Après ce petit repos, la compagnie F fut envoyée au nord, entre Nimègue et Arnhem.
Pour atteindre sa destination, la compagnie F dut traverser une zone tenue par la 82ème division aéroportée. Le 3 octobre au soir, ils campèrent une nuit dans une zone très boisée ou les arbres avaient été récemment déchiquetés par les obus puis ils repartirent le lendemain matin. A partir de là, des camions les embarquèrent pour les amener dans une zone entre la confluence du Bas-Rhin et de la rivière Waal, près de Nimègue. Cette zone fu surnommée « l?île » par les soldats. Pour atteindre l?île, les camions s?élancèrent sur le pont de Nimègue tandis que les canons allemands leur tiraient dessus. Le pont était long mais tout se fit en bon ordre et tout le monde passa de l?autre côté sain et sauf. Par la suite, les camions tournèrent à gauche, vers l?ouest, et prirent la direction de la petite ville de Zetten ou le convoi s?arrêta.
Les hommes de la compagnie F quittèrent Zetten en suivant une digue près du Rhin. A la différence des rivages plats des Etats-Unis, la plupart des rivières hollandaise étaient entourées de chaque côtés par deux énormes digues. La plupart du temps, il y avait une route en haut de ces digues.
Plus loin à l?ouest de cette rivière, le 1er bataillon avait engagé le combat et les pertes étaient terribles. Les deux jours suivants (5 et 6 octobre) furent éprouvants. La compagnie F continua sa route sur la digue jusqu?à une petite ville appelée Heteren qu?elle atteignit le 6 octobre juste avant la nuit. Le Lt. Thomas, commandant de la 2nde section, plaça le PC dans une maison derrière la digue, au centre de la ville. Pour protéger les flancs du PC, le plan était de placer Taylor à gauche avec son peloton et lui-même irait à droite. Il fallait également avertir les autres de cette position. L?idée était de créer un lien entre les deux groupes pour qu?aucun allemand ne puisse passer. Ceci était appelé « faire une correspondance ». Un poste d?écoute fut également placé autour de la digue.
Le 327ème régiment de planeurs était supposé être sur la gauche. Taylor et quelques hommes se glissèrent jusqu?à leur position et ils firent le contact à 23 heures. Ils firent demi-tour, rassurés, et ils retrouvèrent leurs positions aux alentours de minuit. Le Lt. Thomas n?était toujours pas rentré mais Clyde Jeffers, le radio et Shaffer y était.
Soldats de la 101ème division aéroportée sur l?île, octobre 1944
En même temps, la 3ème section, qui était posté à la droite de la 2nde section, prenaient une déculottée. A cet endroit, le Rhin formait une courbe et les allemands étaient cachés derrière une rangée d?arbre. Lorsque les allemands attaquèrent, James Schears fut tué. Le lendemain (7 octobre), les allemands attaquèrent à nouveau de nuit. La bataille fut terrible et cette nuit-là, c?est Armand Beauchamp qui perdit la vie.
Au PC de la 2nde section, on s?inquiétait de cette situation. Les officiers pensaient qu?une patrouille allemande avaient infiltré la zone, qu?ils s?étaient arrêtés quelque part et qu?ils pouvaient les attaquer par derrière le lendemain. Ces nouvelles n?étaient pas rassurantes. Cependant, les officiers voulaient que les hommes attendent jusqu?à l?aube pour fouiller la zone proche du PC. En effet, le bruit courait qu?une patrouille allemande était dans le coin pour attaquer le PC de la compagnie. Et c?était juste. Ils commencèrent sans tarder à bombarder le PC. Au même moment, on entendit au poste radio de la 2ème section qu?un berger allemand gambadait dans les environs. C?était la preuve que les allemands n?étaient pas loin.
Les hommes commencèrent alors à préparer des défenses. Tout d?abord, il fallut rassembler les guetteurs qui s?étaient éparpillés sur la ligne principale. Il était impératif de les avoir au grand complet avant le lever du jour. Il fallut également patrouillé dans toute la zone pour s?assurer qu?aucun allemand ne se cachait. Les hommes vérifièrent les haies et les maisons avant de constater qu?il n?y avait pas un seul allemand à cet endroit là. Le 7 et le 8 octobre, les hommes enchaînèrent les patrouilles sans rien trouver de nouveau.
