Opération Perch

7 – 14 juin 1944

Image : Carte de la percée des lignes allemandes à compter du 7 juin 1944
Carte de la percée des lignes allemandes à compter du 7 juin 1944

Les objectifs de l’opération Perch

La ville de Caen est un des objectifs majeurs des armées britanniques engagées en Normandie. De durs combats s’engagent dès le 6 juin au soir pour la conquête de cette ville qui devait justement tomber aux mains des Alliés le Jour J, conformément aux plans initialement prévus. Le général anglais Montgomery concentre ses efforts et décide de la mise sur pied de plusieurs opérations afin de conquérir Caen dans les jours qui suivent le début du débarquement de Normandie.

En effet, la ville de Caen est un verrou qui ouvre la porte à des terrains dégagés, favorables à des offensives rapides contre les troupes allemandes. Tant que Caen ne tombe pas, les Anglo-Canadiens sont susceptibles de rester bloqués sur leurs positions du D-Day.

L’objectif principal de l’opération Perch est d’encercler la ville de Caen puis de s’en emparer. Le 1er corps est prévu de progresser à l’est de la ville tandis que le 30e corps doit reconnaître les villages et points particuliers à l’ouest : cette large manoeuvre d’encerclement (notamment à l’ouest de Caen) doit pousser les Allemands à étaler leur dispositif et disperser leurs moyens. Pour le 30e corps, la 50e division d’infanterie Northumbrian reçoit pour mission de s’emparer de Bayeux ainsi que de la route de Tilly-sur-Seulles, tandis que 7e division blindée, appuyée par la 8e brigade blindée, doit atteindre le mont Pinçon. Quant au 1er corps, la 3e division d’infanterie canadienne doit progresser le long de la rivière Orne pour atteindre le sud-est de Caen.

Lancement de l’opération Perch

Immédiatement après le Jour J, les divisions fraîchement débarquées prennent en compte les objectifs de Montgomery, tout en terminant ceux qui n’avaient pas pu être accomplis la veille. Elles doivent de plus faire face aux contre-attaques allemandes, notamment au nord de Bayeux. Les Allemands lancent leur première contre-offensive en direction de Port-en-Bessin au nord de Bayeux où les troupes américains et britanniques tentent de réunir leurs têtes de pont. La 716e division d’infanterie allemande et la 21e Panzerdivision sont désignées pour contre-attaquer.

Les chasseurs alliés, qui survolent la Normandie, aperçoivent les mouvements de blindés allemands et détruisent un grand nombre de chars et de véhicules. Ces derniers abandonnent la contre-attaque et décident de faire mouvement la nuit. Les paras de la 6e division aéroportée, situés à l’est des plages de débarquement dans les environs du village de Ranville, s’y accrochent et défendent leurs positions avec les canons antichars fraîchement débarqués. Renforcés par la 3e division britannique, ils repoussent les éléments avancés de la 21e Panzerdivision qui se replient sur la ligne défensive de Caen.

Pendant ce temps, des centaines de planeurs américains et britanniques se posent en Normandie, souvent derrière les lignes des forces allemandes, forçant ces dernières à reculer.

Le 1er corps est stoppé dans son élan à la périphérie de Caen par la 21e Panzerdivision, qui interdit tout franchissement de son dispositif et fixe les Canadiens de la 3e division.

Le 8 juin 1944, la 346e division d’infanterie allemande contre-attaque dans les environs de Bréville. Les combats sont d’une extrême violence et s’apparentent à ceux de la Première Guerre mondiale, les adversaires s’enterrant dans des tranchées. Les Allemands décident de mettre sur pied une vaste contre-offensive qui doit débuter le 10 juin, mais le maréchal Rommel annule l’opération car il n’est pas en mesure de rassembler un nombre suffisant de troupes et de chars. Il décide néanmoins de s’installer en défensive sur ses positions et de ne plus reculer face au rouleau compresseur allié. Dans la nuit du 8 au 9 juin 1944, les premiers éléments de la Panzerlehr se mettent en position face au 30e corps britannique dans le secteur de Tilly-sur-Seulles, qui est atteint le 10 juin 1944 par la 50e Northumbrian. Le 11 juin, les Britanniques sécurisent le village lorsqu’ils subissent une féroce attaque de la Panzerlehr, les obligeant à se replier et à abandonner Tilly-sur-Seulles. Un furieux duel débute pour le contrôle de ce village.

