Opération Spring

24 – 27 juillet 1944

Les objectifs de l’opération Spring

Après l’opération Goodwood (18 juillet 1944), les Anglo-Canadiens contrôlent la totalité de la ville de Caen et les faubourgs au sud de la localité. Néanmoins, malgré de très violents bombardements, les Allemands sont parvenus à rétablir une ligne de défense compacte le long de la crête de Verrières et contiennent toute percée adverse. Les Canadiens, qui ont subi de très lourdes pertes, doivent se réorganiser avant de pouvoir reprendre l’offensive et se sont installés en défense face au sud et au sud-est. Dans le même temps, les Américains souhaitent profiter de la concentration des forces allemandes dans la région de Caen pour percer le front au sud du Cotentin en direction de la Bretagne. En effet, l’essentiel des renforts et des blindés lourds allemands est aspiré dans la région de la capitale normande, libérant progressivement la pression sur les lignes américaines.

Le général Omar Bradley a mis au point l’opération cobra qui doit bousculer le front dans le secteur américain. Cette offensive est prévue pour le 25 juillet 1944. En liaison avec le général Montgomery et le général Dempsey, Bradley souhaite que les forces anglo-canadiennes lancent une nouvelle offensive en direction de Verrières puis vers l’est afin de fixer les éléments allemands au sud de Caen, les empêchant ainsi de venir contrer l’opération Cobra.

Les Anglo-Canadiens se regroupent ainsi, étant renforcés le 24 juillet 1944 par la 1ère armée canadienne commandée par le général Crerar. Ces mouvements de troupes et de véhicules sont repérés par les observateurs allemands qui en informent leurs supérieurs. Depuis la fin de l’opération Goodwood, les Allemands ont valorisé leurs positions défensives et le 24 juillet au soir, près de 480 chars et 500 pièces d’artillerie sont en place le long des crêtes de Verrières. Quatre bataillons d’infanterie supplémentaires sont arrivés pour renforcer les lignes allemandes.

Le plan de l’opération Spring est soumis à un déroulement très précis qui doit être impérativement respecté afin de garantir le succès de l’offensive. Le North Nova Scotia Highlanders, commandé par le lieutenant-colonel Charles Petch, doit dans un premier temps s’emparer du village de Tilly-la-Campagne. Le régiment du Calgary Highlanders doit ensuite s’emparer de May-sur-Orne et couvrir les flancs de l’offensive dans la région des crêtes de Verrières. Le Black Watch, qui représente l’effort principal des Canadiens, doit se déplacer de la cote 61 jusqu’à Saint-Martin avant de prendre d’assaut la crête de Verrières, appuyée par les chars et l’artillerie. Enfin, les appuis doivent faire mouvement en suivant la percée créée par le Black Watch au sud de la rive de Bourguébus et se mettre en position pour soutenir la poursuite de l’offensive.

Déroulement de l’opération Spring

Le 24 juillet 1944 à dix-huit heures, l’artillerie alliée débute son impressionnant barrage sur les positions allemandes.

Dans la nuit du 24 au 25 juillet, les Canadiens se préparent à lancer l’offensive. Après s’être installés sur la ligne de débouché, ils lancent l’assaut à compter de 03h30, tandis qu’un ingénieux dispositif d’éclairage leur permet de repérer les positions allemandes. Mais étant eux-mêmes éclairés, les hommes du North Nova Scotia Highlanders ne profitent pas pleinement du procédé. Après de furieux combats, ils libèrent Tilly-la-Campagne à 04h30 et en chassent les derniers occupants. Cependant, la région de May-sur-Orne est composée de plusieurs mines de fer qui sont utilisées par les Allemands pour s’infiltrer à l’arrière des lignes canadiennes : une grande confusion s’installe dans les rangs alliés. Le village de Verrières est atteint à 05h30 par le Royal Hamilton Light Infantry (commandé par le lieutenant-colonel John Rockingham), qui fait également face à une solide résistance allemande. Une fois ces objectifs sécurisés, les Canadiens consolident leurs positions et la deuxième phase du plan de l’opération Spring peut débuter.

