Bonjour à tous, chers membres et visiteurs du forum.
Octobre 2011 – octobre 2013. Deux ans déjà que le Sujet « Sur les traces de l’Obergefreiter Habersack » a vu le jour. Et depuis peu, la version 2.0 est en ligne ! Des textes mieux structurés et dont l’exposé a été davantage aéré, des cartes plus grandes et plus lisibles, des photographies et des documents redimensionnés, autant de corrections que nous avons apporté pour en faciliter la lecture. Et c’est avec joie que nous vous proposons, amis lecteurs, d’en partager à présent un nouvel épisode. Gageons que vous aurez autant de plaisir à le lire que nous en avons eu à l’écrire.
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Jeudi 10 août 1944. Après avoir dans un premier temps exposé la situation générale du front de Normandie de manière aussi complète que possible puis étudié la situation particulière de la 85.I.D. en repérant la position exacte de chacune de ses unités et notamment du Divisions-Füsilier-Bataillon 85 de notre cher Obergefreiter Habersack, il nous faut à présent analyser de manière détaillée les combats féroces qui se déroulèrent ce jour-là dans le secteur entre la Laize et le Laison et dans celui de la rivière Laison elle-même.
Constituant le troisième et dernier jour de l’opération « Totalize », ces combats du 10 août confrontèrent (à l’ouest de la zone des combats) les Canadiens de la 4th Canadian Armoured Division et de la 3rd Canadian Infantry Division aux Allemands de la 12. SS-Panzer-Division « Hitlerjugend », et (à l’est de la zone des combats) les Polonais de la 1st Polish Armoured Division aux Allemands de la 85. Infanterie-Division. Pour donner davantage de clarté à notre étude, nous examinerons ces combats en balayant le front d’ouest en est, soit de Saint-Germain-le-Vasson et de la cote 195 (au nord-ouest de Potigny) jusqu’à Maizières/Rouvres (et les cotes 140 et 111), en passant par le Bois du Quesnay (transformé en véritable forteresse et formant le pivot central de la défense allemande de toute cette partie du front). Nous commencerons par décrire les événements qui eurent lieu autour de la cote 195 et dans le Bois du Quesnay (en secteur canadien), puis nous aborderons prochainement ceux qui se déroulèrent autour des cotes 140 et 111 (en secteur polonais).
L’analyse de ces combats fut lente et difficile et suppose de la part du lecteur de la patience et du temps, ce qui devient rare au sein d’un âge de hâte, de précipitation suante qui veut tout de suite « en avoir fini » avec tout. Elle acculera donc au désespoir toutes les sortes d’« hommes pressés ». Comme à l’accoutumée, nous l’étayerons sur des documents originaux (à la fois alliés et allemands), ce qui nous conduira à pointer certaines erreurs ou incohérences, de même qu’à corriger les données de comptes-rendus de spécialistes parmi les plus pointus et les plus reconnus de l’histoire militaire. Cela concourra peut-être à rétablir la vérité historique des faits qui se déroulèrent alors.
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Situation le 10 août 1944 (Deuxième partie)
I. Les combats en secteur canadien.

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Carte (de C.P. Stacey, revue et précisée par nos soins) présentant les combats du 10 août 1944 en secteur canadien.
Clarifions le sens des abréviations :
- LINC & WELLD : The Lincoln and Welland Regiment (4th Canadian Armoured Division).
- ALQ . R. : The Algonquin Regiment (4th CAD) .
- A. & S.H. of C. : The Argyll and Sutherland Highlanders of Canada « Princess Louise’s » (4th CAD).
- 29th ARMD RECCE R. : 29th Armoured Reconnaissance Regiment « South Alberta Regiment » (4th CAD).
- Q.O.R. OF C. : The Queen’s Own Rifles of Canada (3rd Canadian Infantry Division).
- N. SHORE R. : North Shore (New Brunswick) Regiment (3rd CID).
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Organigramme de la 4th Canadian Armoured Division du Major-General George Kitching.
A. Secteur de la cote 195.
Des incohérences ou des erreurs, nous en avons déjà relevé dans les « Kriegstagebücher » allemands que nous avons consulté et présenté précédemment. Mais il ne nous avait encore jamais été donné de constater celle à laquelle nous allons être confronté à présent.
En effet, pour rendre compte des combats que les Canadiens du bataillon d’infanterie The Argyll and Sutherland Highlanders of Canada « Princess Louise’s » menèrent le 10 août 1944 pour s’emparer de la cote 195, nous avons consulté le Journal de marche (« War Diary », en angl.) dudit bataillon. Et quelle ne fut pas notre surprise de constater que cette action est consignée à la date du 11 août 1944, soit avec un décalage de +24 heures !
Le premier engagement du bataillon dans l’opération « Totalize » est lui-même mentionné à la date du 9 août 1944, alors qu’il eut lieu après le bombardement aérien (effectué le 7 août à partir de 23 heures exactement) et le barrage d’artillerie (déclenché quant à lui à 23 heures 45) et au terme duquel les forces alliées (dans lesquelles figuraient les Argylls) furent lancées, soit dans les toutes premières heures du 8 août 1944 (à 1 heure 30 exactement s’agissant de notre bataillon) (cf. supra, Situation le 8 août 1944, p. 9). Comment s’expliquer cette erreur grossière ?
Rappelons que le « War Diary » ou « Rapport du renseignement » (« Intelligence Summary », en angl.) est rédigé au niveau de la division, de la brigade, du régiment ou du bataillon (comme c’est le cas ici avec l’extrait que nous allons présenté du Journal de marche du Argyll and Sutherland Highlanders of Canada « Princess Louise’s », conservé aux « National Archives » de Kew, dans la banlieue est de Londres). Or, le War Diary du A & S. H. of C. (nous abrégeons, par commodité et pour alléger le texte) fait état, en date du 10 août 1944 (nous rétablissons la date exacte !), de la mort au combat du Lieutenant Milton Howard Boyd, l’« Intelligence Officer » (l’Officier du Renseignement, en fr.) du bataillon, tué soi disant par le tir d’un 8,8 cm (dont les Journaux de marche ont souvent tendance à exagérer la présence, comme c’est le cas ici puisque, selon l’ouvrage The Argyll and Sutherland Highlanders of Canada (Princess Louise’s), 1928-1953, compilé par des officiers du bataillon et édité par le Lieutenant-Colonel H.M. Jakson à Montréal le 1er janvier 1953, c’est par le tir d’un mortier qu’il fut tué instantanément). A-t-il été remplacé par un autre officier qui, mal informé et non présent sur le champ de bataille durant ces combats, s’est embrouillé dans les dates ? Ou bien, plus vraisemblablement, est-ce au moment où le rapport a été tapé à la machine (car, parfois, ils étaient d’abord rédigé à la main), que l’erreur a été commise par l’officier administratif en charge ? Nous ne saurions le dire.
Si l’on excepte cette erreur fâcheuse, le compte-rendu factuel du Journal de marche reste toutefois une source d’information fiable (même s’il demeure lacunaire et mérite d’être corrigé sur certains points). Il est en tous cas rédigé avec un réel souci d’écriture et de narration (d’autres sont laconiques et truffés d’abréviations) et s’avère très utile pour étudier les combats de la cote 195. Le voici, accompagné de sa traduction (inédite) en français.


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War Diary du Argyll and Sutherland Highlanders of Canada « Princess Louise’s » (extrait n° 1).

