Le modèle de guerre américain et le débarquement de Normandie

Les dossiers du débarquement de Normandie

Introduction

Qu’est-ce qu’un modèle de guerre ?
Une manière de combattre spécifique à un pays donné. Pourquoi le modèle guerre américain ?
Deux entrées en guerres tardives et déterminantes : la première en 1917 pendant le premier conflit mondial, la seconde en 1941 après l’attaque japonaise de Pearl Harbor.

Pourquoi l’exemple des débarquements ?
Pendant la Seconde Guerre mondiale, les opérations amphibies sont parties intégrantes du modèle de guerre américain, en Europe comme dans le Pacifique.

Problématiques abordées pour le sujet :
Quelles sont les principales caractéristiques du modèle de guerre américain ? En quoi ce modèle était-il apte à l’emporter sur les forces ennemies ?

Première partie : la formation du modèle de guerre américain avant le débarquement de Normandie

L’étude du modèle de guerre américain au cours de la Seconde Guerre mondiale nous fait apparaître à la fois des constantes et une évolution au fil du temps et des événements. Nous allons aborder dans un premier temps ces constantes avant d’analyser les évolutions qui s’inspirent des compte-rendus des différents débarquements pré-Normandie.

A. Les constantes du modèle de guerre américain.

Les moyens matériels du modèle de guerre américain.

Concernant les questions relatives aux moyens matériels de faire la guerre, le modèle américain repose sur de solides bases qui n’ont guère changé au cours du second conflit mondial. En effet, les capacités industrielles des Etats-Unis n’ont cessé d’avoir une longueur d’avance phénoménale sur ses adversaires ainsi que sur ses propres alliés. La puissance de ce que Eisenhower a appelé le « complexe militaro-industriel » était – et demeure aujourd’hui encore – l’une des principales préoccupations des dirigeants américains. Voici quelques données pour illustrer ces informations :

Alors que les Etats-Unis accusent un net retard dans l’industrie militaire aux débuts de la Seconde Guerre mondiale vis-à-vis de l’Allemagne et du Japon, celui-ci est très vite rattrapé en moins de cinq ans. Non seulement ce retard est rattrapé, mais les Américains vont jusqu’à établir des records de production et de vente d’armements de tout type. Ces efforts industriels de la part des Etats-Unis marquent une profonde modification au sein du milieu social nord-américain car les minorités noires, concentrées essentiellement dans le sud, rejoignent les usines d’armement du nord-est et s’intègrent au reste de la population. Les femmes prennent la suite des hommes et à l’image des européennes pendant la Première Guerre mondiale, elles fabriquent des armes, des munitions, des bombardiers… pendant que leurs maris, fils ou frères se battent loin de chez eux.

Cet effort est renforcé par le souci constant de l’adaptation technologique. Depuis la guerre de sécession américaine, la majorité des conflits armés ont reposé sur la puissance matérielle (et non plus simplement sur la quantité des effectifs combattant), les Américains ont perçu l’importance d’endosser le rôle de précurseur technologique, non pas celui de « suiveur ». Bénéficiant en partie des travaux des chercheurs britanniques et français, ils mettent au point un certain nombre d’armes nouvelles.

Les constantes stratégiques du modèle de guerre américain avant le Jour J.

Étudions à présent les constantes stratégiques du modèle de guerre américain avant le Jour J en Normandie. En effet, nous pouvons remarquer qu’au fil des opérations, les batailles livrées par les troupes américaines font l’esquisse d’un plan général qui reste le même tout au long de la Seconde Guerre mondiale. Tout d’abord, l’effet majeur des Etats-Unis est de combattre l’Allemagne de front, sur son territoire, et pas simplement sur des théâtres d’opérations périphériques. S’ils ne possèdent pas de troupes en Europe au moment de leur entrée en guerre en 1941, ils alimentent massivement l’Angleterre en fonds et en équipements contre les forces de l’Axe. Puis vient le temps des actions périphériques (comme en Afrique du nord ) et enfin la préparation de l’action frontale et finale, celle de l’opération Overlord. Déjà, en août 1942, les Américains supervisaient l’opération Jubilee, un raid de grande envergure sur les plages du Pas-de-Calais voué à l’échec mais dont les enseignements, payés au prix du sang, profitent plus tard aux Alliés dans le cadre de la préparation d’Overlord.

Les Américains adoptent également la stratégie chère au maréchal Foch de la concentration des forces. Les offensives doivent se faire les unes après les autres, sur une faible étendue. De plus, ils misent sur la surprise pour mener à bien leurs opérations : frapper là où on ne les attend pas, à l’heure choisie et avec les moyens les plus originaux. C’est ici avoir la maîtrise du lieu, du temps et des moyens, qui leur assure généralement la victoire. Ces caractéristiques se retrouvent au cours des différents débarquements qui précèdent celui de Normandie : en Afrique du nord, à Salerne et à Anzio.

Les constantes tactiques du modèle de guerre américain avant le Jour J.

