La course au Rhin et la bataille d'Alsace

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Marc Laurenceau
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La course au Rhin et la bataille d'Alsace

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La promotion 2007-2010 de l'Ecole Spéciale Militaire a choisi comme parrain de promotion le lieutenant Carrelet de Loisy. Ayant choisi la cavalerie à la sortie de Saint-Cyr, il débarque en Provence en 1944, remonte le Rhin et trouve la mort en libérant l'Alsace après avoir été le premier officier français à rallier le rhin.

Fin novembre, les 176 élèves-officiers sont allés sur les traces de leur parrain dans le Sundgau alsacien. Voici quelques récits de la remarquable chevauchée du lieutenant de Loisy et du pélerinage des saint-cyriens, 64 ans plus tard.

Situation du front, fin novembre 1944 (récit du lieutenant Fuhr, actuellement général à la retraîte) :

"OBJECTIF : LE RHIN DE ROSENAU

Le 15 novembre 1944. la 3ème Compagnie est mise à la disposition du Groupement commandé par le Chef d'Escadrons GARDY.

Elle reçoit pour mission de relever, dans le village d'ECOT (10 Km au sud-ouest de Montbéliard) une Compagnie très éprouvée du 6ème RIC. La veille, dans la nuit, cette dernière a bien failli être submergée par un bataillon Allemand du 757ème RI, chargée de reprendre coute que coute les hauteurs dominant la boucle du Doubs, dont ECOT constitue la clé de voûte. L'affaire sêst révélée particulièrement chaude. On y a vu le PC du Régiment daire le coup de feu, mêlé à une section de la Compagnie et contre-attaquer avec le voltigeurs, à la grenade.L'assaillant a finalement été repoussé mais à quel prix! Il reste des cadavres un peu partout, dans les maisons, les escaliers et les vergers, comme pour témoigner de l'âpreté du combat, et encore, il n'y a qu'une partie des morts adverses, ceux qu'on n'a pas eu le temps d'enlever. C'est la raison pour laquelle les Zouaves relèvent les Marsouins, qui ont besoin de se reconstituer.

La journée du 16 sera consacrée au nettoyage des hauteurs de la boucle du Doubs, autour d'ECOT, vers le bois des Charmes, les Grands Bans et les Petits Bans. Le 17 et le 18 les ordres affluent. Ils avertissent de l'imminence d'une forte contre-attaque, mais donnent des indications contradictoires sur les directions à barrer. On s'y prépare fébrilement, tous azimuts, en changeant plusieurs fois de points d'appui.

Au début de la nuit du 18, le commandant du CC3, le Colonel CALDAIROU, arrive. Il fait réunir les officiers et les chefs de section présents du Groupement pour un bref exposé de situation et pour commenter ses ordres. On y voit mal, dans un hangar ouvert. Le Colonel agite sa canne et parait impatient. Il y a en lui comme une jubilation mal contenue et un survoltage qui surprennent, chez un chef d'habitude sobre de gestes et marmoréen.

Il ne se sert d'une canne que depuis l'affaire de la CHEVESTRAYE, où il a été blessé par une rafale de mitraillette allemande, précisement au milieu d'un groupe de combat de la 3ème Compagnie, au hameau de l'ARMET, dans lequel un char adverse venait d'être détruit.

Il a repris le commandement fin Octobre. Les balles qui lui ont déchiré la jambe, rendent sa marche difficile. Il s'impatiente d'aller trop lentement à son gré, de boiter et aussi, de ne plus pouvoir se mêler, dans l'action..."

Le Lieutenant Jean Carrelet de Loisy (journal de marche du 2ème Régiment de Chasseurs d'Afrique)

« Enfin on va pouvoir faire une guerre de cavalier et foncer. »

Ainsi s?exprimait le lieutenant Jean de LOISY du 4e escadron A., le 19 novembre au soir, au sud de DELLE, en apprenant que la mission des trois groupements commandés par des officiers de son régiment était de se porter le lendemain sur le Rhin, à 60 kilomètres de l?endroit où il se trouvait.

Le 20 novembre à 13 heures, après un retard de plusieurs heures dû à l?encombrement des routes, le groupement du chef d?escadrons GARDY auquel LOISY appartient, débouche de COURTELEVANT. Peu de temps après, LOISY qui est en avant-garde avec son peloton, arrive à SEPPOIS, où il rejoint les éléments du R.I.C.M. qui sont accrochés par l?ennemi. Il s?en¬gage aussitôt un vif combat pour forcer les lignes ennemies, et se frayer un passage vers l?Est.

Après une demi-heure de lutte, où tous les chars de l?Escadron sont engagés avec une compagnie de zouaves, le passage est libre.