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War Diary du Argyll and Sutherland Highlanders of Canada « Princess Louise’s » (extrait n° 2).
Traduction ©
JOURNAL DE MARCHE OU RAPPORT DU RENSEIGNEMENT.
Résumé des Événements et Information.
Cote 195. 11 août 44 (n.d.t. 10 août 1944, après correction).
L’attaque des Argylls sur la cote 195 a pris la forme suivante : une route qui fait un détour par l’est et le nord-est fut choisie car la route vers l’ouest (n.d.t. vers Saint-Germain-le-Vasson) était connue comme étant fortement défendue par l’ennemi. L’Officier Commandant (n.d.t. « Commanding Officer » en angl., abrégé « C.O. ») présenta le plan du trajet à la section de reconnaissance et ils allèrent en tête pour baliser l’avance du bataillon. L’avance commença à 00h01 ; à 04h30 les éléments avancés furent à moins de quelques centaines de yards de l’objectif, sans avoir encore rencontré aucun ennemi. L’Officier Commandant désigna alors aux commandants de compagnies leurs positions respectives - qui avaient été préalablement indiquées sur une carte - et les fantassins furent immédiatement envoyés vers elles avec instruction de rechercher les ennemis dans la zone et de « creuser comme de beaux diables ». Pendant ce temps, les véhicules atteignirent un goulot d’étranglement formé par des haies non repérées. L’Officier Commandant et le Lieutenant Johnson (n.d.t. Johnston, avec un « t ») firent une rapide reconnaissance à pied des environs immédiats et, avec l’aide des cisailleurs (n.d.t. « wire cutters », en angl.), improvisèrent une route pour éviter l’obstacle. Ces deux officiers envoyèrent alors leurs véhicules vers la zone qui leur avait été désignée. Au même moment, le Captain Whiteside fit une reconnaissance de la zone du bataillon et mis au point un plan anti-tank qui permis à la troupe de s’installer dans leur position avec des 17 pounders et à la section de reconnaissance avec des 6 pounders. Bien que l’unité ait rejoint la cote 195 seulement une demi-heure avant le lever du jour, elle était néanmoins bien retranchée et prête pour une contre-attaque. Les compagnies « C » et « D » étaient à l’avant, supportées par les compagnies « A » et « B ». Le poste de commandement du bataillon (n.d.t. « Battalion Headquarters » en angl., abrégé « B.H.Q. ») était légèrement à l’arrière, dans un verger. Ce mouvement avait été accompli avec une facilité particulièrement incroyable. L’ennemi nous encerclait sur trois côtés. Les seuls ennemis qui eurent connaissance de notre arrivée furent ceux que la compagnie « B » découvrit lorsqu’ils gagnèrent la zone désignée de leur compagnie et ils furent utilisés pour accélérer le processus de retranchement. Aucune perte ne fut enregistrée par le bataillon durant le mouvement et la prise de la position. Dans la matinée, l’ennemi pris conscience de la situation et commença à réagir violemment. Il ouvrit le feu sur notre position avec des tirs nourris de mortiers et envoya une force pour en découdre avec l’un de nos 17 pounders, lequel était défendu par une section de la compagnie « A » et par la section de reconnaissance. Dans les échanges de tirs qui s’ensuivirent, l’ennemi fut rejeté et 27 prisonniers furent faits. Pendant qu’il interrogeait ces prisonniers, le Lieutenant M. Boyd, l’Officier du Renseignement (n.d.t. « Intelligence Officer » en angl ., abrégé « I.O. ») de l’unité fut tué par un 88 mm ennemi (n.d.t. par un tir de mortier). Durant la journée, les officiers suivants furent blessés : le Major Coons, le Lieutenant Fairbrother et le Lieutenant Donaldson. Dans l’après-midi, notre artillerie et nos Typhoons redressèrent la situation, la première causant la perte d’un grand nombre de personnels ennemis, les seconds détruisant un canon de 88 mm situé à proximité de la compagnie « A ». À 19h30, l’ennemi tenta une contre-attaque en force, mais dû reculer sous notre feu. À 21h, nous fûmes relevés par The Stormont, Dundas and Glenngarry Highlanders (n.d.t. un bataillon d’infanterie canadien appartenant à la 9th Canadian Infantry Brigade de la 3rd Canadian Infantry Division).
Pour comprendre cette attaque du Argyll and Sutherland Highlanders of Canada « Princess Louise’s » sur la cote 195, un bref retour en arrière s’avère indispensable.
C’est le 5 août, à Tilly-la-Campagne (au sud de Caen), localité qu’ils contribuèrent à libérer aux côtés du 29th Armoured Reconnaissance Regiment « South Alberta Regiment » (le régiment de reconnaissance de la 4th CAD), que les Argylls furent engagés pour la première fois dans la bataille de Normandie. Le 7 août, ils reculèrent à Vaucelles pour préparer l’opération « Totalize ». C’est vers 01 heure 30 le 8 août (après le bombardement aérien et le barrage d’artillerie, comme nous l’avons indiqué) qu’ils furent lancés dans la bataille. Au lever de jour, leurs objectifs atteints, ils attendirent les nouveaux ordres au nord du village détruit de Rocquancourt. À 16 heures, ceux-ci tombèrent et les enjoignirent de prendre Cintheaux. L’attaque des A et D-Companies commença à 18 heures et en 15 minutes la commune fut nettoyée. Ils se dirigèrent alors vers Haut-Mesnil à la nuit tombante, qu’ils libérèrent le lendemain, le 9 août à 09 heures 30 (après avoir, par prudence, marqué une pause durant la nuit). À 12 heures, ils s’emparèrent (partiellement) de la carrières des Aucrais avant de s’engager vers Langannerie, pendant que le Lincoln and Welland Regiment nettoyait Grainville-Langannerie et que le Lake Superior Regiment s’échinait à libérer Bretteville-le-Rabet. Appuyés par 15 à 20 Typhoons de la 2nd Tactical Air Force de la RAF, ils investirent Langannerie vers 18 heures, y poursuivant les combats jusqu’à 21 heures. Et c’est à 22 heures, alors qu’ils s’étaient retirés de Langannerie et avaient rejoint Bretteville-le-Rabet, qu’ils furent choisis pour s’emparer de la cote 195.
Rappelons que les cotes 195 et 206 constituaient les objectif de la 4th CAD lors de l’opération « Totalize », et que les deux groupements tactiques formés dans la nuit du 8 au 9 août 1944 pour s’en emparer avaient échoué. La Worthington Force commis une erreur tragique qui la fit confondre le Chemin Haussé du duc Guillaume avec la nationale 158 Caen-Falaise, ce qui l’envoya, non pas vers la cote 195 comme elle le croyait, mais sur la cote 140 où elle fut (quasiment) intégralement anéantie (nous avons décrit précédemment, et avec force détails, ce désastre : cf. supra, Situation le 9 août 1944, Deuxième partie, p. 12). La Halpenny Force quant à elle, bloquée devant Bretteville-le-Rabet puis devant le Bois du Quesnay, ne parvint pas à déboucher entre Bretteville et Langannerie et à conquérir les objectifs désignés. C’est donc aux hommes du Argyll and Sutherland Highlanders of Canada « Princess Louise’s » qu’allait échoir la mission de s’emparer de la cote 195. Le Lieutenant-Colonel J.D. Stewart, le C.O. du bataillon, portant toujours son béret écossais au lieu du casque d’acier, décida que le mouvement se ferait de nuit. La section de reconnaissance des Argylls commandée par le Lieutenant Johnston pris la tête.

