Le maquis de Saint-Marcel

La résistance française pendant la bataille de Normandie

Maquisard dans la région de Saint-Marcel
Maquisards bretons dans la région de Saint-Marcel. Photo : DR

La résistance en Bretagne

Dans le cadre de la préparation de l’opération Overlord en Normandie, les Alliés cherchent tous les moyens possibles afin de ralentir l’envoi de renforts vers les plages du débarquement après le Jour J. En Bretagne, près de 150 000 soldats allemands sont stationnés, à proximité immédiate de la Normandie.

La présence de la résistance bretonne et sa situation favorable attire en 1943 l’attention des Alliés qui cherchent un site valable afin de parachuter des armes et des équipements, voire des unités aéroportées. Un terrain est plus particulièrement retenu : bien que très isolé dans la campagne bretonne, il est facile à repérer d’avion car il se situe entre une ligne de chemin de fer et la rivière Oust. Le terrain situé dans la région de Malestroit est homologué par les Alliés sous le nom de code “Baleine” et à partir de mai 1943, c’est une D.Z. (drop zone, aire de parachutage) qui reçoit de nombreux containers d’armes et de munitions.

Le commandant Morice, chef départemental de l’armée secrète, décide d’établir son poste de commandement à la ferme de La Mouette, à proximité de la D.Z. pour la réception d’armes et, éventuellement, de renforts parachutés au moment du débarquement allié. Avec l’accord du fermier, Monsieur Pondard, et de toute sa famille, cette ferme devient le lieu de ralliement de nombreux résistants de la région de Malestroit. On surnomme alors ce lieu « La petite France ».

Pourquoi Saint-Marcel ?

En 1940, lorsque les Allemands occupent cette région chargée d’histoire, de nombreux réseaux de résistance voient le jour.
Le maquis de Saint-Marcel est créé en février 1943 grâce à l’association d’autres cellules pour recevoir des parachutages d’armes. En mai, ces derniers sont suspendus, après quelques ratés, pour ne pas attirer l’attention de l’Occupant. Car les Allemands découvrent rapidement le tempérament des Bretons et décident d’y envoyer des unités spéciales, composées notamment d’Ost-Truppen : principalement des géorgiens et des ukrainiens, mais également des russes.

Saint-Marcel est un petit bourg du Morbihan située à une trentaine de kilomètres de Vannes. Mais rapidement, Saint-Marcel devient le plus important maquis F.F.I. (Forces Françaises de l’Intérieur) de la Bretagne, atteignant jusqu’à 2 500 résistants.
Pourquoi un aussi important maquis à Saint-Marcel ? C’est en raison de son éloignement par rapport aux grandes voies de communication et grâce à la présence d’une végétation dense que le maquis a réussi à se développer.

A compter d’avril 1944, les résistants sont de plus en plus victimes d’arrestations et certains se réfugient au Maquis de Saint-Marcel. En mars 1944, plusieurs arrestations désorganisent la résistance locale. Deux officiers de gendarmerie sont arrêtés, torturés et déportés. Plusieurs cadres F.F.I. sont fusillés près de Rennes.
Mais début juin, ce sont plus de 2 000 hommes qui se trouvent sous les ordres du commandant Morice dans la région de Saint-Marcel.

Les opérations de résistance à partir du Jour J

C’est à cette époque que le Conseil National de la Résistance (C.N.R.) confie aux résistants de la région de Malestroit la mission de détruire les voies ferrées et les lignes téléphoniques, mais aussi d’effectuer des opérations de guérilla pour affaiblir au maximum les Allemands.

C’est au cours des journées du 4 et 5 juin 1944, à la veille du débarquement en Normandie, que les opérations commencent véritablement. Un message : « Les dés sont sur le tapis », diffusé le 4 juin par Radio-Londres, déclenche le Plan Vert. Il vise la destruction des voies ferrées. Le Plan Violet quant à lui, consiste à couper les lignes téléphoniques de l’ennemi. Enfin, le message « II fait chaud à Suez » entendu le 5 juin, lance le Plan Rouge, c’est-à-dire des opérations de guérilla. Les groupes locaux de résistance se mobilisent aussitôt, forts d’environ 3 500 volontaires.

Aux premières heures du 6 juin 1944, alors que les éclaireurs américains et britanniques sautent au-dessus de la Normandie, 36 commandos appartenant au 4e bataillon Special Air Service (S.A.S.) français (futur 2e régiment de Chasseurs parachutistes) sont parachutés en Bretagne. Ils sont répartis en quatre équipes comprenant chacune neuf personnels : deux sont larguées vers 00h30 près de Plumelec dans le Morbihan (opération Dingson) et deux sautent au-dessus de la forêt de Duault dans les Côtes-d’Armor (opération Samwest).

Les missions des maquisards de Saint-Marcel comme celles des parachutistes sont claires : appliquer les Plans Vert, Violet et Rouge, organiser une base à partir de laquelle des actions de guérilla sont menées et où ils peuvent s’approvisionner et s’entraîner. Enfin, ils doivent se tenir prêts à soutenir un éventuel débarquement allié sur la côte morbihannaise.

Après le Jour J, des parachutages ont lieu en Bretagne toutes les nuits à partir du 9 juin 1944. Des équipes de douze à vingt S.A.S. sont larguées à chaque fois. Ces opérations ont évidemment été remarquées par les Allemands : les F.F.I. savent que tôt ou tard leur base serait repérée. Par conséquent, ils attendent avec impatience l’ordre d’accroître la guérilla et de marcher au-devant des troupes alliées pour leur servir de guide dans la campagne bretonne.

