Juan Pujol Garcia, nom de code Garbo, considéré comme l’un des plus grands agents doubles de la Seconde Guerre mondiale.
28 septembre 2016 : Garbo, l’agent double qui a manipulé les Nazis
Source : Le Monde avec AFP
Auteur : Luc Vinogradoff
Juan Pujol est considéré comme le plus grand agent double de la seconde guerre mondiale, peut-être de tous les temps. Avec une vingtaine de « sous-agents » complètement fictifs sous ses ordres, cet Espagnol a travaillé pendant plusieurs années avec les services de renseignement britanniques du MI5 (nom de code Garbo), faisant croire en même temps à l’Abwehr allemande qu’il était l’un des leurs (nom de code Arabel).
Son plus gros fait d’armes restera d’avoir manipulé les nazis en leur faisant croire que le grand débarquement que tout le monde attendait en juin 1944 allait avoir lieu dans le Pas-de-Calais, et non en Normandie, donnant aux troupes alliées assez de temps d’avance pour prendre le dessus sur leurs ennemis. Selon de nouveaux documents déclassifiés par le MI5 et mis en ligne sur le site des Archives nationales britanniques, cette opération cruciale, minutieusement préparée, a bien failli faire long feu à cause d’une querelle domestique entre Pujol et sa femme, Araceli Gonzalez.
Vraies menaces et fausse incarcération
En juin 1943, Pujol travaillait déjà pour le MI5 depuis quelque temps. A Madrid, il s’était jeté dans le monde de l’espionnage sans aucune expérience ou contact, seulement avec une imagination débordante et une capacité hors norme à obtenir la confiance de son interlocuteur. Se faisant passer pour un nazi fanatique, il intègre les services allemands, qui l’envoient à Londres après qu’il leur a fait croire qu’il a un réseau d’espions dans la capitale britannique. Là-bas, il travaille secrètement avec le MI5, donnant de temps en temps des informations correctes aux nazis pour gagner leur confiance.
Alors que son travail de tromperie devient de plus en plus complexe et vital, la couverture de Pujol menace de s’envoler. Sa femme, qui ne supporte plus la double vie à Londres, l’isolement et la nourriture britannique, menace de dévoiler son identité s’il ne la laisse pas partir en Espagne. Un des documents révélés par le MI5, rédigé par l’officier traitant de Garbo, Tomas Harris, donne une idée de l’ambiance :
« Comme cela n’a pas eu l’effet escompté, elle a menacé d’agir de manière à ce que cela compromette le travail [de son mari] et lui permette de partir. »
Dans un autre document, la situation semble devenir critique :
« Je ne veux plus vivre cinq minutes de plus avec mon mari. Même si on me tue, j’irai à l’ambassade [espagnole]. »
Pour éviter d’être exposé, Juan Pujol réagit de la seule manière qu’il connaisse :en inventant une situation pour manipuler la personne en face. Il convainc le MI5 de l’arrêter et de faire croire à sa femme que c’était de sa faute. Ils iront même jusqu’à organiser une rencontre entre le couple dans le camp de détention Camp 020, où est supposément emprisonné Pujol.
Sa femme, que les agents britanniques avaient déjà essayé d’amadouer avec une douzaine de bas de qualité, accepte de signer un document promettant de ne jamais révéler l’identité de son mari pour qu’il puisse être « libéré ».