Assaut de la batterie de Merville

Opération Overlord

Lieu : Merville, Calvados, Normandie

Horaire : 00h55 – Jour J

Zone de largage (Drop Zone) : Image : drapeau britannique DZ « V »

Appareils engagés : 30

Unité alliée : Image : 6ème Airborne Division 9 Para Battalion

Unité allemande : 1./1716 A.R. –  716e D.I.

Pièces d’artillerie : 4x 100 mm leFH 14/19 (t)

Composition de la batterie de Merville

Dans la localité de Merville, près de Franceville dans le Calvados, se trouve une batterie de l’armée allemande, composée de plusieurs abris et postes de défense, de fossés antichars, de centaines de mètres de barbelés, de champs de mines, et surtout de quatre énormes casemates protégeant des pièces d’artillerie.

D’après les photographies aériennes réalisées dans le cadre de la préparation de l’opération Overlord, les Alliés estiment que de telles casemates doivent protéger des pièces d’artillerie de 150 mm. De tels canons sont capables d’écraser la plage de Sword sous leur feu. Pour les Alliés, ce site militaire, renforcé par un ensemble de différents bunkers d’observation et de soutien situés à l’ouest de Franceville, face à la mer, doit être impérativement sous contrôle avant que les soldats britanniques et français ne commencent à débarquer le Jour J.

Pendant tout le printemps 1944, les Alliés bombardent la batterie de Merville dans l’espoir d’éviter une attaque terrestre, mais les bombes sont sans effet sur les casemates allemandes, épaisses de deux mètres et recouvertes de terre. Cependant, le 19 mai 1944, l’Hauptmann (capitaine) Wolter est tué lors d’un raid effectué par la Royal Air Force : il est remplacé par l’Oberleutnant (lieutenant) Raimund Steiner.

La garnison allemande de la batterie de Merville sous les ordres de Steiner est forte de 160 soldats (80 artilleurs appartenant à la première batterie du 1716. Artillerie Regiment et 50 sapeurs). Le 6 mars 1944, exactement trois mois avant le débarquement, le Feldmarschall Rommel effectue une visite du site et ordonne l’accélération des travaux qui se terminent en mai 1944 : en plus des casemates, la batterie comprend un canon anti-aérien de 20 mm, quinze positions pour mitrailleuses, un champ de mines large de 91 mètres, un fossé anti-char  ainsi que des remparts de barbelés hauts de 1,5 mètres et larges de 4,6 mètres.

Préparations de l’attaque britannique

L’état-major du général Eisenhower prend la décision suivante : c’est un commando de parachutistes britanniques qui doit se charger de réduire au silence la batterie dans la nuit du Jour J, quelques heures avant le début du débarquement sur les plages.

C’est le lieutenant-colonel Terence Otway, qui reçoit le commandement de ce commando fort de 700 hommes, appartenant au 9th Parachute Battalion de la 6e division aéroportée. Conscient de la difficulté de cette mission et de la forte probabilité que les cadres soient tués avant ou pendant l’assaut, il exige que ses subordonnés connaissent les moindres détails de la mission. Pendant les mois qui précèdent le Jour J, les troupes aéroportées et aérotransportées britanniques s’exercent continuellement au parachutage (de jour comme de nuit) et le complexe de la batterie est même entièrement reconstituée en Angleterre à Walbury Hill selon les photos prises d’avions lors de missions de reconnaissance. Les entraînements se déroulent par tous les temps et à toutes les heures, afin de ne pas laisser de place à l’imprévu lors du Jour J.

Déroulement de l’attaque

Peu avant une heure du matin le mardi 6 juin 1944, les éclaireurs commandés par le Major George Smith sautent dans la nuit au-dessus de la Normandie et ils accèdent à leurs points de rendez-vous sans encombre, tandis que des bombardiers Lancaster lancent un important raid sur la batterie. Cependant, les moyens de transmission Eureka sont pour la plupart endommagés lors du saut et les éclaireurs sont dans l’impossibilité de communiquer avec les C-47 chargés de parachuter le 9th Para Battalion. De plus, la fumée du bombardement masque toute visibilité aux pilotes qui ne parviennent pas à déceler clairement la zone de saut (drop zone).

