Le Jour le plus Long

Filmographie de la Bataille de Normandie

Bande-annonce (VO)

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Critiques du film

Le film Le Jour le plus Long réalisé par Darryl F. Zanuck, Ken Annakin, Andrew Marton, Bernhard Wicki et Gerd Oswald est le premier long-métrage sur le débarquement de Normandie. Le titre est inspiré d’une phrase prononcée par le général Rommel, commandant le groupe d’armée B allemand dans le nord-ouest de la France lors du débarquement de Normandie. Beaucoup de critiques présentent ce film comme étant hyper-réaliste par rapport à l’histoire du « D-Day ».

Il est temps de remettre les choses à leur place : non, le film Le Jour le plus long n’est pas entièrement fidèle à la réalité historique du Jour J. Non, le film Le Jour le plus long n’est pas le meilleur film de guerre jamais réalisé, pour les raisons que je vais détailler ci-après. Mais alors pourquoi a-t-il eu tant de succès malgré un grand nombre d’erreurs historiques ? Comment a-t-il pu « légendariser » le débarquement de Normandie ?

Toutes les scènes du film ne sont pas erronées vis-à-vis de l’histoire. Il faut évidemment reconnaître que ce long-métrage de plus de trois heures est le seul présentant le débarquement de Normandie dans sa quasi-globalité. Il est regrettable de constater que certaines scènes ont été tournées avec beaucoup de liberté par rapport aux faits historiques, malgré la présence de vétérans dans les rangs des conseillers militaires. Ce film raconte bien le débarquement de Normandie, mais il le fait malheureusement irrespectueusement de l’Histoire.

Dans le cadre de mes recherches sur le débarquement de Normandie, j’ai rencontré le vétéran Maurice Chauvet, appartenant au premier bataillon de fusiliers marins (le fameux Commando Kieffer) et qui a débarqué le 6 juin 1944 sur Sword Beach. Dans le cadre de nos échanges, nous avons abordé le thème des films réalisés sur le Jour J. Il m’a expliqué le déroulement du tournage de ce long métrage auquel il a participé. En qualité de conseiller militaire (aux côtés d’autres vétérans du 6 juin 1944, et notamment Philippe Kieffer, chef du commando français), son rôle était de renseigner les réalisateurs ainsi que les acteurs sur les détails historiques et militaires du déroulement de l’opération Overlord. Mais, estimant que de trop nombreuses libertés vis-à-vis de l’histoire étaient prises par l’équipe du tournage, il a décidé de quitter l’équipe du film avant sa sortie en salles.

Les erreurs du film

Cherchant la vérité historique dans le détail, je souhaite présenter ces erreurs sur ce site internet, afin de rétablir certains faits qui pourraient être considérés à tort comme des réalités historiques. Voici quelques-unes des erreurs du film « Le Jour le plus long« .

L’histoire des troupes françaises réinventée

Le mardi 6 juin 1944, à l’aube, les troupes françaises libres sous les ordres du commandant Kieffer et appartenant au 1er B.F.M. Commando n°4 ont, entre autres, la mission de libérer la ville de Ouistreham, secteur Sword Beach. Maurice Chauvet prend part à l’assaut au sein de la section K Gun. Dans le film, les soldats français, qui débarquement en même temps que le sonneur Bill Millin, célèbre joueur de cornemuse de Lord Lovat, touchent le sol français à partir de péniches de débarquement américaines de type LCVP, datant pour la plupart des années 1960. En réalité, les soldats français ont débarqué en Normandie à partir de péniches dotées de deux rampes rétractables lancées à l’avant du navire, de type LCIs.

A gauche, un chaland type LCIs utilisé par le commando Kieffer à Sword Beach, à droite un chaland LCVP (pourtant baptisé “LCA“, qui est un autre type d’embarcation) utilisé dans le film Le Jour le plus long.

A gauche, un chaland type LCIs utilisé par le commando Kieffer à Sword Beach, à droite un chaland LCVP (pourtant baptisé LCA qui est un autre type d’embarcation) utilisé dans le film Le Jour le plus long.

Une fois sur la plage, les commandos français doivent notamment s’emparer du casino, anciennement une grande bâtisse luxueuse, mais que les Allemands ont détruit avant le Jour J pour y installer un véritable fortin sous casemate. Jamais le casino n’a été un bâtiment à étages comme on peut le voir dans le film : c’est un blockhaus de béton protégé par des mitrailleuses et des canons antichars de trois à quatre mètres de hauteur maximum.

Dans le film, lors de l’attaque du casino (qui a été filmé à Port-en-Bessin), des religieuses s’approchent des combats et commencent à soigner les troupes pendant la bataille. Mais il n’y a jamais eu de religieuses à ce moment et à cet endroit de l’attaque.

Maurice Chauvet raconte : « Le casino n’était en fait qu’un blockhaus d’où tiraient les Allemands. Jamais il n’y a eu de grande baraque haute de 80 mètres, ni de sœurs en pleine bataille ! Avant le débarquement, les Allemands ont détruit le casino et ont coulé du béton à la place. Aujourd’hui, ce blockhaus a été détruit. »

Bunker Casino OuistrehamPhoto du bunker du casino ayant été attaqué le 6 juin 1944 par les Français à Ouistreham Riva-Bella
Photo du bunker du casino ayant été attaqué le 6 juin 1944 par les Français à Ouistreham Riva-Bella. 