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Photographie aérienne oblique prise le 26 juillet 1944 montrant (par une ligne continue) la route prévue de la Worthington Force. Approchant de Bretteville-le-Rabet, et gênée par la Halpenny Force qui n’avait pas comme prévu libéré le village, le Lieutenant-Colonel Worthington pris la décision de contourner la localité (ligne brisée). La ligne en pointillée indique la direction prise par erreur par le groupement tactique, pour son plus grand malheur.

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C’est aux hommes du Argyll and Sutherland Highlanders of Canada « Princess Louise’s », dont un bon nombre était d’origine écossaise (et provenait de la région d’Argyll, à l’ouest de l’Écosse, région dont la princesse Louise était la duchesse, et du Sutherland, au nord, dont la grand-mère de Louise était la duchesse) qu’allait incomber la difficile mission de s’emparer de la cote 195. Leur devise ? « Alb-ainn Gu-Brath » (en gaélique écossais), « Écosse pour toujours ».

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À leur tête, le Lieutenant-Colonel J. David Stewart, Commanding Officer du bataillon, qu’on voit ici se faire remettre son propre portrait par le Private F.T.V. Savard, immortalisant le célèbre béret écossais propre à l’unité et qu’il ne quittait pour sa part jamais. (Photographie prise à Elshout, en Hollande, le 17 décembre 1944).
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La section de reconnaissance du A & S. H. of C. parvint ainsi la première, à travers les champs de blés, au sud de Langannerie où le 29th Armoured Reconnaissance Regiment « South Alberta Regiment » avait déjà pris position, puis au sud de Grainville-Langannerie, à la ferme Saint-Hilaire exactement où s’étaient retranchées les A et D-Companies de l’Algonquin Regiment. (Rappelons que la D-Company du Major A.K.J. Stirling, n’étant pas parvenue à rejoindre le « champ de Worthington » près de la cote 140 à l’aube du 9 août 1944, avait dû se retirer, laissant les B et C-Companies s’y faire massacrer. Après avoir aidé le Lake Superior Regiment a nettoyer la localité de Bretteville-le-Rabet, elle reçut l’ordre de s’emparer de la ferme Saint-Hilaire qu’elle captura sans combat. Elle y fut rejointe par la A-Company dans les premières heures du 10 août).
À 00 heure 01 très exactement le 10 août 1944, suivant le trajet balisé par les éclaireurs avec des piquets, le Lieutenant-Colonel Stewart mena vers leur objectif, sur une seule file, ses hommes surchargés, fatigués de marcher et de se battre, et ayant eu très peu de sommeil depuis le déclenchement de l’opération « Totalize ».

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La ferme Saint-Hilaire où les deux compagnies survivantes de l’Algonquin Regiment s’étaient retranchées. (Pour des raisons évidentes de respect de la vie privée, nous n’en montrons que les toits et le mur d’enceinte. Un second cliché présenté ci-dessous nous en proposera une vue d’ensemble suffisamment éloignée pour garantir ce respect).
C’est depuis cette ferme, située au nord de la cote 195 (à 1,5 km précisément) et toujours en exploitation aujourd’hui, que les hommes du Lieutenant-Colonel Stewart achevèrent leur marche d’approche vers la cote 195. La route goudronnée s’y interrompt brutalement et seul demeure un chemin creux que la grande majorité des hommes et des véhicules du A & S. H. of C. empruntèrent pour progresser vers l’éminence.

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Photographie prise à la limite du périmètre de la ferme Saint-Hilaire, en regardant vers le sud. On y aperçoit, s’élevant à plus 30 mètres de haut et situé à de 1,2 km à l’ouest de la cote 195, la tour d’extraction du puits d’Aisy, une mine de fer aujourd’hui désaffectée. L’aménagement du site s’est déroulé sur 10 ans, entre 1960 et 1970, à proximité d’une voie ferrée (abandonnée également de nos jours) déjà existante en 1944 et servant au convoyage du minerai de fer de la mine de Soumont-Saint-Quentin, alors en activité, au nord de Potigny.

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Le chemin creux que les Argylls empruntèrent...

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... (de nuit) en file indienne. « Simply walking in single file to the hill » notent les officiers du bataillon dans l’historique du A & S. H. of C. édité par le Lieutenant-Colonel H.M. Jakson (p. 88).
Passé environ 500 mètres sur ce chemin creux, le relief s’élève progressivement jusqu’à une altitude maximale de 195 mètres. Il est toutefois assez difficile d’isoler un point topographique précis marquant cette hauteur, tant les rondeurs de la colline sont douces et étendues.

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Cette prise de vue nous permet de nous rendre compte de la dénivellation (toute relative) du terrain.
Puisque ce sont les A, B, C et D-Companies du A & S. H. of C. et celle de commandement qui prirent part aux combats, et sachant qu’une compagnie compte théoriquement 5 officiers et 119 soldats, tandis que celle de commandement compte 5 officiers supérieurs et 50 hommes, ce sont en tout 551 soldats (chiffre auquel il faut toutefois défalquer les pertes - dont nous avouons ignorer le nombre exact - enregistrées depuis le début de l’opération « Totalize ») qui cheminèrent sur une longue file vers la cote 195 la nuit du 9 au 10 août 1944.

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La ferme Saint-Hilaire vue de loin, depuis le talus bordant le chemin creux.
À 03 heures du matin, alors que les Argylls étaient encore en pleine marche d’approche, la Halpenny Force reçut l’ordre de sécuriser la cote 195 et d’avancer ensuite sur la cote 206. Ce n’est toutefois qu’à 08 heures 15 qu’elle se mit en route. Entre-temps, à 04 heures 30, toutes les compagnies du A & S. H. of C. étaient parvenues à la ferme Saint-Hilaire et il leur fallut 20 minutes supplémentaires pour atteindre leur objectif.
La progression du bataillon s’effectua « avec une facilité particulièrement incroyable », comme en témoigne le War Diary. Seule la B-Company du Major D.F. Coons rencontra des difficultés pour s’emparer de la position qui lui avait été préalablement assignée puisqu’elle arriva par surprise sur une tranchée allemande qu’elle dut prendre au corps à corps. Détail intéressant, les prisonniers allemands furent réquisitionnées pour « accélérer le processus de retranchement ». Une fois que toutes les compagnies eurent rejoint les positions qu’elles devaient occuper (les C et D-Companies à l’avant, les A et B en soutien à l’arrière, et celle de commandement plus en retrait encore, dans un verger à proximité immédiate de la ferme Saint-Hilaire), il leur fallait en effet désormais se dépêcher de s’y retrancher car les contre-attaques allemandes n’allaient assurément pas tarder à commencer.

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Soldats canadiens de la 2nd Armoured Brigade en train de « creuser comme de beaux diables » (« dig like hell » note entre guillemets le War Diary) leur trou de combat. La pancarte posée près de l’arbre illustre bien la scène : « Old soldier never died – They dig ! and fade away into a slit trench » (Les vieux soldats ne meurent jamais – ils creusent ! et disparaissent dans leur étroite tranchée »). (Photographie prise près d’Ifs le 25 juillet 1944).

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La pelle et le fusil, deux moyens de survie tout aussi importants sur le champ de bataille. Utilisée comme arme de corps à corps, la pelle constitue même une meilleure alternative quand l’ennemi est trop proche.

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Carte « Google Earth » indiquant les position occupées à 04 heures 50 le 10 août 1944 par chacune des compagnies du A & S. H. of C. dans le secteur de la cote 195, et le trajet effectué à pied et lourdement chargé pour y accéder (5,5 kilomètres).

