Les élèves-officiers de Saint-Cyr ont rendu hommage aux forces alliées de 1944 sur les plages du débarquement à l’occasion d’un exercice militaire.
Photo : Ecoles de Saint-Cyr Coëtquidan – DFM/CMAF
1er octobre 2008 : L’Ecole Speciale Militaire de Saint-Cyr en exercice en Normandie
Auteur : Marc Laurenceau
La Spéciale en Normandie
L’Ecole Spéciale Militaire (E.S.M.) de Saint-Cyr, créée en 1802, est une école qui a pour vocation de former les futurs officiers de l’armée de Terre française. Elle est aujourd’hui située à Coëtquidan en Bretagne, après avoir été à Saint-Cyr-l’Ecole près de Versailles jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. La scolarité des élèves-officiers et officiers-élèves, qui s’effectue sur trois années, est à la fois militaire, académique et morale. A la sortie de l’école, ces jeunes français obtiennent le grade de lieutenant et sont appelés à servir dans des régiments aussi divers que l’infanterie, la cavalerie, l’artillerie, le génie, les transmissions ou encore le matériel.
Dans le cadre de leur formation militaire, les élèves-officiers du 2ème bataillon, promotion Lieutenant de Loisy (2007-2010), ont eu l’occasion de mettre en pratique en Normandie l’enseignement tactique dispensé à Coëtquidan. En effet, C’est lors de leur exercice de rentrée (dénommé Normandex) qu’ils ont effectué une série de manoeuvres du 25 au 29 août 2008.
Sur les traces de leurs grands Anciens
Tout exercice militaire possède un scénario dans lequel chaque troupe joue un rôle précis. Imaginé par les cadres militaires de Saint-Cyr, Normandex a repris les grandes lignes de l’histoire du débarquement à travers différentes étapes.
Normandex est l’occasion pour les élèves-officiers de mettre en pratique leurs connaissances militaires. |
En amont, avant les permissions d’été, des exposés historiques ont été présentés aux élèves-officiers pour décrire plus en détails l’opération Overlord. Dès leur retour de permissions, les sections constituées sont mises en alerte : les ordres de mission tombent (en anglais), les sacs sont faits, les cartes sont étudiées… et le départ est lancé.
Le 25 août 2008, l’opération Normandex commence, près de 160 élèves-officiers y prennent part. Les premiers objectifs sont ceux pris d’assaut par les parachutistes britanniques de la 6ème Airborne, à savoir le pont de Pegasus Bridge et la batterie de Merville. Sur place, des « plastrons » (militaires qui assurent le rôle de force adverse) ont l’ordre de défendre leurs objectifs. Et le 26 août à 05h30, après une courte nuit de progression pour les uns et de patrouilles pour les autres, les troupes « amies » lancent leur assaut sur Pegasus Bridge qui est libéré après un court combat. A 05h45, c’est au tour de la batterie de Merville d’être attaquée. La force adverse (ou FORAD) y était déjà en alerte, car le bruit des tirs sur Pegasus Bridge s’entendait depuis la batterie. Cinq minutes plus tard, les tirs de munitions d’exercice cessent, la batterie est sous contrôle.
Les élèves-officiers alternent les rôles au sein des sections. Les chefs de section commandent les chefs de groupes qui eux-mêmes commandent les chefs d’équipes, et les attributions changent quotidiennement afin de placer chacun en position de responsabilité. Ils sont suivis de près par des cadres de Saint-Cyr, officiers et sous-officiers, qui les guident et les conseillent dans leurs choix tactiques.
D’un lieu historique à l’autre
La FORAD s’est regroupée, la matinée du 26 août, dans la localité de Ranville. Les troupes « amies » doivent les en déloger. C’est vers 8 heures que les premiers combats de rue commencent contre la FORAD : ils dureront jusqu’à 11h30.
Normandex possède la particularité de laisser la place à une phase historique une fois la phase tactique terminée. En effet, après les combats de la matinée, les saint-cyriens ont pu visiter les sites de Pegasus Bridge et de la batterie de Merville. Une cérémonie du souvenir a lieu en présence des habitants de la région au cimetière militaire de Ranville. Les élèves-officiers ont également eu l’honneur de rencontrer deux vétérans (un parachutiste britannique de la 6ème Airborne et un soldat français du commando Kieffer) du Jour J.
En soirée, la phase tactique reprend. Le scénario indique cette fois qu’il s’agit de préparer l’arrivée des troupes devant débarquer sur les plages normandes. A cet effet, les troupes « amies » sont transportées par hélicoptère à la tombée de la nuit vers différentes zones de regroupement situées au sud d’une ligne Saint-Lô-Bayeux, à une cinquantaine de kilomètres du rivage.
