Témoignage de Marie Le Gand

Habitante d’Aignerville (Calvados)

En juin 1944, Marie avait 11 ans et vivait avec sa famille à Aignerville, à quelques centaines de mètres du village de Trévières et à 7 kilomètres d’Omaha Beach.
Du 6 au 9 juin, elle a vécu la libération à l’abri sous les fours à chaux d’Aignerville, situés à 150 mètres de sa maison. Le village de Trévières fut finalement libéré de ses derniers tireurs isolés par la 2ème division d’infanterie américaine le 9 juin 1944. Marie se souvient particulièrement bien de la libération et nous fait partager ce qu’elle a vécu à travers son témoignage.

Mardi 6 juin

« Le mardi 6 juin au matin nous avons quittés la maison pour s’abriter sous les fours à chaux. Dans le champs en face du chemin des fours, il y avait une vingtaine de parachutistes américains fait prisonniers par les Allemands. On a été rejoint par d’autres habitants du coin, nous
étions 42 personnes abritées sous les fours à chaux pendant 3 jours. Il y avait les chiens, on avait apporté les lits de plumes, on avait pas de congélateur à l’époque alors ma mère et puis madame Dubois allaient traire toutes les deux le matin et le soir, mes parents avaient 4 ou 5 vaches mais le vendredi matin elles n’ont jamais pu les traire. Sinon on mangeait de la bouillie et des oeufs durs, la fortune du pauvre. On était tous tassés les uns sur les autres, on avait des puces avec les chiens, à la fin on avait des poux. Les hommes étaient sortis chercher à manger et il ont trouvé un parachutiste américain qui avait un fusil. Nous l’avons assis dans un tombereau pour le cacher des Allemands. Il était blessé et madame Duval avait fait des études d’infirmière et l’a soigné, mais ce n’était pas bien grave. Il est resté avec nous 3 jours. »

Jeudi 8 juin

« Dans la nuit du 8 au 9 juin, les Allemands ont passé la nuit dans le chemin entre les fours à chaux et la maison. Ils sont repartis le matin au petit jour, et nous on crânait pas. Mais il y a trois allemands qui sont venus voir. C’était bon, ils ont rien dit, on ne disait rien, ils ont pas vu le parachutiste. »

Vendredi 9 juin

« Quand ça a commencé à tirer partout autour, un Allemand à installé une mitrailleuse en face de notre abris. L’Allemand tirait avec sa mitrailleuse alors le parachutiste s’est levé avec le fusil et les hommes qui se trouvaient là l’ont attrapé et l’ont assis, autrement l’Allemand nous aurait tiré dessus. Les Américains ont reculé 3 fois avant de prendre Trévières, les Américains n’ont libéré les fours à chaux que l’après midi. C’est à ce moment là que le parachutiste est reparti. Il paraît que c’est l’église qui nous a protégé, elle n’a pratiquement rien eu à part des éclats mais c’ est tout. Un éclat est tombé juste devant nous, il était tout rouge. »

Dimanche 11 juin

« Le Dimanche matin mon frère est sorti et il a trouvé un Américain blessé qui avait un trou dans le dos. Il avait été touché dans les marais. On l’a trouvé à l’entrée de la cour de la maison et il demandait du milk alors on lui a donné du lait. On lui a mis une couverture sur lui et puis des soldats noirs sont venu le chercher. Ils venaient du château d’Aignerville, la croix rouge était là-bas. Quelques jours après ils sont revenus et ils ont rapporté la couverture. Ils ont demandé a ma mère de tendre son tablier puis ils ont donné du chocolat, des gâteaux… de tout pour nous remercier. Ils nous ont dit : « il repart en Angleterre, il va être sauvé ». »

Auteur : Marc Laurenceau – Reproduction soumise à l’autorisation de l’auteur – Contact Webmaster