La propagande allemande à Calais de 1940 à 1944

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Marc Laurenceau
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La propagande allemande à Calais de 1940 à 1944

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C'est en s'appuyant sur une documentation impressionnante, qu'il aime à partager avec le public, que l'historien local Jean-Henri Gardy poursuit son cycle de conférences sur le thème la Seconde Guerre mondiale à Calais. La propagande était au coeur de son intervention de ce vendredi 22 novembre : comment l'occupant allemand et ses soutiens ont-ils tenté de manipuler l'opinion calaisienne ? Quelles ont été les ripostes de la part des résistants de l'intérieur et des Alliés ?

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Militaire passant devant des affiches pour la Légion Tricolore pendant la Deuxième Guerre mondiale, photographie prise rue Chanzy.

Musée Mémoire et fonds privés
Le musée Mémoire constitue un très riche vivier où ce passionné a pu par exemple puiser de nombreuses affiches éditées par le maire de Calais de l'époque à l'intention de la population. Jean-Henri Gardy mène également depuis longtemps une quête inlassable en vue de glaner des documents provenant de collections privées : il retrouve ainsi parfois de véritables " pépites ", tels ces deux tapuscrits relayant des informations montrant la prochaine victoire des Alliés, confectionnés par Mme Leuliette au péril de sa vie, alors qu'elle vivait rue du Château d'Eau durant l'été 44.
Mais les documents issus de la Résistance sont difficiles à recueillir, car, produits de façon souvent artisanale, ils sont moins nombreux, et surtout ils devaient circuler de façon secrète, ce qui n'a pas facilité leur conservation. La Propagandastaffel, en revanche, fut très prolixe et a mené, dès le début de la guerre, une campagne massive de déstabilisation des esprits français, par l'image et par la radio. Elle fut en cela relayée par Le Phare de Calais, dont les gros titres vantaient les glorieuses victoires de l'Allemagne, même en plein hiver 1942, alors que la déroute était bien réelle à Stalingrad. A Calais, on captait Radio-Paris où les animateurs se faisaient complaisamment l'écho des idées haineuses et des informations biaisées répandues par les nazis.

Propagande noire et
" civisme de la délation "
On connaît la bataille des ondes qui s'est livrée entre la BBC et les services allemands, lesquels ont tenté par tous les moyens - du brouillage aux perquisitions chez l'habitant - d'empêcher les Français d'entendre la voix de la Résistance et des Alliés. On connaît moins l'existence d'une station nommé soldatensender Calais : se faisant passer pour une station de l'armée allemande, c'était en réalité un instrument de propagande noire aux mains des Britanniques qui diffusaient de la musique de jazz, des informations sportives susceptibles d'intéresser les militaires allemands. Fonctionnant de dix-huit heures au lever du soleil, cette radio distillait des éléments propices à faire baisser le moral de ces militaires ou à les tromper : ainsi, le 6 juin 1944, Soldatensender Calais répandit le bruit que l'aire d'invasion des Alliés était bien plus vaste qu'en réalité. Après la libération de Calais, la radio fut rebaptisée Soldatensender West.
Georges François, nommé maire de Calais après la destitution d'André Gerschel qui était de confession juive, cosigna de nombreux appels à la population, de concert avec l'autorité allemande. C'est ainsi qu'il offrit une prime de 100 000 francs à toute personne susceptible de fournir des informations concernant les auteurs d'un attentat perpétré le 6 janvier 1943 au café du Cygne, au cours duquel un soldat allemand et une civile calaisienne furent blessés par un jet de grenade. Cette invitation à une " délation citoyenne " au service de l'occupant témoigne de la pression constante exercée par les autorités, y compris françaises, sur les consciences.

Des images et des insignes
Entre 1940 et 1944, l'Allemagne cherche non seulement à asservir les esprits, mais aussi à exploiter les corps, pour le travail ou pour le combat. Les murs de Calais se tapissent d'affiches prônant l'intérêt d'aller travailler outre-Rhin où les salaires permettent de faire vivre confortablement sa famille, et d'affiches incitant les jeunes hommes à s'engager dans la Légion Tricolore ou encore la LVF. D'après Jean-Henri Gardy, moins d'une dizaine de Calaisiens suivirent cet appel.
Au fur et à mesure de l'évolution de la guerre, les Alliés larguent de plus en plus de tracts dénonçant la politique nazie et la faiblesse de l'Allemagne.
La célèbre photographie d'un canon de la batterie Lindemann de Sangatte a beau être publiée dans tous les magazines allemands à succès - magazines que les vendeurs de journaux calaisiens sont tenus de proposer à leurs clients - on sent bien que le vent de la propagande tourne. Pour preuve le fait que le fameux V de la Victoire lancé par Churchill ne soit plus, à la fin de la guerre, effacé des murs par les Allemands, mais qu'ils essaient de le détourner à leur profit... en vain !
Il faut savoir parfois regarder attentivement autour de soi, nous conseille Jean-Henri Gardy. Sur l'un des murs du collège République, rue de Vic, on trouve, pas tout à fait effacée, une trace de cette contre-propagande ratée : le V de la résistance, soigneusement dessiné au pochoir, y est entouré d'une couronne de lauriers censée transfigurer cet insigne en marqueur glorieux du III° Reich ! Rue Chanzy, on peut encore aussi apercevoir sur un mur trois initiales qui étaient celles du Parti Populaire Français, de triste mémoire... Cette conférence proposée par les Amis du Vieux Calais était la dernière de la saison à se dérouler dans l'auditorium du Musée des Beaux-Arts, qui va fermer ses portes pour rénovation. L'association organisera sa prochaine conférence le vendredi 13 décembre à l'auditorium de la Cité de la Dentelle: Stéphane Curveiller et Philippe Cassez évoqueront le passage de Jean II le Bon à Calais et donc l'époque médiévale. Un rendez-vous à ne pas manquer.

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Marc Laurenceau
Webmaster du site DDay-Overlord et du forum
Auteur du livre Jour J Heure par Heure

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