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Bien qu’élevée de 195 mètres seulement, la colline permet d’obtenir une large panorama vers le nord, d’où avancaient les forces alliées. Sur cette prise de vue, nous distinguons au centre Cauvicourt, à droite la carrière des Aucrais et, juste au-dessous, les toits de la ferme Saint-Hilaire et de ses installations. À gauche sur la ligne d’horizon, nous apercevons même...

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... le C.H.U de Caen, distant de 25 km exactement à vol d’oiseau, et, pour ceux à qui la ville est familière, l’« Hippodrome de la prairie » (à gauche, à hauteur des arbres). On comprend ainsi tout l’intérêt stratégique du lieu, tant pour les Alliés que pour les Allemands.

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Regardant vers le sud, nous sommes ici à l’endroit où le chemin creux (matérialisé en rouge sur la carte « Google Earth » ci-dessus) fait un angle droit.

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Tout le long du chemin courant vers l’est se font face en s’entremêlant parfois les fleurs de coquelicots et celles de colza. Une magnifique ligne de partage qui, à cet endroit précis, laisse songeur.
À 04 heures 50 donc, peu avant l’aube, toutes les compagnies étaient en place. Le 5th Anti-Tank Regiment (Royal Canadian Artillery) du Captain Whiteside (le bataillon anti-chars de la 4th Canadian Armoured Division) renforça leurs positions en envoyant une « troop » de 6 pounder (57 mm) et une autre de 17 pounder (76,2 mm).

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Un canon Ordnance QF 6 pounder tracté par un Carden-Loyd Universal Carrier. La silhouette basse du tracteur d’artillerie lui permettait de progresser sans trop se donner à voir.

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Un canon Ordnance QF 17 pounder tracté par un Crusader Gun Tractor MK 1. Il s’agit du meilleur canon anti-char des alliés. Équipé d’obus perforants, il pouvait détruire le blindage de presque tous les chars allemands.
Les Argylls eurent ainsi le temps d’organiser la défense de leur nouvelle position avant que la première contre-attaque allemande de la journée n’ait lieu, peu après le lever du jour. Celle-ci commença par une pluie d’obus de mortier. Le barrage d’artillerie gagna peu à peu en intensité et les pertes canadiennes commencèrent à grimper. Ces tirs provenaient des bois au sud et à l’ouest de Fontaine-le-Pin où, de retour de la forêt de Grimbosq et rejoint dans la nuit par son « Kommandeur » le Sturmbannführer Erich Olboeter (revenant lui-même avec son état-major et l’une de ses compagnies de la région de Vire), le III./SS-Pz.Gren.Rgt.26 de la 12. SS-Panzer-Division « Hitlerjugend » s’installa dans la nuit du 8 au 9 août 1944. L’Oberführer Kurt Meyer (le « Kommandeur » de la 12. SS-Pz.Div. « HJ »), rejoignit Olboeter qui était au milieu de ses hommes, en train de les lancer à la contre-attaque. Formés en détachement de choc, les grenadiers attaquèrent les pointes canadiennes et les rejetèrent en arrière. Ils s’en prirent également à l'une des pièces de 17 pounder défendue par une des sections de la A-Company du Major J. A. Farmer et par la section de reconnaissance du Lieutenant Johnston (située à l’arrière droite de la position canadienne).

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Le SS-Sturmbannführer Erich Olboeter.
La défense organisée en points d’appui résista toutefois à l’assaut et la hauteur demeura aux mains des Argylls. 27 prisonniers furent faits, consigne le War Diary du bataillon. Or, c’est au cours de l’interrogatoire de ces prisonniers que le Lieutenant Milton Howard Boyd, l’Officier du Renseignement du A & S. H. of C. fut tué instantanément par le tir d’un mortier (et non d’un 8,8 cm, comme nous l’avons précédemment souligné). Notons qu’il s’agit là d’une perte de premier ordre puisque, dans l’Armée de terre canadienne, copiée sur le modèle britannique, l’Intelligence Officer occupe le troisième rang dans l’organisation hiérarchique d’une unité, après le Commanding Officer (C.O.) et son second, l’Executive Officer (X.O.) ou Second-in-command (2i/c).
Peu après cette première contre-offensive allemande, le Lincoln and Welland Regiment, appartenant à la 10th Infantry Brigade de la 4th Canadian Armoured Division (comme le A & S. H. of C. et l’Algonquin Regiment), s’avança sur le flanc droit des Argylls pour en assurer la protection et occupa le saillant de la colline dirigé vers Saint-Germain-le-Vasson, faisant face à des éléments de la 89. Infanterie-Division retranchés dans le village.
À 09 heures 05, l’état-major régimentaire du Lieutenant-Colonel William W. Halpenny, accompagné de deux « Squadrons » du 22nd Canadian Armoured Regiment « Canadian Grenadier Guards » (l’un des deux régiments blindés de la 4th CAD subordonné à la Halpenny Force) arrivèrent en renfort, non sans avoir subit des tirs depuis le Bois du Quesnay pendant leur marche d’approche et enregistré la perte de 7 tanks, dont celle de « Grenadier », le char de commandement du B-Squadron, légèrement endommagé et qui sera immédiatement réparé. Avant de continuer vers la cote 206 comme prévu, sur un terrain très dégagé et exposé au feu des anti-chars, Halpenny décida d’abord de se retrancher sur la cote 195 et de s’y accrocher statiquement avec ses blindés employés en points fixes d’artillerie.

