Colleville-sur-Mer (Calvados)

Les villes de Normandie pendant les combats de 1944

Libération : 7 juin 1944

Unités engagées :

Drapeau américain 16th Infantry Regiment, 1st Infantry Division

Drapeau américain 18th Infantry Regiment, 1st Infantry Division

Drapeau américain 116th Infantry Regiment, 29th Infantry Division

Drapeau américain 741st Tank Battalion

Drapeau américain 743rd Tank Battalion

Drapeau américain 745th Tank Battalion

Drapeau américain 816th Engineer Aviation Battalion

Drapeau nazi II/Grenadier-Regiment 916, 352. Infanterie-Division

Drapeau nazi I/Grenadier-Regiment 726, 716. Infanterie-Division

Historique :

Le village de Colleville-sur-Mer et sa plage sont défendus par cinq points d’appuis codés de Wn 60 à Wn 64. Deux valleuses permettent de traverser le plateau pour accéder à la plage : la valleuse des Moulins au nord-ouest (à ne pas confondre avec le lieu-dit Les Moulins à Saint-Laurent-sur-Mer) et la valleuse de Saint-Siméon au nord-est.

Au printemps 1944, lorsque les Alliés préparent le débarquement de Normandie, les Américains définissent deux secteurs de plage face à Colleville-sur-Mer qui sont baptisés, de l’ouest vers l’est : Fox Green et Fox Red. Ils codent également les deux valleuses qui deviennent « E-3 » pour les Moulins et « F-1 » pour Saint-Siméon. Le plan d’attaque prévoit que les compagnies I et L du 16th Infantry Regiment (1st Infantry Division) attaquent de front sur le secteur Fox Green. Aucune unité n’est prévue de débarquer sur Fox Red. Les Allemands en poste à Colleville-sur-Mer appartiennent à la 8e compagnie du Grenadier-Regiment 916 (352. Infanterie-Division) et à la 3e compagnie (Leutnant Edmund Bauch) du Grenadier-Regiment 726 (716. Infanterie-Division).

Le 6 juin 1944 à 1 heure du matin, les navires de débarquement en route vers Omaha Beach arrivent en vue des côtes et stoppent la progression à 23 kilomètres du rivage. Les sentinelles allemandes repèrent les masses sombres sur l’eau mais ne parviennent pas à les identifier. Plusieurs bombardements aériens alliés frappent le secteur mais sans toucher les défenses. Peu après 5 heures 10, les bâtiments de guerre devant Omaha appartenant à la Task Force O ouvrent le feu sur les positions allemandes. 29 chars Sherman amphibies codés « Duplex Drive » appartenant aux escadrons B et C du 743rd Tank Battalion sont mis à l’eau mais seuls 3 d’entre eux ne coulent pas : la houle est bien trop forte pour le dispositif amphibie de ces chars spéciaux.

La première vague d’assaut touche le sol normand à 6 heures 35. Silencieuses jusque-là (pour ne pas être repérées par les artilleurs de marine alliés), les défenses allemandes ouvrent le feu lorsque les soldats ont de l’eau jusqu’aux cuisses. Un déluge d’acier et de feu s’abat sur les Américains qui enregistrent instantanément des pertes très élevées. En l’espace de quelques minutes seulement, un tiers de la première vague d’assaut sur Fox Green est décimé. La compagnie F du capitaine John Finke, qui était prévue de débarquer plus à l’ouest, est déportée par le courant et prend d’assaut le secteur Fox Green : la grande majorité des cadres sont tués et seuls deux officiers de la compagnie parviennent à traverser la plage. La compagnie I du capitaine Kimball Richmond est retardée : les marins ont d’abord pris la direction de Port-en-Bessin à l’est avant de réaliser leur erreur. Ils parviennent à débarquer la compagnie I sur le bon secteur mais avec 90 minutes de retard sur l’horaire prévu. La compagnie L enregistre quant à elle un retard de 30 minutes et débarque directement sur Fox Red au lieu de rallier Fox Green : 34 soldats sont tués en l’espace de quelques secondes.

La plage de Fox Green est différente de celle des autres secteurs à l’ouest : à cet endroit, la marée haute touche directement de petites falaises en bordure de la côte. Les soldats de la compagnie L commandés par le capitaine John Armellino sont rapidement à l’abri des tirs. Bien que réduite à 125 soldats, cette unité est la seule des 8 compagnies d’infanterie engagées sur Omaha à être directement opérationnelle après avoir traversé la plage.

