Saint-Lô (Manche) en 1944

Les villes de Normandie pendant les combats de 1944

Libération : 18 juillet 1944

Unités engagées :

Drapeau américain Task Force Cota, 29th Infantry Division

Drapeau américain 29th Infantry Division

Drapeau américain 35th Infantry Division

Drapeau nazi II. Fallschirmkorps

Drapeau nazi Fallschirmjäger Regiment 9, 3. Fallschirmjäger-Division

Drapeau nazi 266. Infanterie-Division

Drapeau nazi 352. Infanterie-Division

Historique :

Au printemps 1944, Saint-Lô abrite le quartier général du 84e corps d’armée allemand (LXXXIV. Armeekorps). Les plans initiaux des Alliés prévoient la libération de la ville neuf jours après le début du débarquement : elle joue un rôle stratégique majeur dans la mesure où elle est un centre de communication et de circulation particulièrement important dans le département de la Manche. Saint-Lô est placé sous la responsabilité du General der Fallschirmtruppe Eugen Meindl commandant le II. Fallschirmkorps.

Dès le 6 juin 1944, la ville de Saint-Lô est bombardée par les Alliés qui visent la gare ferroviaire ainsi que la centrale électrique : chaque jour pendant une semaine, les raids aériens se poursuivent, transformant progressivement la commune en un tas de ruines et près de 800 habitants trouvent la mort dans le bombardement de la nuit du 6 au 7 juin.

A compter du 11 juillet 1944, les Américains de la 29th Infantry Division (au nord-est) et 35th Infantry Division (au nord) ne sont plus qu’à environ trois kilomètres de la ville. Ils sont opposés aux survivants de la 352. Infanterie-Division et au Fallschirmjäger Regiment 9 (3. Fallschirmjäger-Division). La progression des assaillants est lente et difficile : ils sont soumis aux tirs permanents et précis des artilleurs allemands qui causent de lourdes pertes. Par ailleurs, les pluies torrentielles qui se sont déversées dans le secteur Trois mouvements de terrain qui dominent la région séparent encore les deux camps : au nord de Saint-Lô le point coté 122, au nord-est les points cotés 147 et 192. La 2nd Infantry Division s’empare de la cote 192 ce même jour et les combats pour le contrôle des deux autres collines débutent.

Le 15 juillet, le 116th Infantry Regiment (29th Infantry Division) commandé par le colonel Philip R. Dwyer s’installe au sud-ouest de la cote 147 mais la cote 122 ne tombe toujours pas : le 1er bataillon du 134th Infantry Regiment de la 35th Infantry Division fait face à ce mouvement de terrain défendu par les Allemands, à hauteur du hameau d’Emilie. Constatant que les Américains sont dans l’impossibilité de s’emparer de la colline 122, Eugen Meindl y renforce son dispositif en déployant de nouvelles troupes appartenant à la 266. Infanterie-Division : les Allemands profitent pleinement de ce point haut en y plaçant leurs observateurs d’artillerie qui déclenchent des tirs de barrage meurtriers dès que leurs adversaires font le moindre mouvement. A 20 heures 30, alors qu’ils ne sont plus qu’à environ 1 000 mètres des premières habitations, les Alliés lancent un nouveau bombardement des positions allemandes dans le secteur de Saint-Lô. Le 116th Infantry Regiment (IR) lance une nouvelle attaque à la tombée de la nuit dirigée vers l’entrée est de la ville, mais le front ne tombe toujours pas ; au contraire, le 2e bataillon aux ordres du Major Sidney V. Bingham, Jr. se retrouve isolé du reste du régiment par les tirs allemands et il doit tenir toute la nuit avec ses hommes qui ne disposent que de très peu de munitions.

Le 16 juillet, les Allemands attaquent en direction du nord et des positions tenues par le 1er bataillon du 134th IR de la 35th Infantry Division, mais les Américains tiennent bon et contre-attaquent à leur tour malgré un imposant barrage d’artillerie : ils poursuivent leur avancée et s’emparent de la cote 122. La prise de ce point haut permet aux assaillants de disposer un atout essentiel pour la suite des combats : depuis cette position, ils disposent d’une vue dégagée sur l’ensemble de Saint-Lô. Le 116th IR lance une nouvelle attaque dirigée vers l’est de la ville pour rétablir la liaison avec le Major Bingham qui est toujours isolé, mais sans succès. Le lendemain, 17 juillet, le 3e bataillon du 116th IR commandé depuis quatre jours seulement par le Major Thomas D. Howie entame une progression discrète avant l’aube visant à rejoindre le périmètre défensif tenu par le 2e bataillon à hauteur du hameau de Martinville, 1 000 mètres seulement à l’est de Saint-Lô. Malgré des tirs de mitrailleuses et les explosions des obus de mortiers allemands, les hommes du Major Howie respectent une discipline de feu extraordinaire et ne ripostent pas pour préserver la discrétion. Lorsque les deux bataillons établissent enfin la liaison, peu après le lever du jour, le colonel Dwyer demande à ses hommes s’ils sont en mesure de continuer d’avancer en direction de Saint-Lô. Le Major Howie lui répond par radio qu’il est en mesure de remplir la mission ; quelques instants plus tard, des obus allemands explosent sur les positions américaines et tuent Howie. Le capitaine William H. Puntenny prend alors le commandement du 3e bataillon. Souhaitant relancer son unité dans la bataille, il est bloqué par la ligne de défense allemande : Bingham et Puntenny sont encore isolés du reste du régiment et Dwyer s’emploie à les ravitailler tant bien que mal. Pendant ce temps, le 35th Infantry Division progresse jusqu’à la périphérie nord-est de Saint-Lô, mais les unités de tête sont épuisées par les combats.