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Infanterie et blindés de la 4th Canadian Armoured Division, d'après une aquarelle du Major W.A. Ogilvie.
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À 11 heures 55, alors que le Lieutenant-Colonel Halpenny se préparait à avancer vers la cote 206 et que les ordres étaient en train d’être donné, une seconde offensive allemande se produisit.
Dans la matinée du 10 août en effet, deux Jagdpanzer IV L/48 de la I./SS Panzerjäger-Abteilung 12 du SS-Obersturmführer Georg Hurdelbrink (celui du « Kompanie-Führer » Hurdelbrink lui-même et celui du SS-Oberscharführer Rudolf Roy, accompagné de son canonnier, le SS-Rottenführer Fritz Eckstein - ces trois as dont nous avons présenté les combats des deux premiers jours de l’opération « Totalize » qui leur valurent à chacun la très convoitée Croix de chevalier de la Croix de fer), informés de la présence des blindés alliés cote 195, rejoignirent le secteur depuis Maizières via Potigny et Fontaine-le-Pin, laissant les autres éléments de la « Kompanie » dans le secteur de la cote 111, en soutien du Grenadier-Regiment 1053 de la 85.I.D. Traversant la RN 158 reliant Caen à Falaise à 1,5 km à l’est de Fontaine-le-Pin, ils ne purent sécuriser les abords nord de la cote 195, comme ils en avaient d’abord reçu l’ordre, puisqu’il était alors établi que, malgré la première offensive des hommes d’Olboeter, le secteur était toujours fortement défendu. À 11 heures 30, Hurdelbrink, dont les deux Jagdpanzer étaient désormais subordonnés au SS-Panzer-Regiment 12, reçut la visite de son commandant, le SS-Obersturmbannführer Max Wünsche, lequel ordonna que la cote 195 soit immédiatement reprise. Renforcés par la 4.Kompanie de la Panzer-Abteilung (Funklenk) 301 de l’Oberleutnant Witter composée de 6 canons d’assaut Sturmgeschütz III et de 6 véhicules lourds de démolition radio-guidés Borgward IV, les deux Jagpanzer IV L/48 déclenchèrent l’attaque à 11 heures 55 exactement.
Un mot sur ces fameux B IV, avant d’entreprendre le récit de cette seconde offensive allemande.
Les comptes-rendus de trois des meilleurs spécialistes français, anglais et allemand de la bataille de Normandie (Georges Bernage, dans Objectif Falaise, 8-16 août 1944, Hors-série Normandie 1944, Magazine 39-45, N°5, p. 66 ; Michael Reynolds dans Stell Inferno, I. SS Panzer Corps in Normandy. The story of the 1st and 12th SS Panzer Division in the 1944 Normandy campaign, Dell Publishing, 1998, p. 301 ; et Hubert Meyer, dans Kriegsgeschichte der 12. SS-Panzerdivision Hitlerjugend, Tome 2, Munin Verlag, seconde édition, 1987, p. 314) commettent tous trois une erreur puisqu’ils évoquent la présence lors de cette attaque de véhicules de démolition télécommandés Goliath. La même erreur se retrouve naturellement dans l’édition française publiée et traduite par G. Bernage aux Éditions Heimdal en 1994, p. 374. Or, comme nous l’apprend la Recommandation du SS-Obersturmführer Georg Hurdelbrink pour la Croix de chevalier de la Croix de fer soumise le 28 septembre 1944 par Günther Wöst, SS-Hauptsturmführer et commandant de la SS-Panzerjäger-Abteilung 12 (après la capture par les Britanniques de Hans-Jakob Hanreich le 19 août 1944), et bien que s’y trouve une regrettable faute de frappe, ce sont en réalité des chars radio-guidés de type B IV (et non « P 4 ») qui furent engagés ce midi-là. Ce qu’atteste au demeurant la présentation de la Panzer-Abteilung (Funklenk) 301 durant les mois de juin à août 1944 proposée par Marcus Jauglitz, LE spécialiste allemand des véhicules télécommandés et radioguidés de l’armée allemande, dans son ouvrage Die Deutsche Fernlenktruppe 1943-1945 publié aux éditions Podzan-Pallas en 1995, qui confirme que la 4.Kompanie de l’Oberleutnant Witter était bel et bien équipée de Borgward IV à cette période.

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Extrait de la Recommandation du SS-Obersturmführer Georg Hurdelbrink pour l'obtention de la Croix de Chevalier de la Croix de fer où l’on constate que ce sont des B IV (et non « P 4 », comme dactylographié par erreur) qui furent employés lors de l’attaque de 11 heures 55 sur la cote 195 le 10 août 1944. (Pour une présentation de cette Recommandation dans son intégralité, cf. supra, Situation le 9 août 1944, Deuxième partie, p. 12. Étant donné que cet extrait concernait une date et des actions qui n’entraient pas dans le cadre de notre étude des événements du 9 août, nous nous étions alors contenté d’en résumer le fond. En voici à présent ci-dessous la traduction littérale).
Traduction ©
10.8.1944.
La 1. (Schwere) Kompanie de la Panzerjäger-Abteilung 12 « Hitlerjugend » fut subordonnée au Panzer-Regiment 12 « Hitlerjugend ». Dans la matinée près de Maizières, elle reçut la mission de rejoindre via Potigny la fourche de la route à 1,5 km à l’est de Fontaine (n.d.t. -le-Pin). De là, elle reçut l’ordre de prendre position sur la cote 195 et d’en sécuriser le nord. 6 Sturmegeschütze et 6 chars « P 4 » téléguidés (n.d.t. B IV) furent rattachés à la compagnie Hurdelbrink. Après avoir rejoint la fourche de la route, il fut établi que la cote 195 était déjà tenue par des forces blindés ennemis. Par suite, le SS-Obersturmbannführer Wünsche, commandant du SS-Panzer-Regiment 12 « Hitlerjugend » ordonna une attaque immédiate de la cote. Au début, le groupe de combat progressa bien sans recevoir de tirs ennemis. Le début soudain d’un tir de couverture nourrit d’artillerie interdit toute autre attaque frontale. Le SS-Obersturmführer Hurdelbrink décida que les 6 Sturmgeschütze fixerait l’ennemi de front, pendant que 2 Panzerjäger 39 (n.d.t. nom simplifié du Jagdpanzer IV L/48), celui du SS-Obersturmführer Hurdelbrink inclus, avanceraient pour envelopper l’ennemi par la droite. Après une avance rapide, les deux Panzerjäger attaquèrent l’ennemi se retirant lentement par le flanc et ont pu détruire tous les blindés ennemis. Le groupe de combat a alors pris position et a pu tenir la cote 195 (n.d.t. le versant sud seulement). Résultat des pertes infligées ce jour par la compagnie, 13 blindés. 10 d’entre eux étant détruits par le SS-Obersturmführer Hurdelbrink.
« 6 Sturmgeschütze und 6 B IV Fernlenkpanzer »...
Après vérification, nous nous sommes rendu compte que l’erreur initiale provenait en fait du War Diary du 22nd Canadian Armoured Regiment « Canadian Grenadier Guards » établi à la date du 10 août 1944 où la confusion est pour la première fois faite entre Goliath et Borgward IV. Or, il existe une différence de taille (au sens propre comme au sens figuré) entre ces deux types de véhicules. En effet, si le Goliath pèse de 370 à 430 kg (selon les versions) et peut emporter de 60 à 75 kg et jusqu’à 100 kg d’explosifs à la fin de la guerre, le Borgward IV (du nom de la compagnie automobile Borgward de Brème) pèse quant à lui de 3,5 tonnes à 5 tonnes (selon les versions également) et peut emporter une charge explosive de 500 kg.

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Fiche technique originale et classée secrète du schwerer Ladungsträger Borgward IV (Sd. Kfz. 301, selon la nomenclature en vigueur dans la Wehrmacht), dans ses versions (« ausführung » en all., abrégé « ausf. »), A, B et C.

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En haut à gauche, un Sturmgeschütz suivi de près par un B IV, sans sa charge explosive. Celle-ci était placée dans un conteneur à l’avant de l’engin (comme ici à droite). Notons qu’à la différence du Goliath, filo-guidé, le « véhicule de démolition lourd » B IV était piloté jusqu’à sa zone d’opération et ensuite radio-guidé par un opérateur, lequel pouvait agir depuis un blindé. Des bras à charnières sur l’avant de la caisse permettait à l’engin de déposer au sol sa charge munie d’une mise à feu retardée, ce qui lui permettait de s’éloigner et de revenir, contrairement au Goliath qui lui était perdu.

