Des collégiens réalisent un film sur les traces du commando Kieffer en Normandie

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Marc Laurenceau
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Des collégiens réalisent un film sur les traces du commando Kieffer en Normandie

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Devant Sword Beach, les collégiens autour de Léon Gautier, 93 ans, l’un des derniers survivants du commando Kieffer, qui a débarqué le 6 juin 1944 en Normandie avec les Britanniques.

177 FRANÇAIS AUX CÔTÉS DES ALLIÉS
Depuis la fin 2013, ils réalisent un film documentaire sur l’épopée des 177 soldats du commando Kieffer, qui furent les seuls Français à participer au Débarquement le 6 juin 1944 à 7 h 25 du matin, ici même, à dix kilomètres de leur établissement, sur Sword Beach, à hauteur de Colleville-Montgomery. C’était l’une des cinq plages, avec un nom de code anglo-américain, choisies par les Alliés pour libérer la France occupée par l’armée de Hitler.

Léon Gautier, 91 ans, l’un des dix derniers survivants de l’unité, a tenu à honorer son rendez-vous avec les adolescents, qui mènent ce travail collectif sous la direction de leurs enseignants d’histoire et de français, et dans le cadre d’un projet de l’enseignement catholique du Calvados consacré à « l’année 1944 ».

Originaire de Rennes, ce vétéran a décidé, voilà déjà un certain nombre d’années, de résider à Ouistreham, première localité libérée par le commando Kieffer après le débarquement à Colleville. Un retour aux sources, en quelque sorte. Venu à la rencontre des jeunes malgré les ennuis de santé dus à son âge, il se montre en verve pour raconter un acte de bravoure au cours duquel dix de ses frères d’armes ont été tués et trente-six autres rapatriés après avoir été blessés.

RÉCIT DU DÉBARQUEMENT SOUS UN « DÉLUGE DE FEU »
Une lueur dans le regard, Léon Gautier raconte dans le détail. Le temps, qui n’était « pas beau » après « la grosse tempête du 5 juin », celle-ci ayant nécessité de décaler le Débarquement d’une journée. L’« imposante armada navale », qui avait été constituée à partir de l’Angleterre. Les « haut-le-cœur », dont les hommes étaient pris dans les barges avant d’atteindre la côte normande. Le « passage tonitruant des avions alliés », qui allaient bombarder les lignes de défense allemandes. Le « déluge de feu » que ces lignes leur avaient réservé dès que les embarcations avaient approché du rivage et qui avait compliqué le débarquement.

« L’une des deux barges transportant le commando avait été touchée par un obus à l’avant, causant un premier mort », précise l’ancien soldat d’élite. Assemblés autour de lui, les collégiens ne perdent pas une miette. Ils ont préparé plusieurs questions à partir d’un travail de recherche au centre de documentation du lycée et avec l’aide de leurs deux enseignants, Nathalie Rouet et Ludovic Cahagnier. La plus immédiate d’entre elles : « Étiez-vous anxieux ? » La réponse fuse : « Nous ne l’étions pas ! Nous étions contents car nous rentrions en France ! »

UN DOCUMENTAIRE DIFFUSÉ EN SALLES
Pendant que le dialogue s’installe, la caméra tourne. Elle est tenue par une jeune réalisatrice, Nina Bello, qui apporte son expertise à la classe et aux enseignants. Les élèves de Notre-Dame-de-Nazareth sont admiratifs du parcours de Léon Gautier et cela devrait se ressentir dans leur film, qui sera diffusé dans les salles locales peu avant la grande cérémonie internationale du 70e anniversaire du Débarquement, prévue cette année à Ouistreham.

C’est François Hollande qui a décidé du lieu. Une telle cérémonie, qui doit réunir les autorités françaises, américaines, canadiennes et britanniques, sera une « première » dans la localité libérée par des soldats français. « J’en suis très heureux, commente le vétéran. On a longtemps oublié le rôle du commando français Kieffer et des forces britanniques avec lesquelles il a débarqué. »

LÉON GAUTIER, « AU NOM DU PATRIOTISME »
Quelle vie que celle de Léon Gautier ! Né en 1922 à Rennes de parents ouvriers, il est apprenti carrossier avant de s’engager dans la Marine nationale en septembre 1939. Début 1940, il est canonnier sur le navire Courbet, qui se déroute vers le littoral anglais le 19 juin. Réfugié en Angleterre avec de nombreux marins, il fait partie de ceux qui optent pour les Forces françaises libres (FFL) du général de Gaulle plutôt que de revenir dans une France soumise au nazisme. Marin de la France libre, il participe à des convois de cargos, séjourne dans le sous-marin Surcouf et devient fusilier marin au Cameroun.

Au printemps 1943, il revient à Londres et intègre le 1er bataillon de fusiliers marins commandos (BFMC), que vient de créer le lieutenant de vaisseau Philippe Kieffer, Français libre lui aussi. « J’ai agi au nom du patriotisme dans lequel j’avais été élevé », souligne-t-il. Le 1er BFMC s’est préparé avec les commandos britanniques dans un camp en Écosse. « L’entraînement était-il dur ? », interroge un élève. Léon Gautier apporte les précisions demandées : « Il y avait beaucoup de marches forcées, d’une à plusieurs dizaines de kilomètres. Chacun devait les effectuer avec un sac à dos pesant au moins 30 kg. Nous apprenions aussi à nous camoufler. »

Les hommes de Kieffer sont incorporés à la 1re brigade de commandos britanniques. Mais ils constituent, au sein de cette entité, une unité spécifiquement française et ont reçu l’assurance de fouler les premiers le sable de Sword Beach.

LE DÉBARQUEMENT, UNE STRATÉGIE MINUTIEUSE
Le documentaire doit évoquer les étapes de la libération de Ouistreham par le commando Kieffer. Désiré Dajon-Lamare, habitant de 82 ans, sert de guide aux collégiens. À l’époque, il avait 12 ans et a vu les libérateurs français débouler dans la localité. Depuis, il n’a jamais manqué la commémoration locale du 6 juin et a bien connu les membres du commando revenus vivants des combats de Normandie, puis de ceux de Hollande, où ils furent ensuite débarqués. Agent d’EDF-GDF à la retraite, il consacre beaucoup de temps à témoigner dans les établissements scolaires pour transmettre la mémoire qu’il a gardée de la Seconde Guerre mondiale.

Le commando avait pour objectif de prendre l’ennemi en tenaille. Un groupe – celui de Léon Gautier – avait pour mission de « nettoyer » la série de bunkers, dont les abords de la plage étaient truffés sur près de 2 kilomètres entre Colleville et Ouistreham. Un autre groupe devait s’infiltrer dans la cité balnéaire depuis l’intérieur des terres afin de neutraliser le casino, transformé en super bunker : devant la résistance du site, le commandant Kieffer fit amener un char anglais qui eut raison de l’occupant en fin de matinée. Au même moment, les commandos britanniques s’occupaient de libérer le port, plus à l’est, subissant aussi des pertes.

Le commentaire qui accompagnera le documentaire sera rédigé par les élèves de Notre-Dame-de-Nazareth et dit par un ou une volontaire. Sans doute une phrase reviendra-t-elle. Celle qu’ils ont été plusieurs à prononcer avec beaucoup de respect après avoir écouté Léon Gautier : « Il fallait avoir un grand courage pour braver ainsi la mort ! »

ANTOINE FOUCHET (à Colleville-Montgomery et Ouistreham, Calvados)

Source : La Croix, 27 mars 2014
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Marc Laurenceau
Webmaster du site DDay-Overlord et du forum
Auteur du livre Jour J Heure par Heure

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