Les Allemands manquent cruellement de renforts pour tenir la ville et la prise de la cote 122 par les Américains met en danger toutes les positions défensives au nord de Saint-Lô. La possibilité d’un repli général est abordée au sein de l’état-major de Meindl : dans la discrétion la plus totale, les Allemands débutent une phase de repli de leurs positions au nord de la ville. Le 18 juillet, le 115th IR commandé par le colonel Ednie attaque depuis l’ouest et ne rencontre pas la terrible résistance dont ils sont habitués depuis plusieurs jours : Ednie rend compte de cette nouvelle situation au Major General Charles H. Gerhardt qui ordonne à son adjoint, le Brigadier General Norman D. Cota, de se tenir prêt avec son groupe de combat interarmes (en anglais Task Force). Quarante minutes plus tard, Gerhardt ajoute qu’il veut que le corps du Major Howie accompagne les soldats pendant la conquête de Saint-Lô, en hommage à tous les soldats américains tombés pour cette ville. A 15 heures, la Task Force Cota (aussi appelée Task Force « C ») se met en route, forte de 600 hommes : elle est armée par un détachement du 29th Recce Squadron Mechanized sur véhicules de reconnaissance M8, la compagnie C du 175th IR, un peloton du 747th Tank Battalion, une section du 121st Engineer Combat Battalion, un peloton de reconnaissance du 821st Tank Destroyer Battalion, la compagnie B du 803rd Tank Destroyer Battalion, une section antichar armée de canons de 57 mm du 175th IR, deux groupes d’observateurs d’artillerie (du 227th Field Artillery Battalion et du quartier général de l’artillerie divisionnaire), un détachement de la 29th Military Police et un détachement des Civils Affairs. La Task Force C traverse les lignes du 1er bataillon du 115th IR qui est l’élément de la division le plus proche de Saint-Lô et engage le combat pour s’infiltrer dans la ville. Malgré les tirs d’artillerie, de mitrailleuses et d’armes légères, malgré les obstacles sur la route, les hommes du général Cota parviennent à se frayer un chemin et entrent dans la commune depuis le nord-est à compter de 18 heures. Ils installent un périmètre défensif à proximité du cimetière (où le caveau de la famille Blanchet est utilisé comme poste de commandement par le Major Glover S. Johns, commandant le 1er bataillon du 115th IR) et poursuivent depuis cette position les opérations de nettoyage de Saint-Lô. De durs combats de rue s’engagent, notamment au carrefour de la Bascule Les objectifs prioritaires (ponts, carrefours, hauteurs) sont sous contrôle à 19 heures. Quelques poches de résistance allemandes demeurent mais n’inquiètent pas les forces américaines qui découvrent avec satisfaction que les ponts sur la Vire sont praticables.

Les fuseaux dédiés aux unités engagées obligent la 35th Infantry Division à contourner Saint-Lô par le nord-ouest sans y pénétrer. Son commandant, le Major General Paul W. Baade, fait la demande pour que les fuseaux soient modifiés afin qu’il puisse participer à la libération de la ville, mais l’état-major refuse, estimant que l’engagement de deux divisions dans Saint-Lô risque de créer plus que de problèmes qu’autre chose. Si la ville est sous contrôle, elle n’est pas à l’abri de l’artillerie adverse qui se déchaîne sur les ruines fumantes. Les Allemands préparent rapidement une contre-attaque qui échoue, repoussée par les Américains fermement installés en défensive, et ils se replient à un kilomètre au sud de la ville. Le corps du Major Howie est installé dans un cercueil sur un pan de mur écroulé du clocher de l’église Sainte-Croix, recouvert d’un large drapeau américain : il devient en quelques heures le symbole de tous les sacrifices pour la libération de Saint-Lô.

Saint-Lô est détruite à plus de 90% par les bombardements. Ce vaste champ de ruines, où des tireurs isolés allemands continuent d’ouvrir le feu jusqu’au 20 juillet, dégage de terribles odeurs de corps en putréfaction. Les pertes américaines enregistrées lors des combats sont très élevées : la 29th Infantry division a perdu près de 3000 soldats (tués, blessés, disparus ou faits prisonniers) et la 35th Infantry division environ 2000. Il faut plusieurs semaines complètes aux sapeurs américains pour déblayer les routes afin de permettre aux convois militaires de traverser la ville. La presse américaine imprime sur ses pages l’histoire du Major Thomas D. Howie et son funeste destin, mais ne pouvant pas rédiger son nom en raison de la censure militaire, Howie est rapidement appelé le « Major of Saint-Lô » (jeu de mot anglais sur le terme Major qui fait référence aussi bien au grade de commandant qu’à la fonction de maire).

Le 2 juin 1948, la commune de Saint-Lô est décorée de la médaille de la Légion d’honneur et de la Croix de guerre 1939-1945 (distinctions remises le 6 juin 1948 par le Président Vincent Auriol). Samuel Beckett, écrivain irlandais ayant participé aux combats de la Seconde Guerre mondiale dans les rangs de la résistance française, a décrit Saint-Lô comme étant la « Capitale des Ruines ».

Photos de Saint-Lô en 1944

Cartes de Saint-Lô :

Image : carte du secteur de Saint-Lô - Bataille de Normandie en 1944