2 AOUT 1944
Arado 234, août 1944:
des missions pas ordinaires
Le 2 août 1944, la météo est clémente et l'ordre est donné d'effectuer une première reconnaissance. Une météo qui doit être parfaite au-dessus des objectifs, en l'occurrence le port d'Arromanches et les aérodromes. La qualité des photos en dépend. Sommer grimpe dans son appareil par la verrière avant droit. L'avion a été hissé sur son chariot de décollage. Les techniciens vérifient les ultimes détails. Autour de l'Arado, on referme les dernières trappes. Auparavant hissé par un tracteur sur le Rollstrasse (piste d'accès aux pistes d'envol, "taxiway") de son hangar souterrain, il est dirigé vers la piste d'envol en béton. De leur côté, les chasseurs à hélice Bf 109 et Focke-Wulf 190 du IV/JG 27 et du I/JG Il font chauffer leur moteur. Ils ont pour rôle d'accompagner au départ et à l'arrivée l'Arado. Ce sont les deux moments où cet appareil peut être abattu par un chasseur allié. Dans son cockpit, une fois arrivé à son point de départ, en bout de piste, Sommer, toujours aidé des derniers techniciens, démarre les réacteurs à l'aide d'un moteur auxiliaire "Riedel" chargé, lui, de lancer les pales des réacteurs.
Des hommes, munis de lances d'incendie, sont prêts à intervenir en cas de problème. Sommer a peu de place dans ce biréacteur pour se mouvoir. Sur sa gauche, les deux manettes à manipuler avec une "main d'ange" qui servent au contrôle des moteurs qu'il laisse monter en régime. Il vérifie une dernière fois ses volets, son gouvernail et sa commande de profondeur. Un bref coup d'?il à l'extérieur lui indique que tout est OK. La radio une fois branchée, il suit les instructions de la tour de contrôle. Paré pour le décollage, doucement l'avion s'ébranle dans un curieux sifflement. Les habitants de Juvincourt, plutôt habitués aux bruits des hélices, regardent de loin l'appareil qui s'élance en direction de l'ouest. Une brève secousse, le chariot s'est décroché et tombe, ralenti par le parachute. Par sécurité, en cas de décollage raté, les trois patins d'atterrissage sont restés sortis. Le temps de les remonter et Sommer aperçoit les chasseurs allemands qui l'encadrent. Tout en vérifiant les multiples instruments de contrôles, il prend de l'altitude pour arriver enfin à douze mille mètres, là où il sera invulnérable, là où ni la Flak (FLugAbwehrKanonen, D.C.A.), ni aucun chasseur, sauf quelques appareils réservés à la surveillance de l'Angleterre, comme les Spitfire stratosphériques, ne peut monter. A huit cents - neuf cents kilomètres/heure, il faut peu de temps pour se rendre au-dessus de la Normandie. Avant d'être sur son objectif, le pilote prépare ses appareils photo (caméras RB 50/30). Devant lui, un périscope lui permet dans ce cas précis essentiellement de surveiller les traînées de condensation. Trop importantes, elles ne manqueraient pas d'attirer vers lui l'attention des servants de DCA. Sommer regarde sa carte et commence ses prises de vues. En bas, c'est la guerre ou presque puisque la zone d'Arromanches n'est plus qu'une base logistique, mais essentielle. Méticuleusement, il photographie tout en trois passes: aérodromes où sont basés les fameux avions "Typhoon" tueurs de chars, transports de troupes, bateaux et même les quelques vergers qui ont résisté à l'assaut du mois de juin. Il est temps de rejoindre la base. Un virage très long, pour ne pas fatiguer la structure de l'avion soumise à de fortes contraintes à cette altitude, et c'est le retour vers l'est, vers Juvincourt.
Tout s'est déroulé sans difficulté. Au-dessus de Soissons, l'Arado, qui a commencé à perdre de l'altitude, rejoint les chasseurs venus le protéger. Juvincourt est en vue. Sommer abaisse le long patin d'atterrissage central et les autres, sous les réacteurs. Il réduit sa vitesse, sort ses volets. Il est parti depuis une heure et demie. Doucement, sans doute en contact radio avec l'opérateur chargé de le guider vers la piste en herbe, il descend régulièrement : deux cents, cent, cinquante mètres puis vingt, dix, il coupe les réacteurs. Grâce à un film des archives de la Luftwaffe, on se rend compte que le choc est énorme, l'appareil glisse vite.
Le pilote sort son parachute de freinage, puis la longue course sur l'herbe verte prend fin. Les trois patins ont tenu! Des hommes accourent vers lui. Dans sa cabine, l'officier-pilote Sommer dégrafe son masque à oxygène, respire un bon coup tout en restant assis sur son siège. Il voit ses camarades lui sourire à travers la verrière. Aidé d'un des techniciens affectés à l'Arado, il enlève les courroies qui l'ont maintenu solidement attaché pendant tout le vol.
A l'extérieur de l'avion, le soleil l'éblouit un instant. Quelques personnes se pressent pour lui serrer la main. Après tout, il s'agit du premier vol au monde de reconnaissance aérienne en avion à réaction.

Les premiers Ar 234 de reconnaissance n'étaient pas encore équipés d'un train d'atterrissage. L'envol s'effectuait à partir d'un chariot tricycle largué au décollage et freiné ensuite par parachute. L'appareils devait, à son retour se poser sur une piste en herbe en glissant sur des patins rétractables. Il était à son tour freiné par un parachute.
Il est probable que cette photo ait été prise à Juvincourt.
2 Août 1944, 16h32. Erich Sommer, depuis son Ar 234, photographie le port artificiel d'Arromanches depuis une altitude de 11 000 mètres. Cette photographie, vraisemblablement transmise au haut état-major allemand par bélinographe, révèle le présence des pontons flottants et de plus de trois cents navires.

Erich Sommer
http://fr.wikipedia.org/wiki/Arado_Ar_234

A+