Pourquoi de tels bombardements en Normandie ?
Pour faire la différence dans une lutte armée face à des forces adverses, il est primordial de chercher à préparer le champ de bataille puis de l’isoler une fois les premiers combats engagés : les bombardements, en particuliers les actions aériennes, permettent d’accéder à ce résultat.
La tactique du bombardement a plusieurs effets : destruction de tout ou partie de l’adversaire, entraver ses possibilités de renforcement, d’exfiltration ou de contre-attaque, et encore l’usure psychologique. Les Alliés bénéficient en Normandie d’une suprématie quasi totale de l’espace aérien : ils peuvent mener des actions de bombardement de jour comme de nuit et user massivement de leur potentiel opérationnel d’avions de chasse et de bombardiers.
Plan Transport
Les Alliés décident de fragiliser les défenses allemandes à compter du mois de mars 1944 et ce jusqu’au début de l’opération Overlord en appliquant le plan Transport. Adopté le 10 janvier 1944, il précise les cibles (au nombre de 75) et les localisations (côtes nord de la France et de la Belgique) des frappes aériennes pour la suite de la guerre. Le but est de frapper la plupart des nœuds ferroviaires pouvant, après le débarquement, servir au transport de troupes vers la Normandie : il s’agit bien d’isoler cette région en bombardant les gares, les centres de triages, les ouvrages d’art. Cependant, les Alliés ne veulent pas éveiller les soupçons sur la Normandie et ils effectuent des bombardements identiques également dans les régions voisines jusqu’en Allemagne.
Beaucoup de ces cibles sont situées dans des villes françaises ou proche de ces dernières et les victimes civiles se comptent par centaines. Dans la nuit du 9 au 10 avril 1944 par exemple, les Alliés bombardent la gare de Villeneuve-Saint-George ainsi que Lille ce qui occasionne la mort de 687 civils et en blesse 799 autres. Rouen est également la cible d’un raid aérien dans la nuit du 18 au 19 avril 1944 durant lequel 812 civils trouvent la mort. Tous les nœuds routiers, nœuds ferroviaires, ponts (mis à part celui d’Asnières) et autres ouvrages d’art sont détruit dans la vallée de la Seine à la fin du mois de mai 1944. Les ouvrages du Mur de l’Atlantique sont largement bombardés également.
Pour quelles raisons les villes sont-elles des cibles des raids aériens ?
Dans le but d’empêcher l’arrivée de renforts sur la ligne de front, les Alliés détruisent tous les points clés permettant un éventuel franchissement des troupes adverses. Les villes et certains villages sont situés sur des lieux de passage obligés, aussi bien par voie routière que par voie ferroviaire : Carentan est par exemple le lien entre le Cotentin et le Calvados, Caen est un passage essentiel pour traverser la rivière de l’Orne. Ce sont des carrefours routiers d’importance stratégique pour la suite des combats.
Les bombardements ont également des buts plus modestes, au niveau tactique. Ces villes et localités sont pourvues de ponts qui deviennent dès lors des objectifs prioritaires pour les Alliés. De plus, les ruines des bâtiments et habitations qui jonchent les rues à la suite des raids aériens paralysent la circulation dans véhicules les localités.
Pendant toute la durée de la bataille de Normandie, certaines localités tombent tout à tour dans les mains des différents adversaires et les bombardements se répètent à plusieurs reprises, laissant derrière eux des tas de ruines. Deux choix s’offrent à la population civile : partir sur les routes ou s’enfermer dans les caves. Mais cette protection souterraine ne suffit généralement pas aux bombes alliées.
Pourquoi les bombardements aériens sont-ils si imprécis ?
La notion de dégât collatéral n’est pas en 1944 celle qu’elle est devenue aujourd’hui. Les pertes civiles ne sont pas à cette époque autant relayées par les médias et les Alliés considèrent la mort de civils comme étant l’un des prix à payer pour le succès de la libération. Leurs efforts s’orientent plus sur la réussite de la mission que sur d’éventuels dommages collatéraux. Et bien que les techniques et moyens de bombardements soient peu précis, ces raids se poursuivent tout au long de la guerre.
La précision des bombardements est très approximative et les Alliés suppléent la qualité par la quantité : il leur faut parfois plusieurs centaines de bombardiers pour parvenir à leurs fins. Les conditions météorologiques participent parfois à augmenter les dommages collatéraux : une couche nuageuse suffit à réduire presque totalement la précision d’un raid aérien. A ces phénomènes, il faut ajouter la nécessité pour les pilotes de bombardiers lourds de voler à très hautes altitude afin d’échapper aux tirs des batteries antiaériennes adverses.
S’il restait des bombes dans les soutes de leur appareil, les pilotes de bombardiers n’atterrissaient que rarement avec une telle cargaison pour des raisons évidentes de sécurité. Le plus souvent, ils bombardaient des objectifs secondaires pré-désignés avant de rentrer à leur base. Il est arrivé que certains pilotes larguent leurs bombes sur des zones aussi désertes que possible à proximité des aérodromes, juste avant l’atterrissage, et que malheureusement ces bombes atteignent des habitations civiles.