Sainte-Mère-Eglise

Dans les premières heures du mardi 6 juin 1944, lorsque les troupes aéroportées des 82ème et 101ème divisions américaines sont parachutées au-dessus de la Normandie, de nombreuses unités se retrouvent larguées au mauvais endroit, parfois à plus de quarante kilomètres de leur objectif (on retrouve, par exemple, des parachutistes américains de la 101st Airborne Division près de la Pointe du Hoc). Certaines unités sont parachutées au-dessus de Sainte-Mère-Eglise, et le film « Le Jour le plus long » a immortalisé John Steele, resté accroché au clocher de l’église pendant près de quatre heures.

Dans ce passage du film, plusieurs dizaines de parachutistes américains tombent sur la place du village et engagent alors à cet endroit de terribles corps à corps avec les Allemands. Mais en réalité, les paras tombés sur la place du village se comptent sur les doigts de la main : la plupart des soldats aéroportés arrivent dans des jardins ou dans des ruelles aux environs de la place de l’église. On assiste donc une fois de plus à une théâtralisation de l’histoire du Jour J, et même dans ce cas précis à une dramatisation des faits.

La ruée magistrale

Les débarquements sont montrés de manières très peu réalistes. Notamment à Omaha Beach, les hommes ne semblent être arrêtés que par un mur de béton (bien plus imposant que sa taille réelle). Les premières vagues d’assaut ont été anéanties à plus de 90% dans les premières minutes de l’assaut.

Lorsque, dans le film, deux avions de la Luftwaffe attaquent en piqué les plages de Gold et de Juno, les soldats Alliés avancent vers l’intérieur des terres sans être vraisemblablement arrêtés par quoi que ce soit. En réalité, les troupes anglo-canadiennes sont accueillies par des tirs extrêmement nourris qui les ont retardé et les Alliés accusent de très nombreuses pertes le Jour J, en particulier sur Juno Beach.

La plage de Saleccia en Corse, où fut tourné le débarquement d'Omaha Beach pour Le Jour le plus long

La plage de Saleccia en Corse, où fut tourné le débarquement d’Omaha Beach pour Le Jour le plus long

La plupart des barges utilisées dans le film sont des péniches de débarquement de l’armée américaine datant de 1960, des barges modernes à l’époque du tournage (tournage réalisé sur la plage de Saleccia en Corse) et qui comportent un grand nombre de différences vis-à-vis des chalands de débarquement utilisés en 1944 lors du débarquement de Normandie.

Des symboles plutôt que du réalisme

Quels enseignements pouvons-nous tirer de ce film ? Ce qui doit être retenu, c’est qu’il transmet des symboles plutôt que des photographies exactes des événements du 6 juin 1944 : l’obstacle d’un mur qui, une fois percé, permet à toute la plage d’Omaha d’évacuer les troupes symbolise la difficulté américaine à cet endroit, mais ne témoigne pas de la stricte réalité. « Le Jour le plus long » met en image des phrases cultes, des moments clés et mémorables du débarquement pour en donner une idée générale.

Il faut également voir dans « Le Jour le plus long » une œuvre inscrite dans son époque : 1962. En pleine crise de Cuba, symbole de la Guerre Froide, l’Amérique cherche à retrouver confiance et réveille le souvenir d’une guerre juste, gagnée avec le concours de ses alliés. Les réalisateurs déploient pour ce film l’artillerie lourde du cinéma américain : Richard Burton, John Wayne, Henry Fonda ou encore Robert Mitchum : symboles charismatiques d’une Amérique victorieuse, au moment où elle en a le plus besoin. La fidélité historique passe au second plan : il faut des victoires, l’aide des alliés, et si apparaissent des obstacles (comme Omaha Beach), il faut mettre l’accent sur le courage des hommes qui, dans l’adversité, s’en sortent.

Concernant l’évolution de la violence des scènes de guerre, ce film ne témoigne que très légèrement l’atrocité de la guerre par rapport à ce que nous sommes habitués à voir sur nos écrans aujourd’hui. A l’époque du tournage, dans les années 1960, les scènes de combat du film sont considérées comme difficiles, alors que nos yeux de spectateurs contemporains sont habitués à bien plus de violence. Le principe de réalisme absolu des films de guerre est apparu à la fin du XXème siècle, dans les années 1990. Les deux principaux exemples sont Il faut sauver le soldat Ryan et Band of Brothers : ces films montrent une guerre cruelle, violente, qui coupe la respiration. Désormais, le réalisme historique est prioritaire, aussitôt suivi du réalisme des combats, ce qui n’était pas le cas au moment du tournage du film « Le Jour le plus long ». Mais peut-être a-t-il fallu attendre plus de 50 ans après les événements pour pouvoir accepter d’aller voir la Seconde Guerre mondiale au cinéma, de manière crue et sans fioriture.

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Auteur : Marc Laurenceau – Reproduction soumise à l’autorisation de l’auteur – Contact Webmaster