
Un groupe de malades et religieuses du Bon Sauveur sur les chemins de l'exode en juin 1944.
Le 29 septembre, le Bon Sauveur fêtera ses trois siècles de présence à Saint-Lô. A cette occasion, la communauté publiera un livre, Regards croisés sur 300 ans d'histoire, nourri de nombreux documents. Parmi eux, des témoignages, extraits de cahier quotidien des religieuses ou médecins de l'hôpital, permettent d'imaginer les épreuves endurées par la communauté à partir du 6 juin 1944.
« Lorsqu'arrive juin 44, écrit notamment le docteur Michel Guibert, l'hôpital du Bon-Sauveur a traversé les années de guerre sans difficulté majeure. » Le 4 juin, « fête de la Sainte-Trinité et communions solennelles, a consigné soeur Doos, directrice des établissements scolaires, journée relativement calme». Cependant, les rumeurs d'un débarquement imminent incitent les soeurs à renvoyer les élèves dans leurs familles.
Au matin du 6 juin, restent dans les bâtiments 89 religieuses, 59 employées et 600 malades mentales, « dont certaines de Seine-Maritime, venues se réfugier ici », commente soeur Colette Bence, actuelle supérieure de la communauté. Un premier bombardement touche la ville. A partir de 17 h, décision est prise de s'abriter dans les caves. Dans le même temps, des blessés affluent à l'hôpital. « Des matelas sont alignés par terre dans les bâtiments encore débout. » A partir de 20 h, l'enfer s'abat sur le Bon Sauveur, et durera 36 heures. « Trois soeurs sont retrouvées mortes dans les décombres, ainsi que trois malades. On décomptera 1 100 lits détruits par l'incendie», a calculé soeur Bence.
« L'ordre est donné d'évacuer »
Le 7 juin, pendant une accalmie, les enfants du pensionnat sont évacués à la Chapelle-sur-Vire. Les malades et la communauté demeurent dans les caves, avec pour seuls biens, les vêtements qu'elles portent.
Le 8 juin au matin, « l'abbé Leloup célèbre la sainte messe de la Fête Dieu dans la cave, a relaté soeur Doos. Les avions nous survolent sans cesse. Certaines communient deux fois. » Les bombes incendiaires pleuvent encore : le Bon Sauveur est en feu. « L'ordre est donné d'évacuer », écrit le docteur Michel Guibert. Le Hutrel constituera la première étape d'un exode qui mènera une partie des religieuses et malades jusqu'en Mayenne. Les 600 malades sont répartis en groupe de 60 à 70, selon leur état de santé, placés sous la surveillance des religieuses. Les vaches de la ferme du Bon Sauveur sont également du voyage.
Retour deux mois plus tard
Cet exode sera émaillé de nombreuses péripéties, « le souci quotidien étant de trouver à manger, évoque l'actuelle supérieure. Certaines religieuses ou malades n'ont pu changer de vêtements qu'une fois revenues en Normandie. » Environ deux mois plus tard, « une partie des exilés s'installe à Canisy, dans le château mis à disposition par le comte de Kergolay.» Les cours ont redémarré à l'automne dans le Val de Saire, « seules les classes primaires sont revenues à Saint-Lô, un temps établies dans la caserne ». A la fin de la guerre, mère Jouvet a établi les déclarations de sinistre pour le Bon Sauveur : « Quelque 900 dossiers ! J'imagine qu'elle a dû y passer des nuits entières. »
Un article publié le 5 juin 2012 sur le site Ouest-France.fr : http://www.ouest-france.fr/actu/actuLoc ... d_actu.Htm