Daniel Fischer, incorporé de force dans la Waffen SS

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Marc Laurenceau
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Daniel Fischer, incorporé de force dans la Waffen SS

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Incorporé de force dans une des pires unités allemandes, la Das Reich, Daniel Fischer est à Merville-Franceville ce mercredi 6 juin 2018 . Récit d’une incroyable histoire.

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Source : L'Eveil de Lisieux
Date de publication : 6 juin 2018
Auteur : Frédéric Leterreux
Lien : https://actu.fr/normandie/merville-fran ... 58146.html

Parmi les vétérans et personnalités présentes ce mercredi 6 juin 2018 à Merville-Franceville (Calvados), pour commémorer le 74e anniversaire du Débarquement alliés en Normandie figure Daniel Fischer. L’ancien soldat allemand rescapé de l’enfer.

Daniel Fischer n’a pas 18 ans quand la peste brune frappe à sa porte. Il s’en rappelle comme si c’était hier, et pourtant l’eau a coulé sous les ponts depuis le mois de janvier 1944.

On a été convoqué par le conseil de révision, à Guebwiller (à une trentaine de kilomètres de Colmar). Il y avait des officiers et des sous-officiers SS. On nous a dit, c’est bon, vous pouvez partir. J’ai tout de suite compris que nous avions été piégés…

Un mois plus tard, Daniel Fischer reçoit sa convocation. Les documents portent les deux sinistres lettres : SS.

Ce jour-là ma vie a basculé.

Le 11 février 1944, il prend le train à Mulhouse, « quai numéro un. On est parti dans un train spécial pour la Prusse orientale ». Daniel Fischer est incorporé dans la 1ère compagnie du régiment Deutschland de la 2e division blindée SS, la Das Reich.

Tulle, Oradour-sur-Glane…
Commandée par le général Lammerding, la Das Reich a plusieurs crimes de guerre à son actif, dont Tulle et Oradour-sur-Glane les 9 et 10 juin 1944. 741 victimes au total. Jugé par contumace à Bordeaux en 1953, Lammerding ne sera jamais extradé. Pire, devenu chef d’entreprise, il mourra de sa belle mort, avec les honneurs militaires d’anciens frères d’armes de la Waffen SS…

Affecté à l’armurerie après une instruction qui n’était pas spécialement une colonie de vacances, Daniel Fischer nourrit rapidement « le projet de déserter ». Au moment du Débarquement, il est hospitalisé à Toulouse pour une jaunisse aiguë. « C’était un peu voulu », confie-t-il. Grâce à une infirmière résistante, il trouve une combine pour faire monter la fièvre : « De la pâte dentifrice mélangée à de la bouillie de pomme de terre, je vous assure que ça marche, ça fait exploser le thermomètre. J’ai été ensuite transféré à Nice, en convalescence. »

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René Gall, Denise Fischer et son frère Daniel Fischer. (©L’Eveil de Lisieux)

Malheureusement, les bonnes choses ont une fin. « Au bout de six semaines, le capitaine me dit : Fischer, c’est fini… » Daniel Fischer retrouve son régiment. Paris, Le Mans, puis la poche de Falaise où la 7e armée allemande se retrouve encerclée à la fin août 1944.

Je peux vous dire que ça chauffait ! Une vraie débandade. Une armée en déroute, vous ne pouvez pas imaginer ce que c’est… On se déplaçait la nuit à cause de l’aviation alliée. »

Surveillé comme le lait sur le feu…
Daniel Fischer fait partie des soldats allemands qui arriveront à percer la poche de Falaise. Ils seront environ cinquante mille. En septembre 1944, il est du côté de Malmédy, près de Liège en Belgique. L’idée de s’évader lui trotte toujours dans la tête. Sauf que, seul Alsacien de son unité, ses supérieurs le surveillent comme le lait sur le feu. La délivrance arrive enfin à la mi-septembre.

On s’est retrouvé en première ligne face à des chars américains. Mon arme était grippée. Un lieutenant de notre unité nous dit : le premier qui recule, je l’abats. Je me réfugie dans une grange, mais je suis repéré par les Américains qui envoient un obus au phosphore dans la grange. Mes vêtements commencent à brûler. J’avais deux possibilités, soit me faire tuer d’une balle dans le dos par les Allemands ou devant par les Américains. »

Daniel opte pour la deuxième solution.

J’avais un mouchoir blanc qu’un collègue m’avait donné. Il m’avait dit que ça pourrait me servir un jour… Arrivé devant le premier char, un Américain me demande de le suivre. J’arrive au septième ou huitième Sherman. Un Américain qui parlait parfaitement français me demande pourquoi j’ai un uniforme allemand. Je lui explique que je suis Alsacien et que j’ai été enrôlé de force. Il me répond : vous avez de la chance de tomber sur moi, nous sommes une unité spéciale et nous ne faisons pas de prisonniers ! Il m’a tendu un paquet de Luky Strike. J’ai pris une cigarette. La meilleure que je n’ai jamais fumée.

Porté disparu
Le 1er octobre 1944, les parents de Daniel reçoivent une lettre signée d’un sous-lieutenant SS, leur informant que leur fils est porté disparu après une attaque de l’ennemi. En lisant la lettre, le père de Daniel a une crise cardiaque dont il ne se remettra jamais. Transféré dans un camp de prisonniers à Compiègne, Daniel Fischer passe par Beauvais, où réussissant à prouver qu’il a été incorporé de force, il redevient enfin un citoyen libre.

Daniel Fischer est présent à la cérémonie internationale de Merville-Franceville ce mercredi 6 juin 2018. Il est accompagné de sa sœur, Denise (94 ans), elle aussi incorporée de force. Un autre « malgré-nous » est à ses côtés : René Gall (92 ans). Incorporé dans le 472e régiment d’infanterie après un séjour dans le camp de redressement de Schirmeck, il combat sur le front russe. Il rejoint les FFI et combat à leurs côtés dans la poche de Royan.
Comme pour Daniel, ses parents ont reçu une lettre annonçant sa disparition… Daniel Fischer souhaite « remercier la population normande qui a contribué à l’évasion des incorporés de force… Nous avons été obligés de porter un uniforme que nous détestions. Notre jeunesse et notre adolescence ont été brisées par tout cela. » Serge Vuillmey, ancien colonel de gendarmerie, accompagne les trois « malgré-nous » à la cérémonie internationale. « Il a fallu attendre des années, jusqu’en 2014 pour enfin voir des « malgré-nous » dans une tribune officielle. Enfin reconnus comme de vrais français, ce sont les grands oubliés de la République. »
Marc Laurenceau
Webmaster du site DDay-Overlord et du forum
Auteur du livre Jour J Heure par Heure

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