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Un leichter Ladungsträger Goliath (Sd. Kfz. 302 et 303a/303b). Ce « véhicule de démolition léger » chenillé et filo-guidé (dont le prototype développé par le concepteur français Adolphe Kégresse fut récupéré par l’armée allemande en 1940) était relié à une télécommande bénéficiant d’un câble à trois fils d’une longueur de 1,5 km, le tout enroulé sur une bobine. Le moteur à essence des premières versions fut remplacé par un moteur électrique alimenté par des batteries 12v « Varta » logées dans les roues. Soit dit entre parenthèses, il était facile de trouver la parade lors d’une attaque d’un Goliath en sectionnant ses câbles de commande avec une pince avant qu’il n’atteigne sa cible.
http://www.youtube.com/watch?v=CFZqXlZkAxA&feature=player_detailpageABBC3_SPOILER_SHOW
Film de 22 secondes montrant une section d’une Panzer-Abteilung (Funklenk) montant au front. (Unité, lieu et date inconnus).
Nouvelle édition : Selon l’internaute Sam Wren, il y a de bonnes raisons de penser qu'il s'agit là de trois B IV de la Pz.Abt (Funklenk) 315, une unité stationnée avant le débarquement allié à ... Sassy ! Selon toute vraisemblance, les images auraient été tournées en juin 1944 dans le secteur du Bois de Bavent. (Cf. infra).
Revenons maintenant à la seconde contre-attaque allemande.
La carte suivante du « WFSt Op. (H) » de l’OKW (au 1 : 80.000) établie en date du 10 août (et que nous n’avons pas publié dans la première partie de cette étude consacrée à cette journée car elle ne comportait pas d’éléments nouveaux relatifs à la 85.I.D. de notre Obergefreiter) a été établie juste après l’offensive blindée allemande de 11 heures 55.

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Précisons :
1/ que les flèches accompagnées d’un rectangle signalent une offensive blindée.
2/ Que le rectangle rouge accompagné d’un 5 (correspondant au chiffre indiquant le nombre de chars présents dans le secteur) sous-estime très largement les forces blindées engagées par les Canadiens !
3/ Que les trois segments parallèles rouges symbolisent l’artillerie canadienne établie au sud de Bretteville-le-Rabet et couvrant de ses tirs tout le secteur au centre duquel est situé le Bois du Quesnay.
4/ Que le rectangle rouge encadré d’un demi-cercle matérialise les éléments de la 1ère Division Blindée Polonaise présents dans le secteur d’Estrées-la-Campagne.
Et 5/ qu’au I./SS-Panzer-Korps, qui a en charge toute cette partie du front, est rattachée la Werfer-Brigade 7 avec, entre autres, ses lances-roquettes Nebelwerfer 42 de 15 cm.
Sur la carte suivante établie par l'état-major de la SS-Panzerjäger-Abteilung 12 et jointe au dossier de la Proposition pour la remise de la Croix de chevalier de la Croix de fer au SS-Obersturmführer Georg Hurdelbrink, un dossier que nous avons présenté précédemment (cf. supra, Situation le 9 août 1944, Quatrième partie, Annexe 6, p. 12), nous sommes en mesure de nous représenter beaucoup plus clairement le déroulement de cette contre-offensive.

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Sur cette carte d’une étonnante précision topographique, nous constatons que le parallélogramme assorti d’un 6 représente les Borgward IV et leurs Sturmgeschütze d’accompagnement, tandis que l’ovale coiffé d’un T assorti d’un 2 symbolise les deux Jagdpanzer IV L/48 de la I./SS-Pz.Jg-Abt.12. Le périmètre des positions défensives occupées par les quatre compagnies du A & S. H. of C. dans et autour de la cote 195 (signalée par un triangle pointe en haut) est clairement indiqué. Le parallélogramme accompagné du chiffre 13 mentionne quant à lui le nombre de blindés dont le 22nd Canadian Armoured Regiment « Canadian Grenadier Guards » aura a déplorer la perte dans cette affaire. La voie de chemin de fer menant à la mine de Soumont-Saint-Quentin, au nord de Potigny (nous rétablissons l’orthographe !), franchie par un chemin creux (matérialisé par deux segments de droites aux extrémités relevées), est figurée par deux lignes courbes parallèles dont la distance est remplie de façon discontinue. Notons enfin que l’ouvrage d’art (que nous apercevrons sur une prise de vue présentée ci-dessous) sur lequel la voie ferrée franchie une route n’est pas représenté.
Les B IV étaient le fer de lance de l’attaque. Derrière eux, sur le flanc gauche, les canons d’assaut, et sur le flanc droit, les chasseurs de chars. Appuyés par les salves meurtrières des lance-roquettes de 15 cm du SS-Werfer-Bataillon 12 de l’Hauptsturmführer Willy Müller (appartenant au SS-Panzerartillerie-Regiment 12) et celles du Werfer-Regiment 83 de l’Oberstleutnant Böhme (appartenant à la Werfer-Brigade 7), ils atteignirent une première haie sans subir de tirs ennemis. Exploitant la situation, les Jagdpanzer IV détruisirent de cet endroit 3 Sherman, comme en atteste, dans les « Anlagen » (Annexes, en fr.) du KTB de la SS-Panzerjäger-Abteilung 12, le « Gefechtsbericht (rapport de combat, en fr.) für den 10 August 1944/ 1./SS-Pz.Jäg. Abt. 12 ».

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Photographie prise depuis la position canadienne montrant l’axe d’attaque du groupe de combat allemand et la haie depuis laquelle ils commencèrent à ouvrir le feu. À l’horizon, la cote 206, point le plus élevé sur la route Caen-Falaise et objectif des Canadiens en ce 10 août 1944, en vue d’une future exploitation vers Falaise.
Poursuivant leur avance, le groupe de combat atteignit le périmètre de la compagnie la plus avancée du A & S. H. of C. Celle-ci fut à nouveau rejetée en arrière. Mais l’artillerie canadienne opposa alors un tel tir de couverture qu’aucune autre attaque frontale ne fut plus possible. Face à ce demi-échec, Hurdelbrink décida alors que les canons d’assaut devaient contenir l’ennemi pendant qu’avec Roy, ils contourneraient la position canadienne par la droite avant de l’attaquer par le flanc.

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Périmètre (au pied et juste derrière la haie) d’où furent rejetées en arrière les pointes les plus avancées de la position des Argylls. Pour le montrer correctement, il nous aurait fallu marcher en plein champ de blés (encore verts). Or, l’écartement entre les rangs étant très petit, nous y avons renoncer, par respect pour le travail de nos céréaliers.
Ouvrons une parenthèse.
Le War Diary du 22nd Canadian Armoured Regiment « Canadian Grenadier Guards » revendique à la date du 10 août 1944 la destruction de 8 blindés allemands lors de cette contre-attaque, sans plus de précision (sauf à mal nommer les B IV !). Parce que les deux Jagdpanzer IV L/48 vont continuer le combat, comme nous allons nous en rendre-compte, nous en déduisons que ce sont les deux tiers de la compagnie Witter (8 blindés sur 12) qui furent été anéantis. Mais, dans la Recommandation signée par Wöst, il est écrit que ce furent les 6 Sturmgeschütze qui fixèrent de front l’ennemi, pendant que les Jagdpanzer entreprenaient leur manœuvre de contournement, tandis que rien n’est dit sur le résultat de l’attaque des B IV. Quelles furent alors les pertes exactes coté allemand ? Impossible de se prononcer dans l’état actuel de nos connaissances. Quelle a été la nature précise de l’engagement des chars radio-guidés lors de cette offensive ? A-t-elle été un échec ou une réussite ? Sont-ils parvenus à déposer leur charge ou bien ont-ils été détruits avant ? Aucun document en notre possession ne nous permet de nous prononcer non plus. Comme la Panzer-Abteilung (Funklenk) 301 est une unité de l’Armée de terre allemande subordonnée à la 12. SS-Pz. Div. « HJ », aucun rapport sur son activité ne figure dans les documents officiels qu’ils nous a été donné de consulter sur cette dernière. Nous ignorons d’ailleurs s’il en existe encore. Des recherches complémentaires sont en cours, mais, reconnaissons-le, nous risquons d’avoir affaire sur ce point précis à une difficulté invincible...
Fermons cette parenthèse.

