accès terrestres que les accès maritimes, qui réutilise largement les forts d’artillerie construits par les Français dès le 18e siècle. La forteresse de Cherbourg (« Festung Cherbourg » en allemand) est commandée par le général Karl von Schlieben et s’étale sur une trentaine de kilomètres de la pointe de Jardeheu à l’ouest jusqu’au cap Lévi à l’est. Elle compte douze batteries sous casemates et des dizaines de points d’appui répartis sur l’ensemble du dispositif défensif. Au printemps 1944, le Grenadier-Regiment 739 (709. Infanterie-Division) occupe le secteur de Cherbourg et le 2e bataillon y a installé son poste de commandement.

Pour les Alliés, Cherbourg est un objectif prioritaire au lendemain du débarquement. Ils ont justement choisi de débarquer dans le Cotentin à Utah Beach afin de s’emparer au plus vite de cette ville et surtout de son précieux port en eau profonde : celui-ci, une fois sous contrôle, doit permettre de ravitailler les troupes en prenant le relais des ports artificiels installés face aux communes de Saint-Laurent-sur-Mer et d’Arromanches-les-Bains. A compter du 18 juin 1944, les Américains atteignent la côte ouest du Cotentin à hauteur de Barneville-sur-Mer, isolant ainsi près de 40 000 soldats allemands qui se replient alors derrière la première ligne de défense de Cherbourg, formant un arc de cercle à environ deux kilomètres en périphérie de la ville. Le dispositif est très critiqué au sein même de l’armée du Reich car les Allemands se savent encerclés et sont sans espoir de retraite : le général Farmbacher, chef du 84e corps d’armée (LXXXIV. Armeekorps), est relevé de son commandement par le maréchal Rommel qui lui reproche son opposition au plan du Führer. Les forces américaines du VII Corps, composées notamment des 4e, 9e et 79e divisions d’infanterie et commandées par le Major-General Joseph Lawton Collins, se lancent à l’assaut et atteignent les défenses allemandes (tenues par près de 37 000 hommes) à compter du 20 juin : la 9th Infantry Division commandée par le Major General Manton S. Eddy est positionnée à l’ouest, la 79th Infantry Division du Major General Ira T. Wyche est positionnée au centre tandis que la 4th Infantry Division du Major General Raymond O. Barton est à l’est. C’est le début de la bataille du Val-de-Saire.

Tous les militaires allemands disponibles sont appelés à prendre les armes : mécaniciens, marins ou encore aviateurs, et la Luftwaffe (armée de l’air) entreprend tant bien que mal le ravitaillement en vivres et en munitions de la forteresse de Cherbourg. Le secteur est favorable à la défense : le bocage normand compartimente le terrain qui forme par ailleurs un plateau aux abords de la ville, offrant des vues tous horizons. Von Schlieben donne l’ordre au Konteradmiral Walter Hennecke, en charge des installations portuaires, de procéder à leur destruction. Le 21 juin 1944, les Américains lancent plusieurs patrouilles de reconnaissance afin de définir le contour des positions défensives adverses tandis que dans la nuit, le général Collins lance un ultimatum par radio à von Schlieben : le message, lu en allemand, polonais, russe et français, fait référence à l’isolement des forces défendant Cherbourg et au caractère désespéré de leur situation. Von Schlieben a jusqu’au 22 juin, 9 heures, pour donner sa réponse, mais celui-ci refuse catégoriquement de se rendre.

Pendant ce temps, Collins s’entretient avec le Major General Elwood R. Quesada commandant les forces aériennes de la 9th Tactical Air Command afin de définir les actions de bombardement et d’appui dans le secteur de Cherbourg. Ils prévoient de mener des raids aériens pendant une durée de 80 minutes avant le lancement de l’offensive terrestre avec l’intervention de chasseurs-bombardiers Typhoon, Mustang et Lightning appartenant à la 2nd Tactical Air Force de la Royal Air Force et de chasseurs-bombardiers de la 9th Air Force. Puis au moment de l’assaut, des bombardiers moyens de la 9th Air Force doivent réaliser une série d’attaques au sol constituant ainsi un barrage roulant au profit des troupes au sol. L’offensive est prévue de débuter le 22 juin entre midi et 16 heures : les horaires sont volontairement élargis dans la mesure où le déclenchement de l’attaque dépend de l’évolution de la météorologie qui n’est pas des plus favorables aux moments des préparatifs.