Malgré tout, à compter d’une heure du matin, les 600 parachutistes et soldats aérotransportés britanniques sont largués au-dessus de la Normandie, sur la drop zone V située entre Varaville et la batterie. En dépit d’un entraînement minutieux, l’opération ne se déroule pas du tout comme à l’exercice : à l’instar de leurs camarades américains, les Britanniques sont victimes d’une importante dispersion en arrivant au sol ; le vent et de graves erreurs de largage (dans la nuit certains pilotes de planeurs et de C-47 confondent les fleuves de la Dives et de l’Orne) perturbent considérablement les plans établis. Les terrains inondés par les Allemands en Normandie n’arrangent rien à ce problème, et les parachutistes n’ont pratiquement aucun point de repère pour s’orienter. Il en est de même pour les planeurs Horsa, avec à leur bord des mitrailleuses lourdes, des véhicules de liaison Jeep, des détecteurs de mines, des mortiers, des canons anti-char ainsi que des unités appartenant au soutien médical.

Otway est parachuté à plus de 370 mètres de son point de chute prévu dans un corps de ferme utilisé comme poste de commandement par les Allemands : après une rapide escarmouche, il parvient à rejoindre son point de ralliement à 01h30. Il y déplore des pertes en hommes et en matériel bien supérieures aux estimations les plus pessimistes : à 2 heures 50 du matin, il ne dispose que d’environ 150 hommes sur les 600 engagés. Les autres sont égarés dans la campagne normande, sont blessés ou se sont noyés dans les marais. Certains mettent parfois plus de quatre heures pour effectuer un kilomètre et demi, sans pour autant retrouver leurs camarades. Le lieutenant-colonel Otway n’a aucune jeep, une seule mitrailleuse lourde Vickers et quelques torpilles bangalore, et il est sans nouvelle de près de 450 de ses hommes, parachutés aux quatre vents au-dessus du Calvados.

L’opération semble avoir échoué avant même d’avoir atteint la batterie.

Malgré cet effectif réduit, il décide de tout faire pour accomplir sa mission. Il doit absolument s’emparer de la batterie car il sait que de cette réussite dépend la survie de fantassins britanniques et français qui sont prévus de débarquer sur Sword Beach quelques heures plus tard, ainsi que de marins alliés à bord des bâtiments de guerre sur la Manche.

Peu après 4 heures du matin, il atteint le village de Gonneville-sur-Merville au sud-est de la batterie où il retrouve une douzaine d’éclaireurs et de sapeurs (aux ordres du major Smith) qui ont discrètement pratiqué quatre brèches à la main à travers les barbelés et les champs de mines qui encerclent le complexe. Cependant, il constate avec inquiétude que le bombardement effectué peu avant par la centaine de quadrimoteurs Lancaster a échoué : la batterie est presque intacte. De plus, les défenseurs allemands sont placés en alerte suite à ce raid.

Lien : Plan de la batterie de Merville
Plan de la batterie de  Merville
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)

Face à cette situation précaire, Otway planifie rapidement son action et il divise ses troupes en quatre groupes : trois doivent mener l’attaque principale de l’est vers l’ouest tandis qu’un autre groupe doit effectuer une attaque de diversion depuis le nord. Le déclenchement de l’assaut est donné par l’explosion des torpilles bangalore (qui doivent agrandir les brèches à travers les mines et barbelés) ainsi que par l’ouverture du feu de la mitrailleuse Vickers installée au sud-est de la batterie.

A quatre heures trente, trois planeurs Horsa remplis d’explosifs et de cinquante soldats sont sensés se poser au coeur même de la batterie juste avant l’attaque afin de produire un effet de surprise : deux appareils touchés en vol par l’artillerie anti-aérienne se posent trop loin de la batterie pour appuyer l’assaut britannique (l’un à plus de trois kilomètres, l’autre à proximité d’un champ de mines où l’équipage doit combattre des éléments adverses venus renforcés le complexe de Merville), tandis que le troisième s’est posé en Angleterre peu après le décollage, ayant rencontré des problèmes avec la corde de remorquage.

