Opération Coup de Main
Horsa Bridge – 6 juin 1944
Le pont de Ranville (rebaptisé Horsa Bridge) sur l’Orne, avant 1944
Unité alliée : D Co 2nd Ox & Bucks
Unité allemande : 716e division d’infanterie
Préparations
L’ordre de mission, signé par le général Gale commandant la 6e division aéroportée, était de : « prendre intacts les deux ponts de l’Orne et le canal de Caen, à Bénouville et à Ranville… La prise de ces deux ponts, qui sera l’opération « Coup de Main », repose essentiellement sur l’effet de surprise, la rapidité d’exécution et la détermination à vaincre. Il faudra s’attendre à une contre-attaque et tenir jusqu’à la relève ».
Le but de cette mission est qu’en s’emparant de ces ponts, le flanc est de l’invasion est protégé car il n’existe qu’un seul lieu de passage pour traverser l’Orne et le Canal de Caen et celui-ci est situé entre les localités de Ranville et de Bénouville : ces deux communes deviennent naturellement les objectifs principaux de la 6ème division aéroportée britannique.
Jamais, probablement, une opération de commando n’a été plus minutieusement préparée : deux ponts pratiquement identiques en Angleterre servent à entraîner une petite centaine de soldats tous volontaires sous les ordres du Major (commandant) John Howard. Cet entraînement, répété à de maintes reprises, est selon le Major Howard l’un des plus difficiles de l’armée britannique. Jim Wallwork, l’un des pilotes des trois planeurs Horsa qui prend part à l’assaut, contenant environ 29 soldats avec leur équipement, raconte : « Nous avions effectués de nombreux exercices d’atterrissages, certains en condition normale de jour, de jour toujours mais avec les vitres teintées, et enfin pendant la nuit ».
La prise des deux ponts est codée « Euston I » pour le pont de Bénouville et « Euston II » pour celui de Ranville. Ce dernier, situé 400 mètres à l’est de Bénouville, est un pont tournant lui permettant de laisser traverser les navires sur la rivière Orne.
Déroulement de l’attaque d’Euston II
L’opération Coup de Main, élément de l’opération Tonga, débute le 5 juin 1944 avec le décollage des bombardiers Halifax remorquant les six planeurs Horsa à partir de 22 heures 56. Les planeurs, aux ordres du Major John Howard, font route dans la nuit et rompent leur remorque au-dessus de Cabourg à une hauteur de 6 000 pieds. L’arrivée sur zone de l’objectif s’effectue dans les premières heures du 6 juin 1944, vers 00 heure 16.
La descente des planeurs est rapide et l’absence de pressurisation entraîne une gêne importante pour les soldats aéroportés qui sont obligés de souffler par le nez tout en se bouchant les narines avec la main pour lutter contre ce phénomène.
Trois Horsa sont chargés du pont de Bénouville (codé Euston I et surnommé « Pegasus Bridge », le « Pont Pégase ») et se posent à moins de 50 mètres du pont, avec Howard à leur bord.
Trois autres planeurs prennent la direction du pont de Ranville, codé Euston II. Ils doivent atterrir sur la zone d’atterrissage codée « Y », située le long du bras de terre entre l’Orne et le canal de l’Orne. Un seul planeur Horsa, le numéro 6 (Chalk No 96), se pose à proximité immédiate de Euston II, celui dans lequel se trouve la No 17 Platoon du lieutenant Dennis Fox. Une fois débarqués, les soldats aérotransportés prennent d’assaut le pont tandis que les combats ont déjà lieu sur celui de Bénouville : les sentinelles allemandes, alertées par le bruit des armes automatiques, sont prêtes à défendre leur poste qui n’est équipé que d’une mitrailleuse.
La section du lieutenant Fox se prépare à monter à l’assaut tandis que des mortiers légers se placent en appui. Lorsque les soldats aérotransportés se ruent vers le pont de Ranville, les Allemands tirent plusieurs salves en direction des Britanniques mais sans succès. Les mortiers se mettent aussitôt en action et font fuir les défenseurs : les Britanniques s’emparent de la mitrailleuse adverse et l’utilisent contre les derniers Allemands qui s’enfuient à leur tour. Les combats cessent immédiatement.
Le planeur Horsa numéro 5 (Chalk No 95) transportant la No 23 Platoon du lieutenant « Tod » Sweeney atterri 1,5 kilomètre au nord du pont de Ranville. La section fait rapidement route vers son objectif et les hommes de Sweeney se préparent également à passer à l’attaque, ne sachant pas si le pont est déjà tombé aux mains de la compagnie aérotransportée. L’assaut est lancé mais cesse aussi rapidement qu’il a commencé lorsque les soldats reconnaissent le lieutenant Fox se tenant devant eux.