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« Umgehung und Flankenangriff ! ». Contournement et attaque de flanc, telle fut la manœuvre décidée par le SS-Obersturmführer Georg Hurdelbrink. Et elle va s’avérer redoutable.

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De gauche à droite, Georg Hurdelbrink, Rudolf Roy et Fritz Eckstein dont les extraordinaires succès obtenus à partir du 8 août 1944 seront récompensés par l’attribution de la Croix de chevalier de la Croix de fer (cf. supra, Situation le 9 août 1944 [Quatrième et dernière partie], Annexe 6), une prestigieuse décoration qu’ils arborent tous trois ici fièrement.
Précisons que la colline 195 a un sommet arrondi d’environ 1,5 kilomètres de largeur, courant sud-ouest/nord-est sur approximativement 2 kilomètres, avant de baisser de manière marquée à l’ouest près de la vallée de la Laize et à l’est près de la RN 158. Or, c’est par cette dépression de terrain située à l’est que Hurdelbrink et Roy vont engager leurs blindés pour contourner par le flanc la position des Canadiens.

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Manœuvrant d’abord en direction de l’ouvrage d’art (derrière lequel nous apercevons, à gauche, les antennes de télécommunications installées sur le sommet de la tour d’extraction du puits d’Aisy), les lourdes machines longèrent ensuite la voie ferrée. La tension à bord de l’habitacle devait être à son comble, et la chaleur aussi.
Parvenus dans un champ en contre-bas de la position canadienne, ce qui leur a permis de soustraire leur manœuvre d’approche à la vue de ses défenseurs, ils se hissèrent ensuite en haut pour placer leurs engins sur la ligne de crête.