Les soldats du 51e Highlanders sont placés aux côtés des parachutistes de la 6e division aéroportée pour défendre leurs positions à proximité du village de Bréville. Les Britanniques attaquent à nouveau depuis Tilly-sur-Seulles en direction de Villers-Bocage. Leur progression est pratiquement stoppée par les premiers chars Tigre allemands arrivés en Normandie et appartenant au S.S. Panzerbataillon 101. Les contre-attaques allemandes sont toutefois inefficaces, du fait de la supériorité aérienne alliée.
Les Canadiens du 6e régiment blindé doivent, eux aussi, arrêter leur progression face aux chars allemands au sud-ouest du village de Mesnil-Patry. Le front semble se stabiliser et ne plus évoluer dans ce secteur.

Au nord-ouest de Caen, le 6e bataillon des Green Howards s’empare du village de Ducy-Sainte-Marguerite. Au sud de cette localité, trois autres villages sont encore aux mains des forces allemandes de la Panzer Lehr : Chouain au sud-ouest, Brouay et Audrieu au sud-est. Le 7e bataillon des Green Howards tente de percer au sud-ouest mais ne parvient pas à traverser la ligne de défense mise en place par les hommes de la Panzer Lehr (qui se sont regroupés la veille). Ils infligent de très lourdes pertes aux Britanniques qui sont obligés de se replier aux abords de la cote 103.

Au nord-est comme à l’ouest de Caen, le front semble stabilisé et les Allemands s’enterrent, disparaissant ainsi aux yeux des redoutables patrouilles aériennes Alliées. Les chars sont placés dans des embossements et seule la tourelle est en défilement de tir. Le 12 juin 1944, les Américains réalisent une percée en direction de Caumont suite à l’effondrement de la 352e division d’infanterie allemande, qui s’est repliée dans la nuit du 9 au 10 juin en direction de Saint-Lô. Cette ouverture dans le front permet à Montgomery d’imaginer un nouveau mouvement de contournement, cette fois en direction de Villers-Bocage. Mais les Allemands ont anticipé ce plan et ont placé les chars Tigre commandés par Michael Wittmann sur la cote 213, à proximité de ce village.

Le général Dempsey fait désengager la 7e division blindée commandée par le général George Erskine, en position face à Tilly-sur-Seulles, pour lui donner l’ordre de faire mouvement vers Villers-Bocage. Pour éviter tout désengagement des Allemands de la Panzerlehr de Tilly, la 50e division d’infanterie campe ses positions afin de fixer ses adversaires. Le 12 juin 1944, la 7e division blindée parvient à Livry vers 20 heures et stationne pour la nuit dans le secteur défendu par la Panzerlehr. Le 13 juin, les éléments avancés britanniques (composés notamment du 4th County of London Yeomanry) atteignent Villers-Bocage et prennent position sur la cote 213, un point haut situé à l’est.

Les « Rats du Désert » (7e division blindée anglaise) sont alors attaqués par les chars lourds commandés par Wittmann. Les pertes britanniques sont particulièrement importantes : en moins de quinze minutes, quatorze chars (treize selon d’autres rapports), deux pièces anti-chars et quinze véhicules de transport sont détruits par les Allemands. Forts de cette victoire, ces derniers poursuivent leur contre-attaque qui tombe dans plusieurs embuscades tendues par les Britanniques dans les ruines de Villers-Bocage et des chars Tigre sont détruits. Mais les Rats du Désert sont obligés de replier en début de soirée, harcelés continuellement par l’artillerie adverse, jusqu’à la cote 174 à proximité de Amayé-sur-Seulles, à l’ouest de Villers-Bocage.

Les Allemands, forts de cette victoire, contre-attaquent en direction de Tilly-sur-Seulles et de Lingèvres. Mais les Britanniques des 49e et 50e divisions d’infanterie résistent avec acharnement et les blindés allemands de la Panzer Lehr division sont dispersés. La contre-attaque se transforme en une retraite organisée. Mais Caen n’est pas pour autant sous contrôle et il semble que de très nombreux jours de combats intenses soient nécessaires pour sa conquête.