Finalement, le second débarquement sur la côte morbihannaise n’a pas lieu. Cette décision est communiquée aux résistants par message radio et la dispersion des unités est aussitôt ordonnée. S’il faut éviter à tout prix la bataille rangée, le commandant Bourgoin reçoit cependant la consigne de multiplier les actions de guérilla. Il décide alors de disperser les unités F.F.I. et S.A.S., dans tout le département afin d’accentuer le sentiment d’insécurité pour les troupes allemandes en Bretagne.

Dans le but de maintenir la continuité des actions de résistance avec les survivants de l’opération Samwest afin de renforcer en nombre et en moyens les forces de Saint-Marcel, les S.A.S. français lancent l’opération Grock, commandée par le capitaine Deplante. L’opération Grock a tenu jusqu’à l’insurrection générale en août 1944, après la percée d’Avranches réalisée par les Américains.

La journée du 18 juin 1944

A l’aube du 18 juin 1944, un poste avancé F.F.I. ouvre le feu sur deux voitures de patrouille allemande venues vraisemblablement en reconnaissance pour chercher du renseignement dans cette région où de nombreux parachutages ont été remarqués. Un des Allemands parvient à s’échapper et donne l’alerte.

Croyant n’avoir face à eux qu’un petit nombre de maquisards (en réalité le camp est alors défendu par 2 400 résistants), 200 Allemands de la garnison de Malestroit arrivent à neuf heures du matin et progressent en file indienne. Ils sont vite pris sous le feu des fusils-mitrailleurs des maquisards et subissent de très fortes pertes. Une seconde attaque allemande débute à dix heures. Une fois encore, les victimes allemandes sont nombreuses. Bourgoin demande alors par radio aux Alliés des secours aériens immédiats.

Vers quatorze heures, les Allemands reprennent l’offensive. L’aviation alliée, représentée par quatre chasseurs bombardiers P-47 Thunderbolt de l’U.S. Air Force en provenance de Normandie, interviennent vers 15h30, semant la panique parmi les Allemands. Les résistants en profitent pour se réorganiser. Cependant, après le départ des avions, l’attaque reprend, plus intense encore. La bataille est terrible.

Lorsque la nuit tombe, les combats cessent progressivement. Les résistants savent que le combat reprendra le lendemain et que leur adversaire disposera de renforts beaucoup plus importants, ceux de l’artillerie et surtout des blindés.
La décision de disperser la base française, avant qu’elle ne soit totalement encerclée, est ainsi prise vers 22 heures. 2 000 hommes disparaissent dans la nuit, ils regagnent leur maquis d’origine. Avant de déserter le site, des parachutistes S.A.S. français restés couvrir la retraite de leurs camarades font sauter les trois tonnes d’explosifs et de munitions en réserve pour éviter qu’ils ne tombent aux mains des Allemands.

Au cours de cette bataille de Saint-Marcel, une trentaine de Français F.F.I. et six parachutistes S.A.S. sont tués. Côté allemand, les pertes sont beaucoup plus élevées : les estimations varient entre 300 et 600 morts. Ce qui est certain, c’est que les Allemands ont sous-estimé l’importance des effectifs français et leur capacité défensive.

Dans la journée du 19 juin, c’est un camp totalement vide que les Allemands découvrent. Par dépit, par vengeance aussi, ils exécutent les blessés qu’ils découvrent cachés dans les fermes aux alentours. Ils font la chasse aux « terroristes », fouillant sans cesse les villages et les bois, arrêtant ou massacrant les isolés qui n’ont pas pu s’enfuir à leur approche, persécutant les populations civiles, torturant, assassinant.

Cette véritable chasse aux « terroristes » est lancée sans la moindre pitié par la Gestapo, la milice, un escadron d’Ukrainiens et un bataillon de Géorgiens à la solde des nazis. Les uns et les autres sèment la terreur parmi la population. Ils brûlent les fermes et le bourg de Saint-Marcel. Seuls les bâtiments de l’église, du presbytère et des écoles du village sont épargnés.

Le 12 juillet 1944, un peu moins d’un mois après l’attaque du 18 juin, les soldats allemands découvrent (informés par la Gestapo) le poste de commandement de la cellule Dingson de Marienne, situé à Kerihuel près de Plumelec. Marienne, passé capitaine, ainsi que 17 frères d’armes (six parachutistes, huit résistants et trois fermiers) sont fusillés à l’aube. C’est la triste fin du maquis de Saint-Marcel.

Le bilan des opérations à Saint-Marcel

Sur les 450 S.A.S. engagés, 77 trouvent la mort et 197 sont blessés.

Avec la bataille de Saint-Marcel, les Allemands découvrent l’existence de forces bien armées et encadrées, en relation permanente avec l’état-major allié, qui leur infligent des pertes sérieuses. Quant aux Alliés, cette bataille leur apprend que la lutte armée clandestine ne peut être organisée à partir d’une base permanente.

Les combats de Saint-Marcel connaissent un grand retentissement dans le Morbihan. En effet, pour la première fois en France après la libération de la Corse, les Allemands sont tenus en échec par la résistance locale. Les forces allemandes participant à la lutte contre les réseaux de résistance en Bretagne sont autant d’éléments qui ne sont pas envoyées en renfort en Normandie contre les Alliés.

Auteur : Marc Laurenceau – Reproduction soumise à l’autorisation de l’auteur – Contact Webmaster