Bataille de Normandie
Les ports artificiels « Mulberry » de Normandie
Le port artificiel « Mulbbery A » devant Saint-Laurent-sur-Mer en 1944. Photo : US National Archives
Pourquoi des ports artificiels ?
Lors des premières journées de l’invasion, la tête de pont alliée doit à tout prix être alimentée par des quantités considérables de matériel : armes, munitions, essence, vivres, hôpitaux de campagne, quartiers généraux avancés… Il est donc nécessaire de posséder un port (en eau profonde si possible pour permettre l’utilisation de navires de gros tonnage), afin de tout acheminer sur le théâtre des opérations.
Construction des éléments Phoenix en Angleterre. Photo : IWM
Mais la Normandie n’offre que deux ports en eau profonde : Le Havre et Cherbourg. Ces deux ports sont loin des zones de débarquement et celui de Cherbourg ne sera sous commandement allié que 8 jours après le débarquement, d’après le plan de l’assaut.
Pendant cette longue semaine, la tête de pont doit être consolidée par tous les moyens, d’où l’idée du Lord anglais Mountbatten, un prestigieux marin, responsable de la création de deux ports artificiels transportables que l’on pourrait assembler en un temps record sur deux plages de Normandie. Nom de code de l’opération : « Mulberry ».
Des garde-côtes britanniques croisent devant la localité d’Arromanches, relativement épargnée par les combats. Photo : IWM
Mountbatten, avec une poignée d’ingénieurs Anglo-américains, décide en un temps limité d’étudier le problème. Il fait fabriquer 230 énormes caissons de béton baptisés « Phoenix« . Assemblés les uns aux autres de manière à former un arc de cercle long de 7 km, ces caissons formant une digue protectrice contre les courants et les tempêtes.
Installation des jetées permettant le déchargement du matériel de guerre. Photo : IWM
Ainsi, l’intérieur de cet arc de cercle sera aussi calme qu’un lac et les bateaux pourront venir décharger leur cargaisons sur les appontements flottants qui sont des plateformes d’accostage nommées « Lobnitz » (baleines) en toute tranquillité et à tout moment.
Ces plateformes suivent les marées grâce à un système de pylônes situés aux quatre coins des appontements qui laissent la plateforme monter et descendre en fonction du niveau de la mer. Ainsi, les déchargement s’effectuent à toutes les heures. Ces pontons mesurent 60 mètres sur 18.
Eléments Phoenix servant de brise-lames, surmontés d’une tourelle de D.C.A. (défense contre avions). Photo : IWM
Les caissons » Phoenix« , de taille variable et dont les plus grands mesures 60 mètres de long et 20 mètres de haut, sont surmontés pour la plupart d’une tourelle de D.C.A. (défense contre avions) afin de protéger le port des attaques aériennes ennemies. Les cargaisons, une fois déchargées sur les plateformes, sont transportées sur la terre ferme par des véhicules qui empruntent des jetées flottantes. Trois plateformes sont prévues, dont deux à circulation unique pour les véhicules.
Eléments Phoenix servant de brise-lames, surmontés d’une tourelle de D.C.A. (défense contre avions). Photo : IWM
Tous les éléments nécessaires ont été assemblés de manière à assembler deux Mulberries, l’un situé à Arromanches, l’autre à Saint-Laurent-sur-Mer. Arromanches est spécialement épargnée par les bombardements de l’artillerie navale le Jour J, et aucun débarquement ne se fera en face de cette localité afin de simplifier le travail que devra effectuer le Génie militaire pour installer les éléments du port artificiel.
Mise en place de ces ports artificiels
Les caissons « Phoenix« , les plateformes « Lobnitz » et les jetées flottantes sont remorqués un à un sur la Manche. Les remorqueurs, arrivant à vue des côtes dans la matinée du 6 juin, captent les appels et les rapports radios désastreux en provenance des soldats américains piétinant sur Omaha Beach. L’espace d’un instant, ils croient que le débarquement est un échec.
Un char Sherman empruntant une des cinq jetées du port artificiel d’Arromanches. Photo : IWM
Au soir du jour J, dans la zone d’Arromanches qui est globalement à l’abri des tirs d’infanterie et des feux d’artillerie, les premiers bateaux chargés de se saborder afin de servir de brise-lames contre le courant (nom de code : « Gooseberries« ) arrivent en position et sont coulés les jours suivants. Puis, à Saint-Laurent-sur-Mer comme à Arromanches, les deux ports artificiels s’assemblent.
La tempête
Mais la prise de Cherbourg est plus longue que prévue et les alliés utilisent toujours les 2 ports plus de 8 jours après. Une forte tempête, le 19 juin, détruit le port de Saint-Laurent-sur-Mer qui est irréparable. Celui d’Arromanches a subi de nombreux dégâts mais est facilement réparable ; il va fonctionner seul pendant un mois, déchargeant près de 10 mille tonnes de matériel par jour.
Destructions causées par la tempête du 19 juin 1944. Photo : IWM
Le 26 juin toute résistance cesse dans la ville de Cherbourg mais des résistances sporadiques dans l’arsenal se prolongent le lendemain : les combats prennent fin dans le nord du Cotentin à partir du 1er juillet, la remise des installations portuaires commence aussitôt et le premier bateau de transport allié entre dans le port en eau profonde de Cherbourg le 17 juillet 1944.
Vue aérienne du port artificiel d’Arromanches. Photo : IWM
Pour Mountbatten et ses ingénieurs, c’est mission accomplie, et avec elle le projet le plus gigantesque et ayant demandé la plus grande prouesse technique de l’histoire du débarquement de Normandie, dont les vestiges peuvent être encore visibles de nos jours (principalement à Arromanches mais, à marée basse, également à Saint-Laurent-sur-Mer.
Le 12 juin 1944, plus de 300 000 hommes, 54 000 véhicules et 104 000 tonnes de ravitaillement sont débarqués à Arromanches. Pendant toute la durée de la bataille de Normandie et pour les deux ports artificiels : ce sont 2 millions et demi d’hommes, 500 000 véhicules et 4 millions de tonnes de matériel qui ont transité par les Mulberries A et B. Durant la dernière semaine de juillet 1944, le trafic atteint son meilleur rendement avec 20 000 tonnes par jour. Le port Mulberry B d’Arromanches est utilisé jusqu’au 19 novembre 1944.