Corrida, la championne à la funeste destinée

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Marc Laurenceau
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Corrida, la championne à la funeste destinée

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Parmi les vainqueurs de l’Arc de Triomphe figure Corrida, une lauréate fantastique, et par deux fois, en 1936 et 1937. Elle connut pourtant une fin de vie sous forme de point d’interrogation, disparue sans trace de son haras en Normandie le 6 juin 1944, au moment du débarquement américain…

La saga des chevaux de légende dépasse parfois le cadre des seules courses. C’est le cas pour Corrida, au palmarès superbe sur les pistes, mais dont la vie fut aussi un témoignage de son époque. En fait, en recherchant des renseignements et anecdotes pour écrire cet article, je me dis que le sujet pourrait valoir une fouille plus approfondie et un véritable livre. La vie de cette jument de course est un véritable roman.Corrida est née en 1932. Elle est issue d’un élevage reconnu à cette époque, celui de Marcel Boussac, grand patron dans le textile (alors florissant) en France, et ayant jeté son dévolu sur l’hippisme (rien que cet aspect mériterait un développement plus important…). Le père de Corrida, Coronach, est un étalon anglais déjà bien utilisé, et sa mère, Zariba, voit tout de même aujourd’hui un prix portant son nom, le prix Zariba donc, se dérouler à Saint-Cloud début novembre. Et surtout cette Zariba est elle-même issue d’un étalon reconnu à l’époque, Sardanapale. Corrida a donc de qui tenir.

Dès l’âge de 2 ans, Corrida remporte sa première course d’envergure, le prix Morny 1934. Elle termine aussi deuxième du Grand Critérium, course qui s’appelle aujourd’hui prix Jean-Luc Lagardère. Pour ses 3 ans, en 1935 donc, Marcel Boussac décide de l’envoyer en Angleterre, espérant aller y conquérir avec elle les derbys les plus prestigieux. Entraînée désormais à Newmarket, la belle alezane montre alors son caractère et qu’elle ne se plaît pas Outre Manche, n’obtenant aucun résultat probant, au contraire. De fait de retour en France, Corrida se refait une santé à Marseille, sur l’hippodrome de Borély, qui accueille en ces temps le Grand prix de Marseille, renommé. Corrida le remportera d’ailleurs à deux reprises, en 1935 donc, mais aussi en 1936. Mais restons encore sur la fin de l’année 1935, avec sa première participation au prix de l’Arc de Triomphe, et une troisième place appréciée. Double vainqueur du prix de l’Arc de Triomphe En 1936, Corrida prend la dimension internationale tant espérée par son entourage. Elle a 4 ans, et s’impose en Angleterre, sur l’hippodrome d’Ascot, ainsi qu’en Belgique, sur l’hippodrome d’Ostende. A ces voyages réussis dans une Europe d’avant-guerre en pleine mutation, il faut ajouter plusieurs courses françaises, dont le Grand prix de Saint-Cloud… et surtout le célébrissime prix de l’Arc de Triomphe ! En 1937, elle a alors 5 ans, Corrida poursuit cette fabuleuse quête de victoires en répétant à Ostende, mais aussi dans le prix de l’Arc de Triomphe ! Un exploit rarissime, que seuls quatre chevaux ont réussi jusqu’à nos jours. Et, c’est aussi cette course qui me fait penser qu’elle mérite un livre, elle remporte également le Grosser Preis von Reichshauptstadt, à Berlin… Je vous laisse imaginer ce que pouvait à cette époque représenter une victoire d’une jument française à Berlin, pour l’un des rares groupes I allemands, rebaptisé depuis plus modestement Deutschland Preis… Là, j’aurais aimé chercher davantage et pouvoir décrire plus en détails le contexte de cette course, forcément extraordinaire… Sportivement, sachez que Corrida fut élue « cheval de l’année » en Europe en 1936 et 1937. Après sa carrière de course, Corrida s’est donc retirée dans un haras normand, celui de Marcel Boussac bien sûr, le haras de Fresnay-le-Buffard. Saillie par le champion Tourbillon, elle donne Coaraze, qui remporta notamment le prix du Jockey Club en 1945. Ce Coaraze est l’unique continuateur de Corrida (il fut d’ailleurs sans doute sur-utilisé par rapport à ses résultats réels d’étalon), puisque, devenue poulinière, Corrida disparut, probablement tragiquement, le 6 juin 1944, date du débarquement des Alliés sur les plages normandes. Elle qui avait sillonné l’Europe d’avant-guerre dans sa carrière de course, a donc aussi connu l’Occupation depuis son haras normand mais en étant relativement protégée (l’industriel textile Marcel Boussac avait choisi d’équiper en uniformes la marine de guerre allemande pour pouvoir poursuivre son activité)…

Elle assista également aux limites d’une éventuelle collaboration lorsque ce même Marcel Boussac se vit retirer Pharis, son plus bel étalon, emmené par les Allemands. Et surtout, elle disparut elle-même de manière totalement inaperçue ce fameux jour trop riche en événements et en dizaines d’être humains morts pour que l’on s’attarde sur le pauvre sort d’un cheval. La rumeur, invérifiable mais dont j’ai trouvé trace sur le net, a voulu qu’un soldat allemand voulant s’enfuir l’ait enfourchée avant de l’abattre, dans des circonstances restées floues. Evidemment, ces jours-là connurent bien des malheurs ou bonheurs et ma remarque peut sembler dérisoire, mais Corrida a sans aucun doute manqué à l’élevage français. Le monde hippique lui rend hommage à travers un prix Corrida, qui se court depuis 1950 à la mi-mai sur l’hippodrome de Saint-Cloud. A l’origine groupe III, cette course est devenue un groupe II en 2004.

Un article paru dans : JDD.fr, le 29 septembre 2011
Marc Laurenceau
Webmaster du site DDay-Overlord et du forum
Auteur du livre Jour J Heure par Heure

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