A 7 heures, des éléments mélangés appartenant à 5 compagnies différentes sont bloqués sur Fox Green. Tous les renforts sont victimes de tirs de mitrailleuses et d’obus de mortiers à leur approche de la plage, les compagnies perdant des hommes avant même de position le pied sur le sol normand. L’accumulation des personnels et des équipements sur Fox Green occasionne un désordre indescriptible. A 8 heures, l’officier le plus gradé sur ce secteur est le capitaine Richmond, commandant la compagnie I. Les fantassins manquent cruellement d’appuis et de soutiens, les équipes de commandement sont souvent isolés de leurs subordonnés et rares sont les personnels qui débarquent à l’endroit prévu. Plusieurs navires de transport sont perdus en mer ou le long du rivage, c’est notamment le cas du Landing Craft Infantry (LCI) 85 transportant des personnels de la compagnie A du 1st Medical Battalion et qui se trouve bloqué par un obstacle de plage : immobile, il devient une cible facile pour les Allemands et est touché à plusieurs reprises, en particulier sous la ligne de flottaison. Les nombreux blessés sont transférés tant bien que mal à bord d’un autre navire de transport.

Tandis que la marée monte, les soldats prennent d’assaut la pente qui permet d’accéder au plateau dominant la plage. Sur Fox Green, c’est la compagnie L du capitaine John Armellino qui montre la voie avec les rescapés de ses 4 sections en s’engageant vers une dépression située à l’est du Wn 61 et baptisée valleuse de la Révolution. Elle est accompagnée par des éléments des compagnies I, M, K et E (116th Infantry Regiment, 29th Infantry Division) et appuyée par des chars amphibies sur la plage et des destroyers en mer. Armellino donne l’ordre à la section du lieutenant Jimmie W. Monteith d’attaquer les bunkers du point d’appui Wn 61. Monteith escalade la falaise puis se déplace vers l’ouest tandis que le reste de la compagnie continue vers le sud en direction de Colleville-sur-Mer. Sa section attaque le point d’appui et fait plusieurs prisonniers ; depuis le début du débarquement, le lieutenant Monteith s’expose régulièrement aux tirs de l’adversaire pour guider ses hommes en avant. Cette fois, il est fauché par une rafale ennemie. Pour ses actions sur Omaha Beach, Monteith est décoré de la médaille d’honneur du Congrès américain (Medal of Honor) à titre posthume. Armellino se dirige ensuite vers l’un des chars Sherman Duplex Drive en position d’appui pour corriger leurs tirs. Alors qu’il est en train d’assurer la direction de l’appui, il est touché à la jambe par un éclat de grenade antichar qui sectionne l’artère fémorale, causant la perte de beaucoup de sang : un infirmier le soigne, appliquant rapidement un garrot (il est évacué après la tombée du jour). C’est le 1st Lieutenant Robert R. Cutler, Jr. qui le remplace et il fait progresser les 2e et 3e sections en tête en direction des hauteurs de la valleuse des Moulins. Elles y parviennent sans pertes malgré les champs de mines et s’apprêtent à repousser définitivement les Allemands qui gravitent autour du point d’appui Wn 61.

En raison des problèmes de navigation rencontrés sur les autres secteurs d’Omaha, plusieurs embarcations débarquent les matériels, véhicules ou personnels sur Fox Green et Fox Red. Craignant que cette accumulation de moyens en un périmètre aussi limité soient détruits par un tir d’artillerie, le Commander L. C. Leever, commandant le 7th Naval Beach Battalion, ordonne vers 8 heures 30 l’arrêt temporaire des débarquements sur Omaha. Cette décision bouleverse complètement la planification déjà complexe des débarquements sur les plages et les fantassins déjà au sol ne peuvent pas recevoir les appuis d’artillerie nécessaires à la progression à l’intérieur des terres, ils ne peuvent compter que sur les canons de marine.

Sur le plateau devant Colleville-sur-Mer, les soldats éléments américains se dirigent vers l’intérieur des terres, guidés dans un premier temps par le lieutenant Kenneth J. Klenk puis par le capitaine Kimball R. Richmond commandant la compagnie I lorsque celui-ci arrive au sommet du plateau. En attendant d’être renforcés par plus de soldats, les fantassins fixent les Allemands qui se réarticulent en vue de former une nouvelle ligne de défense. Ces derniers s’appuient sur un terrain très compartiment favorable au combat défensif. Les salves des destroyers offrent un appui exceptionnel pour les fantassins mais les Américains demandent à ce que les tirs soient levés afin de reprendre la progression. Peu avant 9 heures, le Wn 61 est entièrement sous contrôle et 31 soldats allemands sont faits prisonniers (15 d’entre eux sont blessés). La compagnie G du capitaine Joseph Dawson progresse à son tour sur le plateau à l’ouest de la valleuse des Moulins (E-3) et se dirige vers son objectif initial : des bâtiments dortoirs allemands situé à plusieurs centaines de mètres à l’ouest de Colleville-sur-Mer. Vers 9 heures 30 elle débute l’assaut mais est rapidement confrontée aux tirs nourris de l’adversaire. Pendant près de deux heures, les Américains livrent un combat meurtrier à très courte portée jusqu’à ce que les Allemands se replient : 12 soldats de la compagnie F sont mis hors de combat pendant cette action. Deux sections appartenant au 116th Infantry Regiment (29th Infantry Division) viennent en renfort et reçoivent l’ordre de rester en contrôle de zone dans le secteur des bâtiments dortoirs.

