La Kriegsmarine en Normandie

Bataille de Normandie

Schnellboot Kriegsmarine Normandie

Un Schnellboote (vedette-torpilleur) de la Kriegsmarine.
Photo : Bundesarchiv

Répartition de la Kriegsmarine en Normandie

Le terme Kriegsmarine (marine de guerre allemande) désigne aussi bien les unités de surface et sous-marines du 3e Reich que les batteries d’artillerie côtière. Au printemps 1944, la Kriegsmarine en Normandie est sous les ordres de deux commandements : à l’ouest, le secteur du Konteradmiral Walter Hennecke (basé à Cherbourg) s’étalant de la baie du Mont-Saint-Michel jusqu’à l’embouchure de l’Orne, à l’est le secteur du Konteradmiral Hans-Udo von Tresckow (basé au Havre), s’étalant de l’embouchure de l’Orne à la Somme. Les forces maritimes allemandes positionnées le long des côtes de la Manche sont placées sous le commandement de l’amiral Friedrich Rieve dont le poste de commandement est situé à Rouen.

Les principaux ports utilisés par les Allemands en Normandie sont situés à Cherbourg, Le Havre, Ouistreham, Port-en-Bessin, Grandcamp-Maisy ainsi que dans les îles Anglo-Normandes.

Déjà fortement affaiblie par les années de guerre précédentes, la marine de guerre allemande ne dispose dans cette zone que de 163 dragueurs de mines (Raumboote), 57 patrouilleurs (Vorpostenboote), 42 barges d’artillerie (Artillerie-Träger), 34 vedettes lance-torpilles (S-Boote) et 5 torpilleurs (Torpedoboote).

La Kriegsmarine face aux Alliés le Jour-J

La tempête historique qui bat son plein dans la Manche depuis le début du mois de juin ne permet pas à la Kriegsmarine d’effectuer des sorties en mer les jours qui précèdent le lancement de l’opération Overlord. Lorsque l’armada alliée fait route vers les côtes normandes, les bâtiments de guerre allemands sont à quai et les équipages au quartier.

Aux premières heures du 6 juin 1944, les nombreux messages indiquant la présence de parachutistes en Normandie ainsi que d’une flotte alliée en mouvement au large du Pas-de-Calais (manoeuvre de diversion orchestrée par les Alliés dans le cadre de l’opération Fortitude) inquiètent l’amiral Krancke, commandant en chef du groupe naval ouest (Marinegruppe West) depuis son poste de commandement. Il fait alors placer en alerte la flotte des côtes de la Manche à compter de trois heures du matin, mais à ce moment, l’armada alliée est déjà au large de la Normandie, attendant le lever du jour pour ouvrir le feu.

Sur la côte, les artilleurs de la Kriegsmarine ont repéré de nuit des silhouettes sombres se détachant de l’horizon : les fusées éclairantes tirées pour demander l’identification de ces navires n’ont rien donné. A Port-en-Bessin, la station d’écoute radar a repéré des échos provenant du large, indiquant la présence de navires au mouillage : la 6e flottille de canonnières (6. Artillerieträger-Flottille) est engagée mais elle est réduite au silence par les tirs de l’armada alliée.

Des patrouilles sont déployées depuis Le Havre et Cherbourg, comme les 4e et 5e flottilles de vedettes lance-torpilles ainsi que la 15e flottille de patrouilleurs : traversant le rideau de fumigènes mis en place par les précurseurs de l’armada alliée, ils découvrent les bâtiments de guerre adverses et font demi-tour, après avoir tiré leurs torpilles.

A l’est de l’armada, au large d’Ouistreham, le destroyer norvégien Svenner est coulé par une des dix-huit torpilles tirées par les trois Schnellsboote (S-Boote) de la 5e flottille de vedettes lance-torpilles venant du Havre : trente-deux marins norvégiens et britanniques sont tués lors de cette attaque.
Plus tard, après le lever du jour, des embarcations appartenant à la 10. Räumbootsflottille (chargée de placer des mines dans la baie de Seine) restent entre le port de Ouistreham et celui de Blainville-sur-Orne où plusieurs de ses unités sont prises à partie par les troupes aérotransportées britanniques s’étant préalablement emparées du canal de Caen.

Les batteries d’artillerie côtière subissent le feu de l’armada alliée toute la journée du Jour J. Si les batteries du Cotentin (Azeville, Crisbecq) parviennent à enregistrer des coups au but sur des bâtiments de guerre américains, les autres sont détruites par les bombardements, dans l’impossibilité de tirer (Pointe du Hoc) ou rapidement sous contrôle allié. La batterie de Longues-sur-Mer reste en activité le 6 juin jusqu’en fin d’après-midi mais les Britanniques s’en emparent le lendemain, capturant sans combat les 184 soldats chargés de sa défense.

Les escarmouches nocturnes de la Kriegsmarine

Pour les Allemands, il est nécessaire de réagir afin de contrer cette puissance militaire navale qui est un véritable pont reliant les côtes sud de l’Angleterre aux plages normandes. Une contre-offensive est mise sur pied directement après le Jour J, elle concerne la 8e flotte de destroyers, alors au mouillage à proximité des côtes de Gironde (sous l’autorité de l’amiral Krancke). Ses bâtiments sont des Type 36A qui reçoivent l’ordre, le 6 juin 1944, de faire route vers Brest. Ce raid naval, appelé raid d’Ushant, échoue le 9 juin 1944 avant même d’avoir pu inquiéter les Alliés. Ces derniers, bénéficiant à la fois d’un rapport de force favorable (à huit destroyers contre quatre) et du travail de la machine Ultra permettant de décoder les transmissions adverses, détruisent cette force maritime allemande.

Les batteries côtières défendant les accès maritimes de Cherbourg (notamment la batterie Hambourg) poursuivent la défense de la zone portuaire contre les bâtiments de guerre alliés jusqu’à la fin du mois de juin 1944, notamment pendant l’après-midi du 25 durant laquelle de longs duels s’engagent. Mais ces imposantes places fortes n’empêchent pas la chute de la ville aux mains des Alliés le 1er juillet.

A la suite de l’échec du raid d’Ushant, la Kriegsmarine envisage d’agir de nuit et de manière ponctuelle, car le travail interarmées entre les unités de surface et les forces aériennes des pays alliés empêche toute action coordonnée de leur adversaire. Pendant le mois de juillet, les bâtiments de guerre rescapés par les bombardements aériens tentent de nouvelles offensives mais sans succès, mises à part les destructions de quelques péniches et L.S.T. (Landing Ship Tank).

Au mois d’août 1944, les Allemands adoptent une nouvelle tactique en déployant en baie de Seine les plongeurs du K-Verband situés à l’est de l’Orne dans les ports de Fécamp, Honfleur et Houlgate. Ces commandos allemands, équipés de torpilles Neger, de sous-marins de poche Marder ainsi que de canots explosifs radioguidés Linsen, effectuent huit attaques qui n’inquiètent pas l’armada alliée outre mesure.

Dans l’impossibilité de poursuivre le combat au large des côtes normandes, la Kriegsmarine est alors retirée de la baie de Seine et redéployée à compter du 23 août dans les ports d’Allemagne et des Pays-Bas. L’incidence de son action générale en Normandie contre les forces maritimes alliées est quasi nulle.

Auteur : Marc Laurenceau – Reproduction soumise à l’autorisation de l’auteur – Contact Webmaster