Voici une autre histoire de deux Alsaciens incorporés de force dans la Waffen SS en Normandie :
Ils étaient compagnons de galère, incorporés de force dans la division Das Reich, de la Waffen SS, appelés à se battre en Normandie. Ils ont tous deux tenté de déserter. René a été tué par les Américains, Armand sauvé par un docteur.
Délégué à la mémoire régionale depuis 2008, Alphonse Troestler a participé, en août 2011, à Agon-Coutainville (Manche), à une conférence sur les Malgré-Nous en Normandie ; il y était notamment accompagné du vice-président du conseil général du Bas-Rhin (et historien) Jean-Laurent Vonau. Cette réunion, à laquelle une cinquantaine de personnes étaient attendues, mais qui en a attiré quatre fois plus, a servi de prélude à la création de la Snifam par Jean Bézard (voir plus haut et le message suivant).
Alphonse Troestler avait été sensibilisé au sort de ces Alsaciens opposés aux troupes du Débarquement alors qu’il était maire de Rosheim. En 1995, il avait inauguré une nouvelle plaque du monument aux morts de sa commune recensant toutes les victimes de guerre ; des oublis avaient été signalés, et réparés dès l’année suivante.
Parmi ces noms rajoutés figurait celui de René Sorgius.
Né le 16 février 1926, cet enfant du village est versé en février 44 dans la division des Waffen SS Das Reich, et précisément dans le régiment Der Führer dont une autre compagnie que la sienne est responsable de la tragédie d’Oradour.
Le 7 juillet 44, alors qu’ils combattent à Angoville-sur-Ay (Manche), Sorgius et des camarades alsaciens décident de déserter. « Ils étaient une demi-douzaine de Malgré-Nous , raconte Alphonse Troestler. Après un combat, ils prennent le risque de ne pas se replier pour attendre les Américains dans un trou et se rendre. Mais ils ont été retrouvés par leurs camarades tués par les Alliés, tenant encore des mouchoirs blancs dans leurs mains… »
Parmi ces camarades de Sorgius se trouvait Armand Durlewanger, 18 ans, originaire de Bitschwiller-lès-Thann. Dès ses 16 ans, ce SS malgré-lui avait été envoyé au camp de Schirmeck pour avoir refusé d’aller dans les Jeunesses hitlériennes et distribué des tracts anti-nazis… Avec son ami Joseph Meyer, Armand avait hésité à déserter ainsi… Les deux hommes tentent finalement leur chance peu après, par l’arrière, alors qu’ils sont de corvée de munitions. Cette cavale est brève : ils sont arrêtés, condamnés à mort… et miraculeusement sauvés par un bombardement allié !
Alphonse Troestler, délégueé à la mémoire régionale, tenant le portefeuille troué du malgré-nous René Sorgius, tué par les Américains alors qu'il voulait se rendre. Cet objet avait été récupéré sur sa dépouille par son ami Armand Durlewanger
Repérés par le curé d’Agon-Coutainville, ils sont conduits dans un hôpital provisoire. Là, d’autorité, le docteur Henri Guillard fait plâtrer la jambe d’Armand et enturbanner la tête de Joseph. Ce ne sont plus que des blessés ordinaires… Mais voici que, le 21 juillet, les Allemands fouillent l’endroit. Le docteur a du sang-froid et de l’à-propos ; quand ils passent devant la chambre des deux Malgré-Nous, il leur lance : « Ici, ce sont des cas de typhus. Entrez si voulez, mais sans moi ! » Les Allemands n’entrent pas…
Armand et Joseph s’engagent ensuite dans l’armée française, et libèrent Mulhouse, participent à la bataille de la Hardt… Armand Durlewanger, qui vit toujours à Colmar, a poursuivi son parcours extraordinaire (raconté dans un portrait paru dans nos colonnes le 27 juin 2011) en remettant notamment en valeur le site du Linge, champ de bataille de la Première guerre.
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