La reprise des débarquements est ordonnée par le Commander Leever à compter de 10 heures 30. Constatant que les tirs se font de moins en précis nourris à proximité de la sortie « E-3 », le colonel George A. Taylor, chef de corps du 16th IR, ordonne aux chars encore en état de se diriger vers ce point de passage pour appuyer l’ouverture d’itinéraire. Pendant ce temps, la compagnie G du capitaine Dawson poursuit sa progression en direction de l’ouest de Colleville-sur-Mer tandis que les compagnies B et C sont chargées de sécuriser les abords sud-ouest du village, où elles rencontrent de nombreux tireurs isolés. Les Allemands parviennent à s’infiltrer de toutes parts (d’autant plus facilement que les deux sections du 116th IR ont quitté le secteur des bâtiments dortoirs pour une raison inconnue) et appliquent des feux sur la compagnie G : les Américains sont fixés face à Colleville-sur-Mer jusqu’à l’arrivée à 15 heures du 2e bataillon du 18th Infantry Regiment. Cependant, ne parvenant pas à s’emparer de Colleville-sur-Mer, la marine alliée déclenche un nouveau tir sur le village. Pendant tout l’après-midi, les Américains se déplacent jusqu’à la route reliant Colleville-sur-Mer à Saint-Laurent-sur-Mer afin d’empêcher les Allemands de circuler librement dans le secteur. Le 2e bataillon du 18th IR vient se placer à 500 mètres au sud-est de Colleville-sur-Mer, une position qui est atteinte en début de soirée.

A l’est de Colleville, le 3e bataillon du 16th IR, lui aussi isolé, s’est emparé de la sortie « F-1 » et met en place plusieurs patrouilles pour renseigner sur le dispositif de l’adversaire ; une patrouille lancée vers le sud en direction du village de Cabourg découvre un point d’appui allemand et doit se rendre à l’adversaire. Le bataillon se déplace durant l’après-midi vers le sud-est en direction du Grand-Hameau : totalement isolé du reste du régiment, le bataillon installe un dispositif défensif pour la nuit, renforcé par 17 chars Sherman.

A 21 heures, le 26th Infantry Regiment commandé par le colonel John F. R. Seitz débarque près de la sortie « E-3 » avec trois heures de retard sur l’horaire prévu. Son 1er bataillon commandé par le lieutenant-colonel Francis J. Murdock, Jr vient se placer sur le flanc gauche du 16th IR, à l’est de la valleuse des Moulins (« E-3 »). Pendant la nuit, les patrouilles allemandes sont nombreuses, notamment au sud-est de Colleville-sur-Mer. Le 2e bataillon du 18th IR, installé en interdiction dans ce secteur, fait 150 prisonniers et tue 50 soldats allemands.

Le 7 juin 1944 au petit matin, le 2e bataillon du 16th IR reçoit la mission de s’emparer des habitations de Colleville-sur-Mer. A 10 heures, la compagnie G parvient à accéder au cœur du village sans rencontrer d’opposition insurmontable : 57 soldats allemands du Grenadier-Regiment 726 sont rapidement faits prisonniers. Dans la soirée du 7 juin, le village est sous contrôle mais des tireurs isolés parviennent encore à faire régner un climat d’insécurité dans le secteur. Il faut attendre le 8 juin et la fin de la réorganisation des unités américaines pour que Colleville-sur-Mer soit définitivement hors de danger.

Le 10 juin, les travaux d’installation d’un cimetière militaires débutent sur le plateau : les corps des soldats tombés au combat, jusque-là enterrés sur la plage de Saint-Laurent-sur-Mer au cimetière provisoire numéro 1, y sont transférés.

Du 30 juin au 13 juillet 1944, le 816th Engineer Aviation Battalion est chargé de construire un aérodrome un kilomètre au sud de Colleville-sur-Mer pour le ravitaillement des troupes, le transport d’autorités et l’évacuation de blessés. Cet aérodrome, opérationnel jusqu’au 4 novembre 1944, est baptisé ALG A-22 C.

   Photos de Colleville-sur-Mer en 1944

Cartes de Colleville-sur-Mer :

Image : carte du secteur de Colleville-sur-Mer - Bataille de Normandie en 1944