Le lieutenant-colonel fait aussitôt lancer l’assaut : les parachutistes engagent un bref mais violent assaut contre la centaine d’Allemands qui se défendent avec acharnement. Les mitrailleuses lourdes adverses mettent en pièces les premiers parachutistes britanniques qui se présentent à travers le champ de mines dégagé par l’explosion des torpilles bangalore. En raison des bombardements aériens, les portes blindées des casemates sont laissées ouvertes par les Allemands afin d’aérer les postes de tir : les parachutistes en profiter pour y lancer leurs grenades au phosphore. Ils utilisent également les tuyaux de ventilation dans lesquels ils jettent plusieurs grenades. Seuls quatre paras parviennent à la quatrième casemate et s’en emparent, les autres étant fixés ou occupés à réduire au silence le reste du complexe.

Vingt minutes plus tard, les Britanniques parviennent à s’emparer de la batterie mais ils subissent de lourdes pertes (70 officiers et soldats britanniques sont morts ou blessés). Les Allemands ont 22 tués et autant de soldats faits prisonniers, le reste de la garnison parvient à s’enfuir. Leur chef, le lieutenant Steiner, se trouve au poste de commandement situé au bord de la mer à Franceville : il cherche à lancer plusieurs contre-attaques vers Merville (notamment avec un half-track armé d’un puissant canon anti-aérien utilisé contre ses adversaires) mais ses hommes sont repoussés par les parachutistes britanniques. Dans l’incapacité de reprendre sa batterie, il dirige les tirs des deuxième et troisième batteries du 1716e régiment d’artillerie en direction de Merville.

Sur place, les parachutistes découvrent que les canons sont en réalité d’anciens modèles tchèques de 100 mm (M.14/19 100 mm), bien moins efficaces que d’éventuels 150 mm. Malgré tout, ils neutralisent avec les moyens du bord les pièces d’artillerie avant de tirer des fusées éclairantes en signe de victoire, pour faire savoir aux marins alliés qui attendent au large des côtes normandes que la voie est libre. La batterie de Merville est (provisoirement) neutralisée.

Une victoire provisoire

Si la batterie de Merville est aux mains des Alliés quelques minutes avant le début du débarquement sur les plages de Normandie, Otway, déjà à court d’hommes, de matériel et de munitions, se voit à présent amputé de plusieurs fantassins, tués ou gravement blessés lors de l’assaut particulièrement meurtrier. Il prend ensuite la direction de son objectif secondaire, à savoir le hameau du Oger (également épelé Hauger ou Hoger), à quelques kilomètres au sud-ouest de Merville.

Un médecin allemand, soignant aussi bien les blessés de sa patrie que les soldats britanniques, décide de rester avec les hommes intransportables. Otway le prévient que l’HMS Arethusa bombarde la batterie vers 5 heures du matin et que s’il veut vivre, mieux vaut ne pas rester dans les parages. Le sens du devoir du « toubib » allemand lui commande de rester apporter les soins nécessaires aux blessés des deux camps et de les mettre à l’abri du bombardement. Le lieutenant-colonel britannique accepte et le remercie, avant de partir avec ses hommes rescapés vers Le Plein. Après avoir mis à l’abri du bombardement les blessés de la bataille nocturne, le médecin allemand est tué par l’explosion d’un obus de marine, alors qu’il est en chemin pour chercher du matériel médical dans une des casemates.

Le Jour J, les Allemands s’emparent à nouveau de la batterie, abandonnée au petit matin par les Britanniques, et parviennent à remettre en état deux des quatre canons tchèques. Steiner, qui n’a pas de visuel depuis son poste de commandement sur la plage de Sword, ne parvient pas à diriger des tirs précis : les observateurs du 736e régiment d’infanterie situés à La Brèche parviennent cependant à transmettre les corrections de tir jusqu’à ce que leur propre position soit enlevée par les Britanniques.

La batterie de Merville fait l’objet de nouveaux combats le 7 juin, en particulier suite aux assauts menés par le commando N°3 qui ne parvient toutefois pas à s’en emparer. Lors de leur désengagement, les commandos britanniques sont pris sous le tir des canons orientés avec les réticules de tirs directs.

De multiples escarmouches suivent tout au long de la bataille de Normandie et la batterie de Merville et son village ne tombent aux mains des Alliés que le 17 août en soirée, libérés par les Ox and Bucks de la 6ème division aéroportée lors du déclenchement de l’opération Paddle.

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