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Réduisant la taille de la silhouette, c’est très certainement en défilement de tourelle que les « Bordführer » expérimentés exigèrent de leurs « Fahrer » qu’ils placent leurs Jagdpanzer IV L/48. Une telle position (à droite sur le croquis proposé en incrustation) faisait de leurs montures des cibles quasiment intouchables. Avec en arrière-plan la tour d’extraction du puits d’Aisy et le périmètre nord du Bois du Quesnay, nous avons représenté sur ce cliché l’endroit d’où ils débouchèrent sur le flanc gauche des Canadiens.
En position statique et offrant leurs hautes silhouettes, les équipages des Sherman furent totalement pris par surprise et n’eurent pas le temps de réagir. Visser à leurs optiques de tirs, les « Richtschützen » n’eurent aucun mal à cadrer leurs cibles. Brutalement, les munitions détonèrent sur la colline, à la cadence de tir maximale. Constamment sur la brèche, les « Ladeschützen » enfournèrent projectile sur projectile. Le pouvoir de pénétration de l’obus antichar utilisé par les tubes de 7,5 cm (et notamment celui de la Panzergranat-Patrone 39 de 6,8 kg) est si redoutable qu’à une si courte distance, un seul coup au but suffit à mettre hors de combat l’adversaire. Enchaînant les tirs (et notamment ceux des deux mitrailleuses MG34 de 7,92 mm dont le chasseur de char était également équipé), les deux Jagdpanzer IV L/48 infligèrent en une poignée de minutes un cinglant 10 à 0 aux troupes blindées adverses. Quelques carriers du 10th Independent Machine Gun Company « New Brunswick Rangers », venus en renfort avec les blindés du « Canadian Grenadier Guards », subirent aussi des pertes, trois d’entre eux étant détruits. La colline était alors couverte de machines en flamme. Blessés, des tankistes canadiens étaient allongés à côté de leurs montures démantibulées alors que les cadavres brûlés prouvaient le dureté de l’engagement. Certains Sherman tentèrent bien de fuir mais tous furent transformés en cercueil d’acier, dont « Grenadier », touché pour la seconde fois après avoir été réparé en début de journée et cette fois définitivement neutralisé.
Selon le « Gefechtsbericht » du 10 août 1944 mentionné ci-dessus, sur les 13 blindés canadiens détruits au cours de cette contre-attaque de 11 heures 55, 10 sont attribuées au SS-Obersturmführer Georg Hurdelbrink et 3 au SS-Oberscharführer Rudolf Roy et à son canonnier, le SS-Rottenführer Fritz Eckstein. Ce qui, sur les trois jours de combats qu’ont mené ces hommes depuis leur engagement sur le front de Normandie (du premier jour de l’opération « Totalize », le 8 août 1944, jusqu’au 10 août) portent leur total à 27 pour Hurdelbrink (11+6+10) et 24 pour Roy/Eckstein (8+13+3). Ce sont donc en tout 51 chars alliés que ces deux Jagdpanzer ont accroché à leur tableau de chasse en trois journées, un palmarès pour le moins impressionnant.
La menace de percée que les blindés du 22nd Canadian Armoured Regiment « Canadian Grenadier Guards » représentaient sur cette partie du front étant désormais écartée, les deux Jagdpanzer décrochèrent par où ils étaient arrivés et rejoignirent les hommes du III./SS-Pz.Gren.Rgt.26 du Sturmbannführer Erich Olboeter afin de sécuriser le terrain conquis.
***
Cette action d’éclat ne délogea toutefois pas les hommes du A & S. H. of C, enterrés dans leurs trous de combat. Ils demeuraient solidement accrochés à leurs positions sur la contre-pente de la cote 195, tandis que les Allemands occupaient le versant sud. Cernée de trois côtés (Saint-Germain-le-Vasson à l’ouest, Fontaine-le-Pin au sud et le Bois du Quesnay à l’est), la colline 195 était devenue un champ de massacre.
Les communications ayant été interrompues, l’état-major de la 4th Canadian Armoured Brigade (à laquelle appartenait le 22nd Canadian Armoured Regiment) n’apprit la situation qu’à 13 heures. Elle décida alors d’envoyer en renfort le 21st Canadian Armoured Regiment « Governor General’s Foot Guards » du Lieutenant-Colonel E. M. Smith. Parvenus peu avant 14 heures sur la colline, et bien qu’ils aient à leur merci les hommes d’Olboeter, les blindés de Smith ne firent pas de nouvelles tentatives pour avancer. C’est qu’au même moment, comme en témoigne le War Diary de la 4th CAB à la date du 10 août 1944, le rapport d’un Taylorcraft Auster A.O.P. (« A.O.P. » pour Aerial Observation Post) appartenant à la Royal Canadian Artillery de la 4th CAB, un avion monoplan à ailes hautes servant à des missions d’observation et de réglage d’artillerie (le même que celui qui chercha en vain en fin de matinée le 9 août la Worthington Force égarée près de la cote 140), signala la présence de 24 canons de 8,8 cm juste à l’ouest de Potigny (ceux appartenant au III. Flak-Korps du Generalleutnant Wolfgang Pickert et au SS-Flak-Bataillon 12 de la division « HJ »). Ce qui suffit à convaincre le commandement canadien de renoncer à l’offensive sur la cote 206.
Il est vrai qu’une fois ces pièces repérées, et vu la supériorité aérienne et la puissance de l’artillerie des alliés, cette inaction peut paraître difficile à comprendre. C’est d’ailleurs le cas aux yeux d’Hubert Meyer. Voici ce qu’il en dit dans son historique de la 12. SS « HJ » (que nous citons dans l’édition française publiée par les soins de Georges Bernage) :
« Sans aucun doute, les pièces de Flak de 8,8 cm qui ont été repérées par les Canadiens constituaient un barrage important pour la défense anti-char. Elles peuvent tirer efficacement sur les blindés à grandes distances sans que ceux-ci puissent répondre rapidement. Mais, une fois repérées, elles sont une cible tentante pour l’artillerie et les chasseurs-bombardiers. Les Flakkampfgruppen, constituées de deux pièces de Flak de 8,8 cm n’ont pas pu faire leur preuve et avaient subi de lourdes pertes. Plus efficaces sont les batteries de Flak formées de quatre pièces de 8,8 cm et de quelques pièces de 2 cm destinées à combattre les chasseurs-bombardiers lorsqu’elles peuvent intervenir à longue distance (environ 4 kilomètres). La décision de renoncer finalement à l’attaque sur la cote 206 à cause de ces pièces de 8,8 cm est peu compréhensible. Si ces pièces ont été repérées, il aurait été possible de les écraser avec l’artillerie. Il est plus réaliste de croire qu’elles n’avaient pas été repérées. Cette décision a peut-être été dictée par le fait que les troupes allemandes avaient été grandement surestimées après la destruction, la veille, du groupement tactique Worthington sur la cote 140 ». (Georges Bernage et Hubert Meyer, Album Historique, 12 SS-Panzer Division Hitlerjugend, Editions Heimdal, 1991, pp. 374-375).
Nous ne reviendrons pas ici sur la question du rôle prétendument prééminent des 8,8 cm dans les combats au sol en Normandie (cf. supra, p. 11) et nous nous rangeons bien volontiers à l’avis d’Hubert Meyer sur ce point. De même que nous partageons son sentiment sur les raisons profondes qui motivèrent le commandement canadien à renoncer à l’offensive sur la cote 206. Le spectre de la Worthington Force planait à n’en pas douter dans les esprits de tous les officiers supérieurs présents sur le champ de bataille. Rappelons que le Brigadier Booth (commandant de la 4th CAB, formant la composante blindée de la 4th CAD) était en train de voir son unité se désintégrer puisque depuis deux jours, des trois régiments de blindés la composant, un avait été quasiment entièrement anéanti sur la cote 140 le 9 août (le 28th Canadian Armoured Regiment « British Columbia Regiment » du Lieutenant-Colonel Worthington) ; le second (le 22nd Canadian Armoured Regiment « Canadian Grenadier Guards » du Lieutenant-Colonel Halpenny) venait d’être sérieusement affaibli ; restait le troisième (le « Governor General’s Foot Guards » du Lieutenant-Colonel Smith) qui le 9 août, en tentant de déboucher au sud de Bretteville-le-Rabet, fut stoppé net devant le Bois du Quesnay y laissant 12 blindés du A-Squadron et 14 des B et C-Squadrons, et qui le 10 août enregistrait déjà la perte de 12 chars entre Bretteville-le-Rabet et la cote 195. Or, malgré ces pertes catastrophiques, aucun des objectifs assignés n’avaient été atteints puisque les cotes 140 et 206 étaient toujours aux mains des Allemands, tandis que la cote 195 n’était tenue que sur l’un de ses versants seulement et de manière très précaire.
Mais nous ajouterons, nuançant ainsi les propos d’Hubert Meyer, qu’en cas d’offensive vers la cote 206, le flanc gauche des Canadiens aurait été totalement ouvert et offert ainsi à une contre-attaque des forces blindés allemandes présentes dans et autour du Bois du Quesnay. Soient les Tiger de la s.SS-Pz.Abt.101 (auxquels vinrent s’ajouter les tous premiers éléments de la s.SS-Pz.Abt.102 de Hans Weiß revenant dans la nuit du 9 au 10 août de la région de Vire, comme Olboeter la nuit précédente), les Panther et les Panzer IV des I. et II./SS-Panzer-Regiment 12 de Wünsche, et les Jagdpanzer IV de la I./SS-Panzerjäger-Abteilung 12 de Hurdelbrink. Ces réserves blindés allemandes étaient certes peu nombreuses (une quarantaine de blindés) mais elles étaient redoutables. Elles avaient été placées dans une position stratégique d’où elles pouvaient attaquer à droite comme à gauche (cotes 195 et 140) sans avoir à effectuer de grandes distances. Si toutes s’étaient mise en branle, l’annihilation du « Governor General’s Foot Guards » n’eût sans doute pas été qu’une fiction angoissée. Quand on voit ce qu’une attaque de flanc de seulement deux Jagdpanzer est capable de produire comme destruction, on se dit que la décision canadienne d’abandonner l’attaque sur la cote 206 est la plus intelligente qui soit et que se lancer à l’assaut de cette côte, même avec l’obstacle des pièces anti-chars de 8,8 cm éliminé, eût été faire preuve d’une témérité suicidaire.
L’après-midi resta relativement calme dans tout le secteur de la cote 195. Le Lincoln and Welland Regiment, après s’être avancé le matin sur le flanc droit des Argylls pour en assurer la protection en occupant le saillant de la colline dirigé vers Saint-Germain-le-Vasson, obliqua pour occuper le périmètre ouest de la cote 195. L’artillerie et les Typhoons de la 2nd Tactical Air Force apportèrent une aide sensible à l’infanterie, « la première causant la perte d’un grand nombre de personnels ennemis, les seconds détruisant un canon de 88 mm situé à proximité de la A-Company », comme en témoigne le War Diary. Ce n’est qu’à 19 heures 30 que le III./SS-Pz.Gren.Rgt. 26 d’Olboeter, appuyée à nouveau par les Nebelwerfer 42 de 15 cm du SS-Werfer-Bataillon 12 et du Werfer-Regiment 83, enfin ravitaillés depuis un dépôt de munitions situé près de Falaise, tenta une dernière contre-attaque mais elle ne connut pas davantage de succès. Si la position des Canadiens redevint un enfer, ceux-ci s’y battirent à nouveau comme des diables et leur position demeura inexpugnable.
En début de soirée, la 9th Canadian Infantry Brigade de la 3rd Canadian Infantry Division releva la 10th Canadian Infantry Brigade, qui fut ramenée sur Cauvicourt où elle passera deux jours de repos. Et c’est ainsi qu’à 21 heures The Stormont, Dundas and Glenngarry Highlanders assura la relève des Argylls, dans un état d’épuisement complet et marqué à jamais par la journée qui venait de se passer. L’état des pertes humaines enregistrées par la bataillon n’étant pas clairement consigné pour la journée du jeudi 10 août 1944, nous ne pouvons pas l’établir précisément, malheureusement.

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Stèle élevée par « The Argyll Regimental Foundation » le 17 août 2003 devant le lieu où les pointes les plus avancées de la position canadienne eurent à souffrir le plus des contre-attaques allemandes et durent céder le terrain.

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L’« historien canadien de renom » en question est le Colonel Charles Perry Stacey. Officier historien auprès du Quartier Général canadien de Londres durant la Seconde Guerre mondiale, il devint après-guerre Directeur de la Section historique de l’État-major général de l’Armée canadienne.
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L’étude des combats pour la cote 195 fut lente et difficile et acculera au désespoir toutes les sortes d’« hommes pressés », disais-je pour commencer. A-t-elle su toutefois susciter l’intérêt des vrais passionnés – vous me le direz. La suite de l’analyse des combats en secteur canadien (dans celui du Bois du Quesnay), prévue initialement pour figurer dans ce post, est reportée pour ne pas allonger démesurément le temps de lecture. Pour la connaître, il va falloir encore et toujours faire preuve de patience car il me faut désormais impérativement « décrocher ». D’autres tâches m'appellent et je ne les ai que trop fait tarder.
À bientôt, j’espère.