Ces soldats oubliés, lourd secret du vétéran écossais

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325th GIR
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Ces soldats oubliés, lourd secret du vétéran écossais

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Source :http://www.ouest-france.fr/culture/hist ... is-3935589
Du 23 Décembre 2015

Ces soldats oubliés, lourd secret du vétéran écossais

Laurent NEVEU.
Avant de s'éteindre, Ted Thurston a révélé à ses amis normands qu'il avait dû enterrer à la va-vite des soldats SS, en juin 1944, près de Caen.

Des fouilles ont été organisées, fin août, par la D-Day Academy. Huit dépouilles ont été exhumées. Récit d'une opération hors norme, menée dans le plus grand secret, pour éviter les pillages.
« Tous les ans, en juin, il venait »

5 juin 2014. En pleines cérémonies du 70e anniversaire de la Bataille de Normandie, Edward James Thurston inaugure à Mouen, petite commune à l'ouest de Caen, un mémorial avec la liste d'honneur de ses camarades morts ici. Il est l'un des derniers vétérans écossais encore vivants.

Ted, comme on le surnomme, est bien connu dans ce coin de campagne normande. « Tous les ans, en juin, il venait, se souvient Georges Hamelin, président de l'union locale des anciens combattants, et ami du Britannique. Il parlait aux enfants, leur apportait des bonbons ou des gâteaux. Au cimetière, il disposait à chaque fois une petite croix pour ses camarades tombés au front. »

Mais en cette veille de la 70e commémoration du Débarquement, Ted a le coeur lourd. À 88 ans, alors que sa santé devient chancelante, un lourd secret est revenu le hanter. Il se confie à Jean-Pierre Benamou, un proche, qui préside, près de Caen, la D-Day Academy, une association spécialiste de la Seconde Guerre mondiale.

« Il a voulu qu'on aille dans un secteur où il avait combattu », raconte le président. Entre Cheux, Saint-Manvieu et Mouen, la bataille Epsom, offensive menée à l'ouest de Caen par les Alliés, fut particulièrement violente : 1 500 tués, dont 750 combattants écossais.

« Ted m'a raconté qu'il avait fait partie d'une corvée d'ensevelissement. » Un groupe désigné pour recouvrir les morts de l'ennemi, quand celui-ci n'avait pu les emmener. « Leur commandement leur avait dit : attention, on a déjà eu affaire à des corps piégés par les Allemands, donc on ne les enterre pas, on se contente de les recouvrir. »

Sinistre tâche qu'exécutent Edward James Thurston, alors âgé de 19 ans, et ses camarades de la Highland Light Infantry. Soixante-dix ans plus tard, des flashs tourmentent le vieil homme. « Il m'a décrit l'un des soldats, son regard bleu froid qui le fixait, se souvient encore Jean-Pierre Benamou. Il n'en avait jamais parlé auparavant, jamais. Il voulait qu'on fasse quelque chose afin qu'ils aient une sépulture décente. »

Ted s'éteint quelques mois plus tard, en mars 2015. La D-Day Academy, attachée à la transmission de la mémoire de la Bataille de Normandie, entend bien honorer sa promesse au vétéran, mais doit d'abord obtenir une autorisation préfectorale.

L'association mène finalement les fouilles fin août 2015, pendant deux jours, et après plusieurs carottages. «Àla main, avec des pelles et des détecteurs de métaux, retrace Baptiste Flotté, qui a supervisé l'opération. Nous étions sept. »
Sceller la réconciliation

La mémoire de Ted n'a pas failli: huit dépouilles sont découvertes, à l'état de squelettes, sous environ 70 cm de terre, avec divers objets de métal corrodés. « Des corps de la Seconde Guerre mondiale, on en découvre encore parfois, un par un, lors de chantiers, par exemple, souligne le président de la D-Day Academy. Mais autant d'un coup, c'est exceptionnel. »

L'équipe ne se laisse pourtant pas submerger par l'émotion de la découverte. « On avait ce sentiment de contribuer à quelque chose d'important, souffle Jean-Pierre Benamou. Un aumônier militaire a participé à l'opération, en présence de l'exhumateur officiel des cimetières allemands. Sous le contrôle de la direction régionale des affaires culturelles, nous avons fait attention à n'oublier aucun indice qui permette d'identifier les corps. »

Notamment les précieux disques d'identité que portaient les soldats d'outre-Rhin. Transmises avec les dépouilles à un service spécialisé de l'État allemand, ces plaques n'ont pas encore parlé. Mission délicate car ces corps étaient sans doute ceux de Waffen SS, dont les archives militaires auraient été brûlées.

La D-Day Academy poursuit l'enquête de son côté pour « déterminer les circonstances de leur mort. » Tirs d'obus ? Fusillade ?

Avec un objectif : « Que ces soldats soient inhumés au cimetière de Toul, en Meurthe-et-Moselle, espère le président de l'association, puisque les cimetières allemands de Normandie n'accueillent plus de nouveaux défunts. Ce serait pour nous une belle finalité de déposer une gerbe de fleurs sur leurs tombes, avec les habitants de Cheux. De rencontrer peut-être leurs familles. »

La D-Day Academy estime que d'autres corps pourraient être retrouvés dans le secteur et envisage de nouvelles fouilles à l'été 2016. Ces défunts rendus à leurs descendants scelleraient plus étroitement la réconciliation entre les deux camps, entamée au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, rappelée ici par le Mémorial de Caen.

Ted avait fêté ses 20 ans en Normandie. « Soldat, il haïssait ces hommes, qui étaient des SS, analyse Jean-Pierre Benamou. Pourtant, cet épisode le poursuivait vraiment. » La réconciliation, le militaire écossais l'a effectuée très tôt dans son coeur. Affecté outre-Rhin dans la Police militaire royale, il se maria en 1946 à Regina. Une Allemande.
Sous chaque croix blanche du cimetière Américain de Colleville-sur-Mer ( Normandie) , dort un morceau de Liberté.
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