Le 22 juin, l’attaque américaine commence conformément au plan prévu : le bombardement aérien débute à 12 heures 40. Au total, 562 chasseurs-bombardiers sont engagés par vagues successives toutes les 5 minutes. De 13 heures à 13 heures 30, des régiments des 4ème et 9ème divisions d’infanterie rendent comptent qu’ils subissent des tirs amis de la part de ces appareils et que des pertes sont à déplorer. Malgré tout, l’assaut terrestre est déclenché à 14 heures tandis que 387 bombardiers légers et moyens bombardent onze batteries allemandes pendant une durée totale de 55 minutes. Si les attaques aériennes font chuter le moral de l’adversaire et endommagent ses réseaux de communication, elles sont néanmoins sans effet sur les constructions adverses qui demeurent intactes dans leur grande majorité. La progression des unités au sol est lente et difficile : chaque hameau et chaque point haut entre la première et la deuxième ligne de défense est un solide nid de résistance que les Américains peinent à réduire.

Le flanc droit, armée par la 4th Infantry Division, avance sous le feu de l’adversaire avec, de l’ouest vers l’est, le 8th Infantry Regiment (IR), le 12th IR et le 22th IR. Le lieutenant-colonel Thaddeus R. Dulin commandant le 3ème bataillon du 12th IR est tué lors d’une violente charge à la baïonnette dans le secteur de Digosville et l’unité est isolée du reste du régiment : ils ne sont renforcés que le 23 juin à compter de 7 heures avec l’engagement de blindés qui escortent également les convois de ravitaillement. A la fin de ce même jour, au centre du dispositif américain, la compagnie A du 314th Infantry Regiment (79th Infantry Division) atteint les hauteurs dominant la route plongeant vers le centre-ville de Cherbourg et n’est plus qu’à une centaine de mètre du Fort du Roule où est installé l’état-major allemand. Sur le flanc gauche, la 9th Infantry Division est encore à 4 kilomètres de la ville. Ce même jour, von Schlieben devient le commandant en chef des forces militaires allemandes dans le secteur.

Le 24 juin, tous les régiments des trois divisions américaines (mis à part le 8th IR retardé devant La Glacerie) sont positionnés sur les hauteurs aux portes de Cherbourg. Pendant ce temps, les Alliés mettent sur pied une force navale composée de 18 bâtiments de guerre (3 cuirassés, 2 croiseurs lourds, 2 croiseurs légers et 11 destroyers) renforcés par 3 squadrons de dragueurs de mines ainsi que par la 159th Minesweeping Flotilla. Ces bâtiments, prélevés à partir du dispositif déjà en place au large de la Normandie depuis le 6 juin, sont réunis sous l’appellation Combined Task Force 129 et sont commandés par le Rear Admiral Morton Deyo. Cette flotte doit permettre de réduire au silence les batteries côtières de la forteresse Cherbourg tout en réalisant des appuis-feu au profit de l’infanterie.