Par la suite, pendant toute la nuit, de petits groupes constitués doivent s’infiltrer à pied en direction des plages. En début d’après-midi, les deux compagnies « amies » doivent prendre d’assaut deux postes de commandement ennemis situés dans des villages, toujours défendus par la FORAD. C’est une nouvelle occasion pour ces futurs officiers de s’exercer au combat urbain, que l’on retrouve de plus en plus sur les théâtres d’opérations extérieures.
La progression se fait le plus souvent de nuit, à travers le bocage normand. |
Préparer le débarquement
Après les combats de rue, la marche vers les plages reprend à la tombée de la nuit. Les deux compagnies « amies » reçoivent leurs objectifs : pour l’une, ce sera la batterie de Maisy, pour l’autre la série de points fortifiés le long de la plage d’Omaha Beach.
Pour l’occasion, les compagnies reçoivent l’appui de deux hélicoptères Gazelle, qui ont la capacité de tirer missiles et obus de petit calibre sur des objectifs désignés. Une manière de faire travailler aux élèves-officiers les cadres d’ordres de l’appui de la troisième dimension, un soutien toujours aussi prépondérant dans les opérations actuelles où nos forces armées sont engagées. L’occasion de rappeler également le rôle joué par l’aviation alliée pendant l’opération Overlord.
Le 28 août à 6 heures du matin, presque simultanément, les différents points fortifiés d’Omaha Beach et de la batterie de Maisy sont – virtuellement – bombardés par les hélicoptères de combat qui ont reçu les coordonnées des objectifs transmises par les futurs officiers. Ces données ont été obtenues par des patrouilles d’observation qui ont dû se frayer un chemin à travers les gardes de la FORAD. Les objectifs sur Omaha Beach sont les véritables bunkers construits et utilisés par les Allemands. Immédiatement après les tirs des hélicoptères, l’assaut des troupes « amies » au sol est lancé et les positions sont enlevées dans un vacarme d’explosion de grenades d’exercice et de crépitement des fusils d’assaut approvisionnés en munitions à blanc.
Dans la foulée, la phase tactique laisse la place à la phase historique et les saint-cyriens visitent la plage d’Omaha Beach, le cimetière américain de Colleville-sur-Mer ainsi que la Pointe du Hoc. La phase tactique s’est permise certaines libertés vis-à-vis de la partie historique du débarquement de Normandie, l’intérêt pour les militaires étant plus ici d’appliquer des enseignements que de reconstituer fidèlement le Jour J. Malgré tout, le fait de manœuvrer sur ces terres chargées d’histoire permet à ces futurs officiers de mieux comprendre les combats engagés au cours du 6 juin 1944, et de mieux réaliser la valeur du sacrifice des jeunes soldats alliés morts pour notre liberté.
Le débarquement commence
Après une courte période de visite, les saint-cyriens se remettent en route. Ils atteignent Utah Beach où , après des cérémonies du souvenirs en Grand Uniforme, ils jouent la phase du débarquement à la tombée de la nuit. A nouveau, chaque compagnie possède son propre objectif : l’une doit détruire des canons situés dans un champ près du Manoir de Brécourt, l’autre doit s’emparer de la batterie d’Azeville. Deux batteries qui ont été utilisées en 1944 par les Allemands pour ralentir la progression des troupes américaines de la 4ème division d’infanterie qui venait tout juste de débarquer à Utah Beach.
La progression des troupes se fait à nouveau de nuit, sous une petite pluie fine qui fait son apparition pour la première fois depuis le début de l’exercice. D’abord en mission de surveillance, les compagnies passent à l’assaut à 7 heures alors que le jour n’est pas encore levé. Le bruit des tirs cesse à Brécourt comme à Azeville, la FORAD s’est rendue. Ces assauts marquent la fin de l’exercice Normandex. La phase historique suivante consistait en la visite d’Utah Beach et de Sainte-Mère-Eglise, haut lieu des troupes aéroportées.
Visite guidée pour les saint-cyriens à la Pointe du Hoc par un professeur d’histoire militaire à Coëtquidan. |
Un exercice mémorable pour tous
Bien qu’éprouvant (les élèves-officiers ont en moyenne dormi près de 10 heures en cinq jours de manœuvres), Normandex a été pour tous les élèves-officiers une expérience unique. L’occasion de marcher dans les pas des troupes de la libération, de découvrir un fait historique de manière particulièrement originale et de vivre le lien Armée-Nation de part la présence de la population civile au cours de l’exercice. Et ceci tout en mettant en oeuvre leur savoir-faire militaire.
Les saint-cyriens ont pu réaliser que les difficultés rencontrées par les militaires alliés, soixante ans avant eux, sont en grande majorité les mêmes aujourd’hui, parce qu’il y a dans les guerres, et ce malgré les évolutions technologiques, des éléments qui ne changent pas.
La visite de plusieurs cimetières militaires leur a également rappelé quel fut le prix de la liberté, payé soixante ans avant eux par des jeunes de leur âge. Une liberté qu’ils devront défendre demain à travers le monde.