Fin de l’opération Perch et bataille de l’île

Le général Montgomery met un terme, le 14 juin, aux opérations d’encerclement de Caen et fait stopper l’offensive du 1er corps au nord-est de la ville. Cette décision marque l’abandon de la stratégie de tenaille de l’opération Perch. Pendant cette journée, les Britanniques du 30e corps s’installent en défense tous azimuts dans la région d’Amayé-sur-Seulles et y livrent des furieux combats face aux contre-attaques allemandes lors de ce qui est aujourd’hui appelé la bataille de l’île.

Bien qu’ils se soient installés en défensive, les Britanniques cherchent à se dégager des axes de progression vers le nord : des éléments de la 50e Northumbrian, appuyés par l’artillerie et l’aviation, attaquent en direction des villages de La Belle Epine, La Senaudière, Lingèvres et Verrières, mais la Panzerlehr stoppe la pénétration de ses lignes en infligeant de lourdes pertes aux Britanniques. Les Allemands parviennent en début de soirée à percer les lignes du 30e corps avant d’être repoussés par l’artillerie alliée vers 22h30. La 50e division d’infanterie reçoit l’ordre de se replier de la ligne du front, elle est retirée des combats peu après minuit dans le cadre de l’opération Aniseed. Le lendemain, la Panzerlehr parvient à rétablir le contact avec la 50e Northumbrian et les combats se poursuivent.

Conclusions de l’opération Perch

Deux villages sont au cœur des combats et prennent une importance stratégie aux yeux des deux camps suite à l’opération Perch : Tilly-sur-Seulles et Villers-Bocage. Ils deviennent des points clés de ce mois de juin 1944 pour les Britanniques comme pour les Allemands et les combats y sont particulièrement furieux : Tilly change de mains pas moins de 23 fois avant d’être enfin libéré.

Au lendemain de l’opération Perch, qui est une défaite stratégique dans la mesure où les objectifs affichés ne sont pas atteints, la 7e division blindée est mise au repos et remplacée par la 33e brigade blindée. A la fin du mois de juin 1944, les Rats du Désert ont perdu près de 1 149 hommes et 38 chars tandis que la 50th Northumbrian accuse la perte de 4476 de ses soldats.

Les conséquences chiffrées pour les Allemands sont plus difficiles à trouver concernant les pertes liées uniquement à l’opération Perch, cependant à la fin du mois de juin la Panzerlehr a perdu  2 972 hommes, 51 chars, 82 half-tracks et 294 autres véhicules. Au 16 juin, la 12e SS Panzerdivision enregistre la perte de 1 417 soldats et au 26 juin celle de 41 chars.

Le déroulement de l’opération Perch, une offensive très coûteuse en vies humaines, symbolise la difficulté des Britanniques à percer durablement le front dans la région de Caen et la résistance allemande qui tient bon malgré l’aviation destructrice alliée. En juin 1944, les Britanniques s’adaptent au jour le jour aux opportunités qui se présentent à eux en espérant lancer l’offensive qui fera la différence, comme le montre la décision de contourner Tilly-sur-Seulles suite à la percée américaine vers Caumont.

Mais leurs unités de tête (51st Highland pour le 1er corps et 50th Northumbrian pour le 30e corps) se sont opposées aux divisions blindées les plus fanatiques de l’armée allemande sur le terrain à ces dates, et qui ne leur ont laissé aucune chance. Si les effectifs sont en faveur des Alliés, les caractéristiques de leurs chars ne le sont pas.

Cependant, l’opération Perch a eu pour effet de fixer dans la région de Caen trois divisions blindées allemandes. Ces unités n’ont pas été déployées face aux Américains qui ont pu progresser relativement rapidement en direction de Cherbourg. C’est un élément fondamental qui est une victoire stratégique en soit pour les Alliés, qui s’ouvrent ainsi la porte du port en eau profonde de Cherbourg et celle de la Bretagne après l’opération Cobra du 30 juillet 1944.

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Auteur : Marc Laurenceau – Reproduction soumise à l’autorisation de l’auteur – Contact Webmaster