Un message est envoyé en direction de Bénouville afin de rendre compte au Major Howard que le pont de Ranville est sous contrôle, pris en moins de dix minutes. Le message de la victoire « Ham and Jam » (en français « jambon et confiture » : « ham » indiquant que les Britanniques se sont rendus maîtres des lieux et « Jam » que les deux ponts sont intacts) est immédiatement envoyé aux bateaux alliés par l’intermédiaire d’un pigeon voyageur. John Howard souffle pendant de longues secondes dans son sifflet, afin d’informer tous les soldats alliés dans le secteur de la réussite de ses hommes : sur la zone de saut codée « N » au nord de Ranville, le général Nigel Poett commandant la 5th Para Brigade entend le bruit du sifflet peu après son atterrissage, ce qui lui donne le sourire. En revanche, une mauvaise peine Howard : le troisième planeur Horsa est quant à lui tout simplement porté disparu.
Le destin du planeur N°4
Le planeur numéro 4 (Chalk No 94) s’est posé en catastrophe à dix kilomètres au nord-est de la zone d’atterrissage prévue, à proximité de Varaville. Le pilote et son adjoint (respectivement le Staff Sergeant Lawrence et le Staff Sergeant Shroter) ont confondu dans l’obscurité le canal de Caen et l’Orne avec les rivières également parallèles de La Dives et du grand canal : ils atterrissent à proximité d’un pont sur La Divette que le lieutenant Hooper et sa No 22 Platoon prennent d’assaut, s’imaginant qu’il s’agit de leur objectif. Prenant conscience de leur erreur, ils progressent en direction de Ranville où ils rencontrent plusieurs patrouilles allemandes en chemin. Ils cherchent au maximum à les éviter afin de ne pas se laisser retarder, mais les soldats aérotransportés sont stoppés à plusieurs reprises.
C’est au cours de l’une de ces rencontres que le lieutenant Hooper est fait prisonnier pendant un temps jusqu’à sa libération par l’intervention armée du capitaine Priday, également embarqué à bord du planeur numéro 4. Ils poursuivent leur périple dans la nuit, à la recherche de leur compagnie…
La longue nuit de la 6th Airborne
Dans les heures qui suivent, les patrouilles allemandes sont de plus en plus pressantes dans le secteur de Bénouville, comme le prévoyait d’ailleurs le Major Howard. Il décide de renforcer ce secteur en y plaçant la No 17 Platoon du lieutenant Fox, laissant la No 23 Platoon du lieutenant Sweeney seule en charge du pont de Ranville pendant toute la nuit suivant l’attaque.
De nombreux parachutistes britanniques, perdus dans les environs de Ranville, sont guidés par le bruit des armes légères d’infanterie en direction des ponts sur l’Orne et le canal de l’Orne. Plusieurs dizaines d’entre eux viennent ainsi renforcer la position de la compagnie D du 2nd Ox & Bucks jusqu’au petit matin du Jour-J, avant de pouvoir retrouver leur unité.
Peu après 13 heures 30, les commandos britanniques et français débarqués sur Sword Beach quelques heures plus tôt effectuent leur jonction avec les soldats aérotransportés en poste sur les deux ponts. Pour les hommes du Major Howard, la mission est entièrement réussie. Le lendemain, 7 juin 1944, le lieutenant Hooper et les rescapés du planeur numéro 4 parviennent à retrouver leur unité dans le secteur de Ranville, après avoir été isolés pendant 24 heures en territoire hostile.
Dans la matinée du 7 juin, la compagnie D du 2nd Ox & Bucks effectue une reconnaissance de la localité d’Escoville sous le feu de plusieurs canons automoteurs allemands appartenant au Kampfgruppe von Luck. C’est notamment durant cet engagement que le lieutenant Hooper est blessé par le tir d’une mitrailleuse adverse MG-42. Les Anglais se replient dans Hérouvillette où ils resteront pendant plusieurs semaines.
La postérité du Horsa Bridge
Alors que les Anglais baptisent le pont de Bénouville « Pegasus Bridge » et que le cinéma Hollywoodien le fait passer à la postérité en l’immortalisant dans le film « Le Jour le plus long », celui de Ranville ne bénéficie pas des mêmes honneurs et son histoire tombe progressivement dans l’oubli. Après la guerre, il est finalement baptisé « Horsa Bridge » en hommage aux planeurs fabriqués en Grande-Bretagne et utilisés pendant l’opération Coup de Main.
Le pont original est retiré et changé en 1971, bien que des éléments de la structure soient encore réutilisés. En 1984, à l’occasion du quarantième anniversaire de la libération, le maire de Ranville fait installer une plaque commémorative à l’extrémité ouest du pont, en souvenir des pilotes de planeurs et des sections des lieutenants Fox et Sweeney pour qu’ils ne soient jamais oubliés.
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