Le 25 juin à 7 heures du matin, un médecin allemand en poste à l’hôpital naval de Cherbourg, traverse les lignes de la 9th Infantry Division accompagné par un prisonnier américain, un officier de l’Air Force : il demande à ce que le secteur de l’hôpital soit épargné et souhaite recevoir des réserves de plasma afin de soigner les blessés, parmi lesquels se trouvent des Américains. Ses demandes sont acceptées et il est autorisé à retourner dans la forteresse, transportant également un nouveau message de reddition. A 8 heures, une escadrille de chasseurs P-47 bombarde les positions allemandes de la batterie du Fort du Roule qui dominent toute la ville de Cherbourg en préparation de l’attaque terrestre menée par les 2ème et 3ème bataillons du 314th Infantry Regiment (79th Infantry Division). Bénéficiant de l’appui du 311th Field Artillery Battalion, les Américains se lancent à l’assaut sous un feu particulièrement meurtrier. Des torpilles bangalore sont employées afin d’ouvrir des brèches à travers les barbelés. Le caporal John D. Kelly (Easy company, 2ème bataillon) traverse les lignes adverses sous d’intenses tirs, chargé d’explosifs qu’il installe à trois reprises au pied du point d’appui allemand avant de s’attaquer à la position avec des grenades, obligeant les défenseurs à se rendre. La Combined Task Force 129, divisée en deux escadres (Group 1 dirigé par Deyo et Group 2 dirigé par le Rear Admiral C. F. Bryant), arrive en vue de la Festung Cherbourg à compter de 9 heures 40 et fait route vers trois zones d’ouverture du feu successives : les Allemands débutent aussitôt les tirs et les bâtiments du Group 1 ripostent. Les éléments du Group 2 ouvrent le feu sur ordre à compter de midi. La première demande d’appui-feu naval provenant des troupes au sol est enregistrée à 12 heures 12 et l’adversaire est réduit en 25 minutes. Mais les tirs des différentes batteries allemandes sont précis et les bâtiments de guerre doivent manœuvrer constamment pour éviter d’être touchés ; certains se mettent à couvert derrière des rideaux de fumigènes, d’autres se replient au-delà de la portée des canons adverses. A 13 heures 35, l’un des quatre canons de 240 mm SDKL/40 de la batterie « Hamburg » est détruit par l’USS Texas.

A 14 heures 02, le général Collins remercie l’action de l’amiral Deyo par radio car les Allemands ont nettement relâché leur attention vers le sud et se concentrent également sur la flotte alliée. L’offensive terrestre progresse rapidement malgré les solides défenses. Il lui demande s’il peut poursuivre jusqu’à 15 heures et Deyo accepte : à 15 heures 01, il ordonne l’arrêt des tirs et le repli en direction de Portland en Grande-Bretagne. Pendant ce mouvement, l’USS Tuscaloosa poursuit ses missions d’appui-feu, réalisant d’excellentes frappes au profit des troupes au sol jusqu’à ne plus être à portée de tir. La plupart des canons allemands sont encore en place et en mesure de tirer, mais les servants viennent de subir un bombardement éprouvant qui explique en partie pourquoi ils n’ouvrent plus le feu. Les combats à hauteur de la batterie du Fort du Roule se poursuivent avec notamment l’action héroïque du 1st Lieutenant Carlos C. Ogden qui, bien que blessé lors des combats, s’empare à lui seul d’une position ennemie équipée mitrailleuse ainsi que d’un canon de 88 mm. A 22 heures, les derniers défenseurs du niveau supérieur du Fort du Roule se rendent, les autres sont barricadés dans les souterrains. Pendant ce temps, le 2ème bataillon du 39th IR (9th Infantry Division) combat aux abords de la commune d’Octeville qui est située à l’entrée sud-ouest de Cherbourg et le 47th IR attaque quant à lui depuis l’ouest. La 4th Infantry Division poursuit sa progression sur le flanc droit et parvient à entrer dans Cherbourg depuis les abords est de la ville.

Le 26 juin, tandis que la 4th Infantry Division tient l’est de Cherbourg, la 9th Infantry Division se charge de nettoyer la partie ouest et la 79th Infantry Division s’occupe du centre : la plage est atteinte à 8 heures par le 313th IR, mais les combats se poursuivent durant toute la journée aux abords et à l’intérieur du Fort du Roule jusqu’à la reddition de la centaine d’Allemands qui s’y trouvent. Le 1er bataillon du 47th IR du 9th Infantry Division est stoppé à hauteur de l’arsenal tandis que le 2ème bataillon s’empare de l’hôpital où étaient soignés près de 150 blessés américains. Le 3ème bataillon progresse quant à lui avec l’appui de chars à proximité du stade et du cimetière que les Allemands ont miné. Le 39th IR qui s’infiltre depuis Octeville et son 2ème bataillon atteint l’hôtel de Ville où 400 soldats allemands se rendent. Au soir du 26 juin, 10 000 soldats adverses sont faits prisonniers mais l’arsenal résiste encore aux Américains qui décident d’attendre le lendemain pour lancer de nouveaux assauts.