Sans s?attarder à nettoyer le village, le commandant du groupement donne l?ordre de continuer la progression pour profiter de l?effet de surprise. De LOISY qui n?attendait que cela fonce de nouveau, bouscule l?ennemi à BISEL où il tue un Allemand avec sa mitraillette de sa tourelle de char, prend FELBACH et WALDIGHOFFEN où il fait une véritable hécatombe de boches qui défendaient un pont marqué «8 tonnes » et sur lequel il se lance sans hésiter avec son char de 32 tonnes.

A 16 heures, il est à OBERDOF, puis à HUNBSBACH. « Les fritz sont débordés de toutes parts » dit-il au capitaine de LAMBILLY qui commande son escadron. « Continuez à pousser à fond de culottes» vers ROSENAU sur le RHIN, répond celui-ci.

Détruisant au passage de nombreux véhicules et des groupes d?Allemands surpris, LOISY et son peloton arrivaient le 20 novembre à 17 heures 30, à ROSENAU. Jean de LOISY était le premier officier français qui ait eu l?honneur d?atteindre le RHIN.

Il était si heureux que le soir il dit à l?un de ses camarades : "Voyez-vous mon vieux, pour un officier de cavalerie, voir ça et mourir" . Son v?u héroïque allait être exaucé trois jours après.

En effet, le 21 novembre, le groupement GARDY est chargé de prendre MULHOUSE. LOISY toujours en tête de son peloton, débouche dans la rue du Sauvage, la parcourant de bout en bout, et se dirige vers son objectif le pont de la DOLLER. Canonnant et mitraillant tout sur son passage, il prend le pont intact et va patrouiller dans BOURTZWILLER. Son char a été touché par des obus de Bazookas. « Ils sont quand même rudement gonflés, mais j?ai eu du pot. J?ai vu le premier coup de bazooka passer par-dessus ma tourelle ; le second a touché une de mes chenilles pour comble de malheur ma mitrailleuse était enrayée, j?ai dû tuer les deux Allemands au canon. Premier au RHIN, LOISY était aussi le premier à montrer à la population de MULHOUSE libérée, le réconfortant spectacle de la nouvelle armée française.

Cependant les Allemands ont réussi à se maintenir dans des îlots de résistance, et le 23 novembre à 16 heures, le lieutenant de LOISY reçoit l?ordre d?appuyer l?action d?une unité marocaine sur la caserne LEFEBVRE encore occupée par les Allemands. Une brèche ayant été effectuée au canon dans l?un des murs extérieurs de la caserne, LOISY se place devant la brèche, et avec l?appui de son peloton commence à tirer au canon et à la mitrailleuse, sur toutes les issues de la caserne. De l?emplacement qu?il occupe, LOISY voit mal l?intérieur de la cour il craint que ses feux soient insuffisants pour dégager les fantassins dans un beau geste de fraternité d?armes, il pousse sur la brèche avec son char, l?élargit et entre dans la caserne, soutenu par le char du maréchal des logis chef LAROCHE qui l?a suivi. Tous deux ne cessent de tirer à la mitrailleuse et au canon.

Arrivé à l?angle du bâtiment, un premier coup de bazooka traverse la tourelle et tue LOISY quelques secondes après un second coup de bazooka met son char en flammes.

Lorsqu?on apprit la mort de LOISY ce fut une consternation générale parmi les hommes qui l?adoraient. Le Lieutenant était trop courageux, partout il marchait le premier.

Rhin-Mulhouse. Le lieutenant Jean de LOISY symbolise ces deux noms qui résument tous les exploits accomplis par le 2e Régiment de Chasseurs d?Afrique dans la bataille d?ALSACE.
Marc Laurenceau
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Photos du pélerinage des élèves-officiers de la promotion Lieutenant de Loisy de Saint-Cyr en Alsace du 22 au 23 novembre 2008.

Comme en 1944, la neige était bien présente pendant ce pélerinage.
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Le char "Austerlitz" du lieutenant de Loisy, toujours exposé à l'endroit même où il a été stoppé par deux charges creuses (caserne Lefebvre, Mulhouse).
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La promotion de Loisy dans la caserne Lefebvre à Mulhouse, devant le char où leur parrain a trouvé la mort le 23 novembre 1944, 64 ans avant la prise de cette photo.
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Chaque année, le 2 décembre, les saint-cyriens fêtent la victoire de la bataille d'Austerlitz en organisant une vaste reconstitution historique de la bataille, ponctuée de clins d'oeil.
Cette année, en lien avec l'histoire du parrain de la promotion Lieutenant de Loisy, Napoléon et ses généraux ont eu l'honneur d'être transporté sur une fière monture.

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