Les propos de Robert Hébras font toujours débat
Posté : 18 sept., 06:25
Robert Hébras
Les Malgré-Nous ne pardonnent toujours pas à Robert Hébras, rescapé du massacre d’Oradour, d’avoir mis en doute la réalité de l’incorporation de force. L’intéressé plaide la bonne foi et une erreur éditoriale, les Malgré-Nous une faute historique. L’arrêt de la Cour de cassation sera rendu le 16 octobre.
Le 4 septembre dernier, les présidents français Hollande et allemand Gauck rendaient hommage, à Oradour-sur-Glane, à la mémoire des 642 hommes, femmes et enfants massacrés le 10 juin 1944 par les SS de la division Das Reich, qui remontait vers le front de Normandie.
Les deux présidents encadraient Robert Hébras, 88 ans, l’un des rares survivants de ce crime de guerre. Le symbole du geste était comparable à celui de François Mitterrand et Helmut Kohl, se tenant par la main en 1984 devant l’ossuaire de Douaumont à Verdun.
Moins de deux semaines plus tard, on a eu confirmation hier que si la réconciliation franco-allemande a franchi un nouveau pas, les plaies restent à vif entre le Limousin et l’Alsace. La Cour de cassation examinait le pourvoi de Robert Hébras, condamné par la Cour d’appel de Colmar pour avoir émis des doutes sur le caractère forcé de l’incorporation d’office des Alsaciens et des Lorrains dans les Waffen SS. Dans son livre paru en 1992, intitulé Oradour-sur-Glane, le drame heure par heure , Robert Hébras écrivait que « parmi les hommes de main, il y avait quelques Alsaciens enrôlés soi-disant de force dans les unités SS ».
Le rescapé, engagé après le massacre dans la Résistance, avait nuancé son propos dans l’édition suivante, en 2004. Mais en 2008, un nouveau tirage du livre avait repris le texte initial et deux associations de Malgré-Nous alsaciens avaient porté plainte en diffamation. Elles avaient été déboutées en première instance, mais avaient obtenu satisfaction en appel : Robert Hébras et son éditeur ont été condamnés le 14 septembre 2012 à verser un euro symbolique et 10 000 € au titre des frais de justice.
Devant la Cour de cassation, l’avocate de Robert Hébras, Me Françoise Thouin-Palat, a plaidé la bonne foi du rescapé. « Il n’est ni journaliste, ni historien, ni écrivain, mais témoin , a-t-elle souligné. À ce titre, il est tenu à une obligation de sincérité, pas d’objectivité. » En outre, « il n’a jamais remis en cause la réalité de l’incorporation de force en Alsace-Moselle », n’évoquant que le cas des SS d’Oradour. L’avocate a également insisté sur « l’erreur » de l’éditeur qui a repris une vieille phrase de Robert Hébras sans le consulter.
L’avocat général, Christian Mellottée, a réclamé, lui aussi, la cassation de la condamnation. « La Cour européenne est très attentive au respect du droit d’expression » , a-t-il remarqué. Pour lui, Robert Hébras s’est exprimé « au conditionnel et au subjonctif » , « sans esprit de haine » et il a le droit d’émettre ses doutes. Élargissant son propos, l’avocat général a insisté : « Concernant l’histoire, je suis partisan d’une liberté totale. Ce n’est pas avec les lois mémorielles comme la loi Gayssot et avec la censure que l’on fait progresser la vérité. »
Défendant la position des associations de Malgré-Nous, Me Jean-Pierre Chevallier a considéré, au contraire, que la cassation de l’arrêt de la Cour d’appel laisserait « entière la dérive de la réalité historique et judiciaire » et pourrait « ouvrir la boîte de Pandore ». « M. Hébras est témoin du drame d’Oradour, mais pas témoin de l’incorporation de force , a-t-il souligné. Or, les 13 Malgré-Nous alsaciens d’Oradour condamnés en 1953 par le tribunal de Bordeaux ont été amnistiés huit jours plus tard par une loi qui précise clairement qu’ils ont été incorporés contre leur gré. »
L’arrêt de la Cour de cassation sera rendu le 16 octobre. S’il est favorable à Robert Hébras, comme le demande l’avocat général, il y aura un troisième procès en diffamation, dans une Cour d’appel. Soixante-dix ans, ou plus, après le massacre.