Le régiment du Calgary Highlanders se met en marche à son tour. Les Canadiens, après avoir essuyé de très lourdes pertes, parviennent à libérer Saint-Martin et atteignent les premières maisons de May-sur-Orne où de furieux combats se poursuivent. La situation est critique. De son côté, le Black Watch Regiment effectue comme convenu son déplacement de la cote 61 en direction de Saint-Martin mais il ne bénéficie d’aucun appui lourd. Ils sont pris à partie pendant toute la phase de mouvement et à l’approche de la crête de Verrières, ils tombent dans le piège tendu par les Allemands : compartimentés au fur et à mesure par les défenses adverses, ils sont fixés et progressivement détruits par des tirs croisés provenant de l’usine située au sud de Saint-Martin, de la crête de Verrières et de positions défensives situées le long de la rive sud de l’Orne. A la fin de l’assaut, le Black Watch a perdu la quasi-totalité de son avant-garde. Les hommes du régiment de Maisonneuve partent à l’assaut de la crête mais échouent à leur tour.

Le lendemain 26 juillet 1944, les Allemands profitent de la situation pour reprendre l’initiative. Les blindés des 9e et 12e S.S. Panzer divisions attaquent en direction de Verrières puis Saint-Martin. Face à la puissance de feu adverse, les Canadiens ne peuvent que se replier : le Calgary Highlanders quitte May-sur-Orne, le North Nova Scotia Highlanders Regiment abandonne Tilly-la-Campagne tandis que le Black Watch se retire de Saint-Martin. Fixés, les Canadiens ne sont plus en mesure de reprendre la progression et ne peuvent que tenir leurs positions et s’installer en défense ferme. Les Allemands sont persuadés que le front peut s’écrouler à tout instant et qu’ils sont en mesure d’infiltrer Caen : ils multiplient les attaques sans compter leurs pertes.

Les hommes du général Simonds tiennent bon : leurs pièces antichars détruisent bon nombre des blindés allemands et aucune contre-attaque adverse n’a percé durablement le front. Face au retour des Canadiens à proximité de leurs lignes de débouché et suite aux catastrophiques rapports de pertes, l’opération Spring est suspendue définitivement le 27 juillet 1944.

Le bilan de l’opération Spring

Le 25 juillet, les forces canadiennes perdent  1 500 soldats : le Canada n’avait pas connu un tel massacre depuis le débarquement à Dieppe du 19 août 1942. Au total, les forces anglo-canadiennes comptent 450 tués et près de 1 100 blessés en seulement quarante-huit heures. Les pertes allemandes ne sont pas connues.

D’un point de vue humain et tactique, l’opération Spring est une catastrophe, car les pertes sont particulièrement élevées pour un gain de terrain quasi nul. Ces rapports ne sont d’ailleurs pas sans rappeler ceux de la Première Guerre mondiale. La résistance allemande a été efficace et les adversaires des Canadiens ont même repris l’initiative après le 25 juillet, ce qui représente pour eux une réelle victoire. Mais d’un point de vue stratégique, les Allemands ont facilité le travail des Américains à l’ouest, exactement comme le souhaitait Omar Bradley : l’opération Cobra est un véritable succès et les forces américaines ne sont pas menacées par les divisions blindées allemandes focalisées sur les unités anglo-canadiennes au sud de Caen.

Une fois de plus dans l’histoire militaire du Canada, les soldats Canadiens se sont sacrifiés pour le succès des armées alliées, en subissant de plein fouet l’effort des forces allemandes engagées en Normandie. Leur sacrifice n’est pas vain car le lendemain de l’arrêt de l’opération Spring, le 84e corps allemand est totalement bousculé à l’ouest et les Américains sont en mesure de percer vers Avranches, la porte de la Bretagne.

Auteur : Marc Laurenceau – Reproduction soumise à l’autorisation de l’auteur – Contact Webmaster