Evelyn Kovalchuk
Posté : 28 août, 07:17
Infirmière à Omaha, voici quelques uns de ses propos (datant de 2004):
"Nous étions basées à Cottesmore en Angleterre le jour du D-Day. Nous allions servir comme infirmières à bord des C47. Nous avons décollé à 5 h du matin pour atterrir 3 quarts d'heure plus tard à Omaha Beach. La piste était en sable, recouverte d'un grillage métallique, tout près de la plage. Nous amenions avec nous des chaussures, des couvertures, des médicaments mais aussi des obus et des grenades.. Une fois l'avion vidé, on a décroché les sangles du plafond et du sol pour attacher les civières des blessés. 24 par rotation. On nous avait confié les blessés alités, les plus gravement atteints.
La 1ère image dont je me souviens est celle d'un jeune garçon. Il était couvert de bandages, depuis la taille jusqu'au cou, avec au milieu un espace libre pour son ventre. Autour de son cou, on avait placé une paire de ciseaux. S'il était pris de nauseés pendant le trajet, je devais m'en servir pour couper les bandages. Je n'ai pas eu à le faire. Les blessés étaient français, polonais, anglais, américains. C'était troublant, j'avais 21 ans, le même âge qu'eux. Nous n'avions pas le temps de les connaître davantage.
Le 1er jour, nous sommes allés 3 fois à Omaha et nous avons rapatrié 72 soldats. Un blessé est mort juste avant le décollage. L'infirmière a incliné sa tête vers le hublot pour que personne à bord ne s'en rende compte. Quelques jours plus tard, nous avons embarqué des prisonniers allemands. Nos garçons voyaient leur uniforme. Cela les rendait nerveux. Nous devions les empêcher de leur faire du mal. C'était une situation difficile. On disait à nos soldats que les Allemands faisaient leur travail, exactement comme eux. Nous soignions les prisonniers allemands comme les autres.
Il y avait aussi de bons moments. Un jour, nous avons atterri sur un aéroport près des falaises de Douvres. Nous devions y passer la nuit. J'en ai profité pour laver et faire sécher mes sous-vêtements. Tout à coup, le colonel a ordonné à l'équipage de prendre l'air. J'ai attrappé mes sous-vêtements et les ai accrochés à l'arrière de l'appareil, juste à côté des toiletttes pour les hommes. En voyant ça , le colonel a hurlé: "enlevez-moi ça. Mon avion n'est pas un bordel."
Il n'y a que depuis 1 an ou 2 seulement qu je peux parler d'Omaha sans que l'horreur des blessures ne ressurgisse. J'ai perdu mon fils en 1981. Il était dans les marines et il a eu un accident. Quand je pense à lui, je pense aussi à ces hommes que j'ai soigné en 1944. 5 infirmières de mon régiment se sont suicidées en rentrant aux Etats-Unis. Je ne suis jamais retournée à Omaha."
"Nous étions basées à Cottesmore en Angleterre le jour du D-Day. Nous allions servir comme infirmières à bord des C47. Nous avons décollé à 5 h du matin pour atterrir 3 quarts d'heure plus tard à Omaha Beach. La piste était en sable, recouverte d'un grillage métallique, tout près de la plage. Nous amenions avec nous des chaussures, des couvertures, des médicaments mais aussi des obus et des grenades.. Une fois l'avion vidé, on a décroché les sangles du plafond et du sol pour attacher les civières des blessés. 24 par rotation. On nous avait confié les blessés alités, les plus gravement atteints.
La 1ère image dont je me souviens est celle d'un jeune garçon. Il était couvert de bandages, depuis la taille jusqu'au cou, avec au milieu un espace libre pour son ventre. Autour de son cou, on avait placé une paire de ciseaux. S'il était pris de nauseés pendant le trajet, je devais m'en servir pour couper les bandages. Je n'ai pas eu à le faire. Les blessés étaient français, polonais, anglais, américains. C'était troublant, j'avais 21 ans, le même âge qu'eux. Nous n'avions pas le temps de les connaître davantage.
Le 1er jour, nous sommes allés 3 fois à Omaha et nous avons rapatrié 72 soldats. Un blessé est mort juste avant le décollage. L'infirmière a incliné sa tête vers le hublot pour que personne à bord ne s'en rende compte. Quelques jours plus tard, nous avons embarqué des prisonniers allemands. Nos garçons voyaient leur uniforme. Cela les rendait nerveux. Nous devions les empêcher de leur faire du mal. C'était une situation difficile. On disait à nos soldats que les Allemands faisaient leur travail, exactement comme eux. Nous soignions les prisonniers allemands comme les autres.
Il y avait aussi de bons moments. Un jour, nous avons atterri sur un aéroport près des falaises de Douvres. Nous devions y passer la nuit. J'en ai profité pour laver et faire sécher mes sous-vêtements. Tout à coup, le colonel a ordonné à l'équipage de prendre l'air. J'ai attrappé mes sous-vêtements et les ai accrochés à l'arrière de l'appareil, juste à côté des toiletttes pour les hommes. En voyant ça , le colonel a hurlé: "enlevez-moi ça. Mon avion n'est pas un bordel."
Il n'y a que depuis 1 an ou 2 seulement qu je peux parler d'Omaha sans que l'horreur des blessures ne ressurgisse. J'ai perdu mon fils en 1981. Il était dans les marines et il a eu un accident. Quand je pense à lui, je pense aussi à ces hommes que j'ai soigné en 1944. 5 infirmières de mon régiment se sont suicidées en rentrant aux Etats-Unis. Je ne suis jamais retournée à Omaha."