Batterie de Crisbecq

Batteries allemandes du mur de l’Atlantique en Normandie

Image : Le Mur de l'Atlantique en Normandie - Batterie de Crisbecq

La batterie de Crisbecq et l’une de ses casemates protégeant un canon de 210 mm
Photo : US National Archives

Unité : Marine-Artillerie-Abteilung 260

Nom de code : MKB Marcouf / Crisbecq

Pièces d’artillerie : 3x 210 mm K39/40 Skoda

Issue : sous contrôle américain le 12 juin 1944

La batterie de Crisbecq est localisée dans le Cotentin à proximité du hameau de Crisbecq, sur une hauteur à 2 800 mètres du rivage. C’est la batterie la plus puissante de l’ensemble des défenses allemandes dans la région des plages du débarquement. Elle est également connue sous le nom de batterie de Saint-Marcouf.

Construction et composition de la batterie de Crisbecq

Sa construction débute en 1942 sous le contrôle de l’organisation Todt chargée de la mise en place des installations du Mur de l’Atlantique. Initialement composée de six pièces de 155 mm qui sont ensuite déplacées à proximité de Fontenay-sur-Mer, les Allemands souhaitent installer sur ce site quatre casemates de type Regelbau R683 abritant chacune un canon de 210 mm (des Skoda K39/40 d’une portée de plus de 30 kilomètres), dont les tirs sont commandés par un poste de direction.

Au printemps 1944, seules deux casemates R683 sont terminées et opérationnelles (même si les boucliers mobiles devant équiper les canons n’étaient pas encore en place) et trois canons de 210 mm seulement sont présents : les bombardements alliés qui s’accélèrent depuis le mois d’avril de la même année empêchent la bonne continuité des travaux. Le 5 juin 1944, une troisième casemate est encore en construction tandis que les travaux pour la quatrième n’ont pas même débuté. Les type Regelbau R683 s’avèrent être des constructions difficiles et coûteuses : elles nécessitent en effet chacune près de 100 tonnes d’acier et 2 000 mètres cube de béton. Un canon de 105 mm vient renforcer le dispositif général.

Par ailleurs, le site de la batterie de Crisbecq comprend pour sa défense anti-aérienne six canons de 75 mm d’origine française et trois canons de 20 mm. La protection des abords de la batterie est réalisée par l’installation de 70 mitrailleuses, mises en batterie aussi bien dans des tobrouks que sur de simples postes de tir. Un mur de barbelés ainsi que des champs de mines encerclent le site qui comprend un grand nombre de tranchées, d’abris pour la troupe et de soutes à munitions. La position d’artillerie côtière intègre également le poste d’observation de la batterie d’Azeville, distante d’environ deux kilomètres.

En juin 1944, la garnison de la batterie de Crisbecq est forte de 320 soldats sous les ordres de l’Oberleutnant Zur See (enseigne de vaisseau de 1ère classe) Walter Ohmsen.

La batterie de Crisbecq face au débarquement

A l’instar des autres batteries allemandes le long des côtes normandes, celle de Crisbecq est abondamment bombardée par l’aviation alliée dans la nuit du 5 au 6 juin 1944. 598 tonnes de bombes sont larguées : des dizaines de soldats allemands sont tués lors de cette attaque et tous les canons antiaériens ainsi qu’une des pièces de 210 mm sont détruits.

Aux premières heures du Jour J, des parachutistes américains appartenant au 502nd Parachute Infantry Regiment de la 101st Airborne Division prennent d’assaut le site de Crisbecq. Ces soldats, parachutés bien au-delà de leur zone de saut dans la région de Saint-Martin-de-Varreville, ont tenté le tout pour le tout mais se heurtent à la solide défense allemande : vingt d’entre eux sont faits prisonniers.

Image : Explosion d'un obus tiré sur les îles de Saint-Marcouf le 6 juin 1944 Explosion d’un obus tiré sur les îles de Saint-Marcouf le 6 juin 1944. Photo : US National Archives

A l’aube du 6 juin, à 5 heures 55, la batterie de Crisbecq ouvre le feu sur l’armada alliée présente au large d’Utah Beach, l’un des deux secteurs américains. Au même moment, un avion allié chargé de disperser un écran de fumée pour protéger les bâtiments de guerre autour des îles Saint-Marcouf, devant Crisbecq, est abattu par la défense anti-aérienne adverse. Les artilleurs de Crisbecq, disposant d’un bon visuel sur le destroyer, prennent alors pour cible l’USS Corry. Au moment exact du débarquement sur Utah, soit à 6 heures 33, des obus atteignent directement ce destroyer américain sous la surface de l’eau au niveau de la quille et il commence à sombrer.

Image : L'USS Corry pris sous le feu des batteries allemandes le 6 juin 1944 L’USS Corry pris sous le feu des batteries allemandes le 6 juin 1944. Photo : US National Archives

Les deux batteries allemandes de Crisbecq et d’Azeville concentrent leurs tirs sur le destroyer en perdition. L’un de ces obus touche les affûts des canons de 40 mm et fait exploser les munitions situées à proximité. A 6 heures 40 le commandant du navire, George Dewey Hoffman, donne l’ordre d’évacuation.

Vers huit heures, l’une des deux dernières pièces de 210 mm est mise hors de combat par les tirs des bâtiments de guerre américains USS Arkansas, USS Nevada et USS Texas. A neuf heures, un tir direct détruit le canon restant. Immédiatement après ces actions, les artilleurs allemands évaluent les dégâts sur les pièces et entreprennent si possible des réparations. L’une d’elles est remise en état le 8 juin mais les bâtiments de guerre alliés l’endommagent aussitôt.

Du 6 au 11 juin, les soldats allemands se barricadent sur le site de la batterie et subissent plusieurs attaques menées par des éléments de la 4ème division d’infanterie américaine qui a débarqué le Jour J à Utah Beach. Walter Ohmsen, renforcé par des observateurs d’artillerie et des soldats du 919. Infanterie Regiment, défend avec acharnement sa batterie et demande même aux canons de 105 mm d’Azeville de tirer sur sa propre position lorsque les assauts américains parviennent à atteindre le cœur de son dispositif. Il reçoit finalement l’ordre de rompre le contact et de quitter sa position qui est encerclée par ses adversaires.

Dans la nuit du 11 au 12 juin 1944, il quitte la batterie sans se faire déceler et parvient à rejoindre les lignes allemandes plus au nord avec 78 soldats. 21 blessés sont laissés dans la batterie, pris en charge par un infirmier volontaire. Ce sont les Américains du 39ème régiment de la 9ème division d’infanterie qui s’emparent sans combattre de la batterie de Crisbecq. Quelques jours plus tard, Ohmsen est décoré de la Croix de fer pour sa résistance de pratiquement une semaine face à la puissance militaire américaine.

Durant les semaines qui suivent la conquête de la batterie de Crisbecq, le génie militaire américain procède à des essais de résistance des casemates allemandes, utilisant de grandes quantités d’explosifs dont les effets occasionnent plus de dégâts que les bombardements.

Auteur : Marc Laurenceau – Reproduction soumise à l’autorisation de l’auteur – Contact Webmaster