Source
Les Malgré-Nous ne pardonnent toujours pas à Robert Hébras, rescapé du massacre d’Oradour, d’avoir mis en doute la réalité de l’incorporation de force. L’intéressé plaide la bonne foi et une erreur éditoriale, les Malgré-Nous une faute historique. L’arrêt de la Cour de cassation sera rendu le 16 octobre.
Le 4 septembre dernier, les présidents français Hollande et allemand Gauck rendaient hommage, à Oradour-sur-Glane, à la mémoire des 642 hommes, femmes et enfants massacrés le 10 juin 1944 par les SS de la division Das Reich, qui remontait vers le front de Normandie.
Les deux présidents encadraient Robert Hébras, 88 ans, l’un des rares survivants de ce crime de guerre. Le symbole du geste était comparable à celui de François Mitterrand et Helmut Kohl, se tenant par la main en 1984 devant l’ossuaire de Douaumont à Verdun.
Moins de deux semaines plus tard, on a eu confirmation hier que si la réconciliation franco-allemande a franchi un nouveau pas, les plaies restent à vif entre le Limousin et l’Alsace. La Cour de cassation examinait le pourvoi de Robert Hébras, condamné par la Cour d’appel de Colmar pour avoir émis des doutes sur le caractère forcé de l’incorporation d’office des Alsaciens et des Lorrains dans les Waffen SS. Dans son livre paru en 1992, intitulé Oradour-sur-Glane, le drame heure par heure , Robert Hébras écrivait que « parmi les hommes de main, il y avait quelques Alsaciens enrôlés soi-disant de force dans les unités SS ».
Le rescapé, engagé après le massacre dans la Résistance, avait nuancé son propos dans l’édition suivante, en 2004. Mais en 2008, un nouveau tirage du livre avait repris le texte initial et deux associations de Malgré-Nous alsaciens avaient porté plainte en diffamation. Elles avaient été déboutées en première instance, mais avaient obtenu satisfaction en appel : Robert Hébras et son éditeur ont été condamnés le 14 septembre 2012 à verser un euro symbolique et 10 000 € au titre des frais de justice.
Devant la Cour de cassation, l’avocate de Robert Hébras, Me Françoise Thouin-Palat, a plaidé la bonne foi du rescapé. « Il n’est ni journaliste, ni historien, ni écrivain, mais témoin , a-t-elle souligné. À ce titre, il est tenu à une obligation de sincérité, pas d’objectivité. » En outre, « il n’a jamais remis en cause la réalité de l’incorporation de force en Alsace-Moselle », n’évoquant que le cas des SS d’Oradour. L’avocate a également insisté sur « l’erreur » de l’éditeur qui a repris une vieille phrase de Robert Hébras sans le consulter.
L’avocat général, Christian Mellottée, a réclamé, lui aussi, la cassation de la condamnation. « La Cour européenne est très attentive au respect du droit d’expression » , a-t-il remarqué. Pour lui, Robert Hébras s’est exprimé « au conditionnel et au subjonctif » , « sans esprit de haine » et il a le droit d’émettre ses doutes. Élargissant son propos, l’avocat général a insisté : « Concernant l’histoire, je suis partisan d’une liberté totale. Ce n’est pas avec les lois mémorielles comme la loi Gayssot et avec la censure que l’on fait progresser la vérité. »
Défendant la position des associations de Malgré-Nous, Me Jean-Pierre Chevallier a considéré, au contraire, que la cassation de l’arrêt de la Cour d’appel laisserait « entière la dérive de la réalité historique et judiciaire » et pourrait « ouvrir la boîte de Pandore ». « M. Hébras est témoin du drame d’Oradour, mais pas témoin de l’incorporation de force , a-t-il souligné. Or, les 13 Malgré-Nous alsaciens d’Oradour condamnés en 1953 par le tribunal de Bordeaux ont été amnistiés huit jours plus tard par une loi qui précise clairement qu’ils ont été incorporés contre leur gré. »
L’arrêt de la Cour de cassation sera rendu le 16 octobre. S’il est favorable à Robert Hébras, comme le demande l’avocat général, il y aura un troisième procès en diffamation, dans une Cour d’appel. Soixante-dix ans, ou plus, après le massacre.
Source