Les poèmes inspirés par le débarquement de Normandie

Remember

Je suis à nouveau en Normandie comme il y a 63 ans
Sur ce coin de France devenu aujourd’hui si débonnaire
Comment s’imaginer que ce sable a vu tant de sang
Que cette plage était devenue l’antichambre de l’enfer

Soudain, tout revient à nouveau devant mes yeux
Ma mémoire a fait un bond prodigieux en arrière
Comme un écran géant qui s’anime et s’enfle peu à peu
Chargeant le ciel de monstrueuses lueurs guerrières

Voilà ! Nous arrivons enfin aux abords de la plage
Nous en avons plus qu’assez d’être secoués par la houle
Abaissant un levier, un marin libère la porte de la barge
Et déjà, les hommes des premières rangées s’écroulent

J’ai à peine fait deux pas que je tombe dans l’eau profonde
Mon barda m’entraîne au fond et je bois longuement la tasse
Je suffoque, me débats pendant d’interminables secondes
Essayant d’atteindre le bord éloigné de quelques brasses.

J’arrive exténué et fourbu, à plat ventre sur le sable
Dégoulinant, toussant et crachant toute mon eau
Péniblement, j’avance en rampant, d’un air misérable
Essayant malgré tout de sauver ce qui reste de ma peau

Autour de moi, le vacarme des explosions est assourdissant
l’air est lourd, pesant, empuanti par de multiples odeurs
Celle âcre de la poudre, celles écœurantes du vomit et du sang
Mais aussi celle, plus fade, insidieuse, visqueuse de la peur.

Les mitrailleuses de la falaise nous ont pris pour cible
Leurs balles tombent sur nous comme la pluie d’un orage d’été
Elles bourdonnent à nos oreilles telles des guêpes irascibles
Dont l’essaim, d’un coup de pied rageur aurait été botté.

Les obus font voler les hommes comme des pantins désarticulés
Lesquels retombent lourdement avec un drôle de bruit mat
Encastrant les membres et les chairs aux débris déjà emmêlés
Faisant de la plage un paysage lunaire on ne peut plus disparate

Partout sur le sol, le carnage est immonde et insoutenable
Ici gisent des corps démembrés. Plus de vie, rien ne bouge
Là des centaines de blessés hurlent en se tordant sur le sable
Déversant leur sang dans le sol qui peu à peu devient rouge

Pas un abri, pas un endroit, pas un coin pour s’abriter
Tout ce qui bouge, se déplace, par les balles est touché
Les morts eux-mêmes sont à nouveau criblés
Mon Dieu ! Quand cette horreur va-t-elle s’arrêter ?

Quoi ! Des rires d’enfants au milieu de cette guerre ?
Je tourne la tête et la vision d’horreur s’évanouit
Tout s’envole, tout redevient normal sur la terre
Et, à mes pieds, une fillette gentiment ne sourit

Hubert Denys

 

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