Sur le plan tactique, les Américains adoptent de manière constante les assauts de type amphibies. Ce qui est compréhensible pour un pays qui porte les armes loin de son territoire national et qui a profondément misé sur la puissance maritime. De plus, beaucoup de territoires occupés par les forces de l’Axe, notamment dans le Pacifique, ne sont accessibles que par la voie des mers. Les expériences des débarquements contre les Japonais dans le Pacifique ont été très utiles aux forces alliées.

Pour réaliser avec une totale liberté d’action de tels débarquements, les Américains savent qu’ils doivent obtenir en amont la supériorité militaire aérienne et maritime. Contre le Japon, les combats sont particulièrement âpres et marquent l’importance tactique du porte-avions, qui permet de progresser dans les deux domaines à la fois. Contre l’Allemagne, les efforts sont réalisés essentiellement dans la lutte anti-sous-marine, notamment pour protéger les convois de ravitaillement entre les Etats-Unis et la Grande-Bretagne. Depuis 1941, la Luftwaffe (l’armée de l’air allemande) n’est plus capable de stopper les vagues de bombardiers alliés : à la fin de l’année 1942, les Alliés sont définitivement maîtres des airs et de la mer.

B. Les évolutions du modèle de guerre américain avant le Jour J.

Les enseignements des expériences militaires avant le débarquement de Normandie.

Les Etats-Unis adaptent leur modèle de guerre en fonction de leurs réussites et de leurs échecs. Chaque opération amphibie apporte son lot d’informations et d’enseignements qui permettent aux alliés d’augmenter en efficacité. Les premières opérations amphibies, sur des théâtres d’opérations périphériques, préparent déjà le grand débarquement que tout le monde attend et qui doit opposer directement les Américains aux troupes allemandes. Nous allons ici faire l’état des divers enseignements apportés par les débarquements entre 1942 et 1944, avant le D-Day.

– Opération Jubilee. Il s’agit plus ici d’un raid de grande envergure qu’une véritable opération amphibie comparable à l’opération Overlord. En effet, les objectifs sont limités dans la durée et il n’est pas question de former une tête de pont en France. Toutefois, la proximité géographique entre Dieppe et les plages de Normandie invite à s’y intéresser en particulier, d’autant plus que les Américains vont bénéficier d’un grand nombre d’enseignements utiles dans le cadre de la préparation d’Overlord. Après un « retour d’exercice » (ou retex), les Alliés établissent que ce raid a été particulièrement coûteux en vies humaines notamment à cause du manque de bombardements préalables. D’autres facteurs ont joué contre les assaillants (canadiens pour la plupart, mais également français) : aucun effet de surprise (les Allemands s’attendent à un débarquement sur les côtes du nord de la France), pas de ravitaillement conséquent des troupes débarquées, inadaptation technique et inadaptation au terrain (les chenilles des nouveaux chars Churchill britanniques patinent dans les galets) et objectifs mal choisis (attaque de front d’un port fortifié en particulier).

– Opération Torch. Première vaste offensive amphibie menée par les armées alliées sous commandement américain, cette opération a pour but principal de porter un coup d’arrêt à la progression d’Hitler en Afrique du nord . Si le débarquement est une réussite dans son ensemble, le retex qui en est fait montre que de nombreuses améliorations sont possibles : des problèmes de coordinations entre les unités maritimes sont remarqués, tandis que les engins de débarquement spécialisés (péniches, barges d’assaut…) font cruellement défaut.

– Opérations à Salerne et à Anzio. Ces deux offensives en Italie montrent que les têtes de pont sont rapidement isolées et qu’il est extrêmement difficile de briser l’encerclement. Des moyens aériens supplémentaires auraient été nécessaires, ainsi qu’une mise à disposition rapide de moyens antichars.

La situation tactique à la veille du Jour J : l’exemple de l’opération Husky.

Fort des enseignements obtenus au fil des débarquements accomplis, le modèle de guerre américain dans le domaine des opérations amphibies atteint une quasi perfection lors de l’opération Husky en Sicile. En effet, Husky s’organise de la même manière qu’Overlord et selon le schéma suivant : dans un premier temps, les Alliés doivent disposer d’une quantité suffisante de renseignements sur l’ennemi et ils doivent avoir planifié scrupuleusement chaque phase de l’assaut. Concernant l’attaque en elle-même, des parachutistes sont tout d’abord largués afin de mener des actions commandos au sein des lignes ennemis et à proximité directe des plages de débarquement prévues. Ensuite, des bombardements massifs (aériens et navals) pilonnent les positions ennemies. Vient alors le débarquement et dans la foulée l’exploitation immédiate de toute percée possible tandis que les premiers renforts sont sur place. La tête de pont formée et assurée, le ravitaillement des troupes commence. Une répétition générale en quelque sorte, qui peut donner naissance au débarquement le plus connu de l’histoire contemporaine…

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Auteur : Marc Laurenceau – Reproduction soumise à l’autorisation de l’auteur – Contact Webmaster