Quand l'abbaye de la Trappe était transformée en hôpital de l’armée allemande

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Marc Laurenceau
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Quand l'abbaye de la Trappe était transformée en hôpital de l’armée allemande

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Le réfectoire de l'abbaye de la Trappe était devenu une énorme salle d’hôpital (©Laurent Rebours)

Source : Le Perche
Date : 16 novembre 2018
Lien : https://actu.fr/normandie/soligny-la-tr ... 81226.html

Dans le silence des lieux qui ont traversé les siècles et donc les affres de l’Histoire, Père Robert et Frère Paul accueillent Gérard Gosset. Celui qui en est déjà à son quatrième ouvrage est comme chez lui à l’abbaye de la Trappe à Soligny-la-Trappe (Orne).

Arrivé en octobre 1944, pour voir si l’abbaye était encore debout !
Auteur, passionné d’histoire, organisateur du Salon du livre du Perche, Gérard Gosset sort ces jours-ci son dernier livre, L’Abbaye de la Trappe de 1939 à 1945. Un recueil très détaillé qui se dévore comme un journal de bord, truffé d’anecdotes, de ces petites histoires qui font la grande. Et parmi ces histoires ont y découvre notamment que l’abbaye s’est métamorphosée en énorme hôpital de campagne pour accueillir les blessés du Débarquement.

A l’origine de sa démarche, en 2009, Gérard Gosset se rapproche du Père Robert. Infatigable nonagénaire, intarissable conteur sur sa communauté, il est arrivé en octobre 1944 à La Trappe, venant de la région parisienne, « pour voir si l’abbaye était encore debout ! »

A 19 ans, le jeune Trappiste est en effet missionné pour rendre compte des dégâts qu’aurait pu subir l’abbaye et, au regard de ce qu’a vécu la Normandie, il n’est guère confiant. Mais une fois sur place il est agréablement surpris en la découvrant intacte.

Quand je suis arrivé sur place j’en ai profité pour questionner tous les moines de l’abbaye pendant que leur mémoire était encore fraîche ! » confie Père Robert. « J’ai consigné leurs retours, leurs anecdotes, ce qu’ils ont vécu durant quatre années d’Occupation. Tout ce qui concerne la guerre est d’ailleurs enregistré à la cote 819 des archives de l’abbaye ».

Autant dire que Gérard Gosset, ayant eu connaissance de cette démarche de collecte, s’appuie sur elle.

Je me suis rapproché du Père Bruno, aujourd’hui âgé de 98 ans, qui a été présent durant toute la durée de la guerre, ce qui permet de retrouver plusieurs approches de ces événements dans un même lieu, comme celles de l’hôtelier, des voisins… »

Pour frère Paul, archiviste de la communauté, la configuration même de ce lieu clos a fait que le voisinage ignorait tout de ce qui pouvait se passer à l’intérieur des murs. « Du coup, les spéculations allaient parfois bon train, imaginant une collaboration avec l’occupant ».

Bien au contraire, le Père Abbé de l’époque prend de très gros risques par des actes de Résistance. « Il a hébergé des réfractaires, des résistants, tout en faisant attention à sa communauté ».

En 1943, un régiment des Jeunesses hitlériennes prend possession du site. Ce régiment fanatisé revient de Russie, ils voient dans les hangars et dans l’ensemble des lieux de quoi stocker leur matériel et le sécuriser facilement.

Les soldats investissent la première partie de la Trappe, laissant la partie monastère à la communauté. Mais pour le frère portier, le spectacle est fort peu adapté à sa règle de vie. « C’était un défilé permanent de soldats mais également de femmes de réconfort ! »

Avec l’offensive alliée sur le front de Normandie les troupes sont sur des charbons ardents. Le régiment projette de faire sauter l’abbaye mais c’était sans compter sur un médecin-chef de l’armée allemande qui lui trouve une utilité insolite.

Le 1er août 1944, les couloirs de l’abbaye, le réfectoire, la moindre salle… sont investis et transformés en un immense hôpital de campagne. D’énormes croix rouges barrent le toit ce qui sauvera les bâtiments de bombardements, « c’est quand même un petit miracle que le site n’ait pas été bombardé car c’était un nid d’Allemands ! ».

Près de six cents lits sont disposés, une salle d’opération est installée, une salle de radiographie prend place dans une chapelle sombre, des groupes électrogènes sont disposés un peu partout. Détail macabre, des ossements provenant d’amputations ont été retrouvés après guerre dans une fosse commune.

Durant douze jours l’effervescence dans l’abbaye est à son paroxysme. La tension aussi avec ici et là les actions de la Résistance ou des Alliés.

Le 12 août 1944, en une journée, tout est soudain intégralement démonté et la troupe part en catastrophe dans la nuit. Grâce à un moine parlant l’allemand, la communauté réussit à rester sur place alors qu’il était prévu qu’elle parte.

En une année d’Occupation de nombreuses anecdotes ont parsemé la vie monastique.

De l’employé braconnant qui se fait tirer dessus par une patrouille au contremaître de la scierie voisine qui se fait réquisitionner avec sa camionnette pour amener des munitions sur le front mais qui abandonne son véhicule et se le fait incendier, en passant par le moine trafiquant les bons d’essence…

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Un site clos qui a donné lieu à toutes sortes de spéculations durant la guerre (©Laurent Rebours)

L’une des plus croustillantes concerne un moine à qui un Allemand intime l’ordre de descendre à la cave pour récupérer du cidre. « Si je ne craignais pas Dieu tu ne sortirais pas vivant d’ici » ose le moine à l’adresse du soldat… C’était sans savoir que ce dernier parlait parfaitement le français et qui lui rétorque : « Il y a toujours autant de beau monde dans cette cave ! »

Enfin, que dire de ce moine à qui un soldat, arrivé en vélo, veut réquisitionner un véhicule à gazogène. « D’accord, mais il faut une demi-heure de chauffe, prête moi ton vélo, je dois aller chercher ce qu’il faut à la maison… » Autant dire que le moine et la bicyclette ne sont jamais revenus.
Marc Laurenceau
Webmaster du site DDay-Overlord et du forum
Auteur du livre Jour J Heure par Heure

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