La compagnie F près des village d?Heteren et de Randwijk
Le 9 octobre, la 3ème section, tant malmenée les deux jours précédents, fut relevée par la 2nde section. Cette opération fut faîte peu de temps après midi. Les hommes de la 2nde section furent informés de la présence des allemands derrière la rangée d?arbre. On leur expliqua aussi que c?était d?ici qu?ils avaient attaqués la 3ème section. Les hommes préparent donc leurs défenses en attente de l?attaque.
Le premier ordre dut d?enterrer les morts de la 3ème section. Certains se chargèrent de ceci tandis que les autres commençaient déjà à préparer les positions. Haney et Shrout avaient trouvé une Calibre 50, laissée par le 81ème bataillon anti-aérien, et ils la ramenèrent sur une digue sur le flanc gauche. La 2ème section possédait déjà deux mitrailleuses et ils assignèrent deux hommes sur chaque qu?ils postèrent le long du secteur. Les hommes prirent autant de grenades à main qu?ils purent en porter et ils les distribuèrent à tout le monde. On contacta également les unités d?artillerie pour donner deux coordonnées d?où étaient les allemands. Ces positions étaient surnommées « Fish One » et « Fish two ».
La 2nde section qui comprenait 48 hommes au départ n?en comptait plus que 32 à ce moment-là. Les autres étaient morts ou blessés. Haney et Shrout s?étaient placé sur le flanc gauche, derrière des arbres, tandis que Bernard Tom, Orel Lev et Kenneth Hull étaient sur le flanc droit.
La chaussée que Bernard Tom, Orel Lev et Kenneth Hull surveillaient
Finalement, tout le monde fut prêt lorsque la nuit tomba.
Soudain, un des postes annonça aux autre qu?il entendait du bruit arriver. Les hommes prirent donc contact avec l?artillerie. Celle-ci tira, rendant les hommes de la 2nde section nerveux car les obus tombaient juste derrière la digue qu?ils tenaient. En effet, les artilleurs s?étaient placés loin et leur rayon d?action s?en trouvait diminué. Lev, Tom et Hull regardaient patiemment l?artillerie tirer de l?autre côté de la digue quand un obus tomba sans crier garde droit sur leur position. L?obus tua les trois hommes instantanément, endommageant en même temps les équipements radio.
L?obus qui tua Lev, Tom et Hull laisse encore aujourd?hui des traces
Immédiatement, tout le monde pensa qu?il s?agissait des artilleurs américains qui avaient tiré trop court. Or, la seule radio disponible pour prévenir les artilleurs de tirer plus long était entre les mains de la 1ère section, sur le flanc gauche. John Taylor et Bob Sherwood se précipitèrent alors là-bas pour limiter l?hécatombe. Arrivés là-bas, les deux hommes tombèrent sur Manning Haney et Clarence Shrout qui étaient à environ trente mètres d?eux. Ils étaient sur une digue en train de tirer sur les allemands. Haney avait aperçu les armes automatiques des allemands et il leur tirait à présent dessus. Les allemands le prirent donc pour cible. Soudain, un obus leur tomba dessus. Taylor et Sherwood se précipitèrent vers les corps démembrés de leurs camarades et ils constatèrent avec effarement que Haney et Shrout étaient morts. Une fois de plus, on crut que l?artillerie avait tiré trop court.
Taylor, qui venait de perdre son meilleur ami sous ses yeux, était fou de rage. Il rejoignit la 1ère section tellement rapidement qu?arrivé là-bas, il oublia de donner le mot de passe et lorsqu?il déambula dans les rangs de la 1ère section, Kisnowski lui tira dessus. Heureusement, il le manqua.
Dès que les choses se calmèrent, les hommes essayèrent de comprendre ce qu?il s?était passé. D?abord, il fallut faire le constat des pertes : Carlino blessé, Haney et Shrout tués. Après un petit moment, Taylor se souvint qu?il n?avait pas entendu d?obus arriver lorsque Haney et Shrout avaient été tués. Les mortiers ne faisaient pas de bruit jusqu?à ce qu?ils explosent tandis que les canons tonnaient d?une façon terrifiante lorsque l?obus traversait les airs. Haney et Shrout avaient donc été tué par des mortiers. Or, les artilleurs américains de cette zone n?avaient pas de mortiers donc les deux hommes avaient été tués par des allemands. La situation fut difficile cette nuit-là, tant au niveau physique que moral.