Opération Elmira

Les opérations aéroportées américaines en Normandie

Le plan de l’opération Elmira

L’opération Elmira (aussi connue sous l’appellation « mission Elmira ») est le troisième et dernier assaut de la 82ème division aéroportée le 6 juin 1944 sur la Normandie. Elle intervient chronologiquement après l’opération Boston (largage à 01h20 des parachutistes des trois régiments aéroportés) et l’opération Detroit (aéroportage de renforts embarqués à bord de 52 planeurs Waco atterrissant à compter de 04h00).

Le but d’Elmira est de transporter par planeur, à l’instar de Detroit, des renforts en personnels et en équipements au profit des parachutistes isolés depuis les premières heures du Jour J dans le Cotentin. En effet, ces derniers ont besoin d’armements lourds, de matériels et de munitions qui n’ont pu être parachutées lors de l’opération Boston. Elmira est la plus importante opération aérotransportée du Jour J.

L’atterrissage de ces nouveaux renforts aérotransportés est planifié pour le mardi 6 juin à 21h00 sur la zone d’atterrissage codée « W » (« landing zone » – LW – en anglais) située dans la région des Forges à deux kilomètres au sud de Sainte-Mère-Eglise, le long de la route nationale 13 (RN 13). Cette « landing zone » s’étend sur deux kilomètres de longueur et un kilomètre et demi de largeur. Elle est située au centre de l’aire des opérations des forces aéroportées américaines dans le Cotentin, s’étalant sur les secteurs de la 82ème et de la 101ème. Contrairement aux zones d’atterrissage des planeurs de la 6ème division aéroportée au nord-est de Caen, la LZ « W » est très compartimentée en plusieurs vergers et champs bordés de hautes haies ainsi que par des lignes d’arbres atteignant parfois les quinze mètres de hauteur.

Image : Les opérations aéroportées américaines pendant la bataille de Normandie Décollage d’un C-47 remorquant un planeur Horsa

36 planeurs CG-4A Waco et 140 planeurs Horsa remorqués par 176 Douglas C-47 appartenant à quatre Troop Carrier Groups (TCG) sont engagés dans l’opération. Dans le détail, 50 Dakota relèvent du 435th TCG basé à Welford, 50 du 436th TCG basé à Membury, 26 du 437th TCG basé à Ramsbury et 50 du 438th TCG basé à Greenham Commum. L’ensemble de ces appareils sont répartis au sein de quatre séries (« serials » en anglais), numérotées de 30 à 33.

La 30ème série (26 C-47, 18 Horsa et 6 Waco) est prévue d’atterrir à 21h10 et transporte la batterie C du 80th Airborne Anti-Aircraft Battery Battalion (AAB), des éléments de l’état-major du 80th AAB, des éléments du 82nd Airborne Division Artillery (ADA) et des éléments de la 82nd Airborne Signal Company (ASC).

La 31ème série (50 Dakota, 36 Horsa et 14 Waco) est prévue d’atterrir à 21h20 et transporte la 82nd Airborne Reconnaissance Platoon, des éléments de la 82nd ASC, des éléments de l’état-major de la division et des éléments de la 307th Airborne Medic Company (AMC).

La 32ème série (50 Dakota, 48 Horsa et 2 Waco) est prévue d’atterrir à 23h00 et transporte le 319th Glider Field Artillery Battalion (GFAB – le 319th GFAB embarque 418 soldats, 31 Jeep,  13 canons anti-char de 57 mm et plusieurs dizaines de tonnes d’équipements), des éléments du 320th GFAB, des éléments de la 307th AMC, la compagnie A du 307th Airborne Engineer Battalion (AEB) et des éléments de l’état-major de la 82nd ADA.

Enfin, la 33ème série (50 Dakota, 38 Horsa et 12 Waco) est prévue d’atterrir à 23h10 et transporte des éléments du 320th GFAB (le 320th GFAB embarque 319 soldats, une douzaine d’obusiers de 105 mm, 28 Jeep et 55 tonnes d’équipements).

Image : Les opérations aéroportées américaines pendant la bataille de Normandie Le cable de remorquage reliant le planeur au Dakota C-47

Au total, 1 190 personnels, 24 canons de 105 mm et de 75 mm, 13 canons de 57 mm et 67 Jeeps sont aérotransportés lors de l’opération Elmira. En raison de l’immense quantité de moyens déployés, la mission est divisée en deux temps afin d’éviter d’éventuels risques de collisions entre les appareils : la première est prévue de débuter peu après 21h00 avec les serials 30 et 31, la deuxième (serials 32 et 33) doit se dérouler juste après le coucher du soleil à 23h00.

En parallèle de la mission Elmira se déroule simultanément la mission Keokuk qui est le renfort par planeurs de la 101ème division aéroportée sur la LZ « E ».