Le 27 juin à 8 heures, c’est le 47th IR commandé par le colonel George W. Smythe qui prend d’assaut l’arsenal avec la compagnie A en tête. Appuyés par un char qui détruit deux canons de 20 mm allemands, les Américains s’engagent dans un échange de tirs mais leurs adversaires décident rapidement de se rendent : à 10 heures, ils sont faits prisonniers et leur reddition marque la fin des opérations de combat pour la libération de Cherbourg. La bataille pour la conquête de Cherbourg a coûté la vie à 2 800 soldats américains et à environ 7 500 soldats allemands. Le VII Corps du général Collins enregistre également la perte de 5 700 disparus et 13 500 blessés tandis que les Allemands ont 39 000 prisonniers. Des ingénieurs sont transportés à hauteur des installations portuaires pour constater les dégâts et prévoir les réparations à faire ; elles sont particulièrement nombreuses, les Allemands ayant procédé à des destructions systématiques pour empêcher l’utilisation du port de Cherbourg dans de brefs délais. Pendant les travaux, les Américains célèbrent la fête nationale française le 14 juillet aux côtés du maire de la ville, Paul Renault.

Il faut ainsi attendre le 17 juillet pour que le premier bateau allié puisse décharger sa cargaison. Les multiples ravitaillements qui suivent permettent d’alimenter la logistique de guerre américaine car les besoins sont très importants : les 28 divisions alliées engagées dans la bataille de Normandie ont besoin chacune de 750 tonnes de ravitaillement chaque jour, soit un total quotidien de 12 500 tonnes. Pour maintenir cet effort de guerre constant, une route logistique spéciale surnommée « Red ball express » est sélectionnée pour accueillir le flot permanent de véhicules transportant le ravitaillement. Son point de départ est à Cherbourg et est directement au centre de chargement situé à Saint-Lô. Les véhicules y chargent leur cargaison à compter du 24 août 1944 (rassemblés au sein de 67 compagnies de transport, un nombre qui s’élève à 132 le 29 août) puis circulent sur cette route où ils sont prioritaires et que les civils ne peuvent emprunter, jusqu’aux dépôts successifs de la ligne de front.

Les Américains installent également dans le secteur de Cherbourg le « Major system » qui organise le ravitaillement des véhicules et des appareils alliés en carburant. Ce réseau d’oléoducs est mis en place entre l’île de Wight et Querqueville dans le cadre de l’opération Bambi, à l’ouest de Cherbourg, évitant ainsi aux pétroliers de multiplier les traversées. Ce dispositif est également connu comme étant le « Major System » par opposition au « Minor system » de Sainte-Honorine-des-Pertes dans le Calvados. Le 20 août, la ville reçoit la visite du général de Gaulle qui est accueilli avec un enthousiasme extraordinaire ; venu prononcer un discours, il est notamment accompagné du sous-préfet de Cherbourg, Lucien Leviandier.

Le 14 octobre 1945, les Américains quittent définitivement Cherbourg et rendent la ville aux autorités françaises. Les deux communes de Cherbourg et d’Octeville, autrefois indépendantes, sont fusionnées en l’an 2000. Le 1er janvier 2016 a vu la création de Cherbourg-en-Cotentin, réunion des cinq communes membres de la communauté urbaine de Cherbourg : Cherbourg-Octeville, Équeurdreville-Hainneville (issue de la fusion des communes d’Équeurdreville et Hainneville en 1965), La Glacerie, Querqueville et Tourlaville.

Photos de Cherbourg en 1944

Cartes de Cherbourg :

Image : carte du secteur de Cherbourg - Bataille de Normandie en 1944