Déroulement de l’opération Elmira

Les deux premières séries décollent de Grande-Bretagne le 6 juin 1944 à compter de 18h30. L’ensemble des éléments survole ensuite la presqu’île de Portland et se dirige vers les îles Saint-Marcouf afin d’éviter l’artillerie anti-aérienne allemande (la Flak) de la région de Cherbourg. Cependant, au moment de l’arrivée des serials 30 et 31, les Allemands tiennent encore une large zone entre Fauville et Turqueville qui se situe dans l’axe d’approche des planeurs jusqu’à la LZ « W » : le général Ridgway prend alors la difficile décision de dérouter l’ensemble des appareils engagés dans la mission Elmira vers la LZ « O ». Cette zone de saut est sécurisée par le 505th Parachute Infantry Regiment (PIR) et l’itinéraire d’approche fait éviter aux planeurs des zones trop dangereuses.

Image : Plan de l'opération Elmira

Plan de l’opération Elmira
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)


Image : Les opérations aéroportées américaines pendant la bataille de Normandie Vue aérienne du largage des planeurs au-dessus de la LZ « W » pendant l’opération Elmira

Ridgway tente de contacter par radio le général Collins qui se situe à bord de l’USS Bayfield au large d’Utah Beach pour lui demander de faire relais en vue de contacter les TCG, sans résultats. Il ordonne alors de faire baliser la LZ « O » en espérant que les pilotes de Dakota se déroutent d’eux-mêmes au nord-ouest de Sainte-Mère-Eglise. Mais les pilotes ont reçu comme ordre de rechercher la zone d’atterrissage à trois kilomètres de cette localité.

Image : Les opérations aéroportées américaines pendant la bataille de Normandie Les planeurs Horsa et Waco se succèdent sur les zones de poser

Les C-47 se présentent au-dessus du Cotentin à 150 mètres d’altitude et se préparent à larguer les planeurs au-dessus de la LZ « W » conformément au plan initial : tout est calme sur la zone d’atterrissage jusqu’à ce que les Horsa et les Waco soient à portée de tir des Allemands. Les combats au sol sont visibles depuis le ciel et de nombreux pilotes des planeurs décident de changer de secteurs autant que possible. Mais l’essentiel des séries 30 et 31 se pose sur la LZ « W ». Il en est de même pour les deux serials suivantes qui se posent respectivement à compter de 22h50 et 23h05.

Image : Les opérations aéroportées américaines pendant la bataille de Normandie Vue aérienne de la zone d’atterrissage couverte de planeurs Horsa et Waco

Les Allemands sont encore nombreux au nord de la LZ « W » au moment de l’atterrissage et ils s’infiltrent vers la zone de poser à compter de 21h00 : ils agissent par petits éléments dont les effectifs varient d’une équipe à une section. Certains planeurs se retrouvent isolés au milieu de soldats allemands, pris sous un feu violent, parfois même pendant leur phase d’approche.

Image : Les opérations aéroportées américaines pendant la bataille de Normandie Un planeur Horsa est inspecté après son violent atterrissage

Bilan de l’opération Elmira

Les pertes humaines sont importantes dans la mesure où 157 des 1190 soldats aérotransportés sont tués ou blessés lors de la phase d’atterrissage des planeurs (15 à bord des Waco et 142 à bord des Horsa). Les dégâts matériels sont également nombreux pour les TCG : 5 appareils sont perdus et 92 autres sont endommagés par les tirs allemands : 1 pilote de Dakota meurt et 8 sont blessés. Concernant les planeurs, 26 des 352 pilotes sont tués ou blessés.

Les planeurs délivrent leur précieuse cargaison en hommes et en matériels au profit des parachutistes de la 82ème division aéroportée avant le début de la première nuit passée en territoire occupé par l’ennemi. 131 tonnes d’équipements et de matériel sont transportés au profit des unités au sol en attendant le ravitaillement par la mer.

Image : Les opérations aéroportées américaines pendant la bataille de Normandie Un planeur Horsa qui bloquait la route est déplacé dans le fossé

L’opération Elmira, réalisée en plein jour pour deux des quatre séries, occasionne un effet psychologique non-négligeable à la fois au sein des rangs allemands et au sein des rangs américains : en effet, les Allemands observent leur adversaire se renforcer par des moyens non conventionnels grâce à leur maîtrise quasi-totale du domaine aérien, isolant encore plus les unités situées entre le littoral et les zones de largage. Inversement, pour les Américains, cette démonstration de force entraîne une hausse du moral avant la nuit.

La 82ème division aéroportée est encore renforcée par le parachutage de nouveaux personnels le lendemain 7 juin 1944 à compter de 6 heures du matin dans le cadre de l’opération Freeport.

Auteur : Marc Laurenceau – Reproduction soumise à l’autorisation de l’auteur – Contact Webmaster