Les plages du débarquement devront patienter pour entrer au patrimoine mondial
Le gouverneur du Kentucky, Steve Beshear (au centre), et Laurent Beauvais (à droite), le président de la région Basse-Normandie, le 2 août 2012, à Caen.
Après le Mont Saint-Michel, les fortifications de Vauban et le Havre, la région Normandie a l'intention d'inscrire un autre de ses sites, les cinq plages du Débarquement de juin 1944, à la Liste du patrimoine mondial de l'Unesco.
Le projet, d'abord lancé par l'association Normandie Mémoire, qui ne s'occupe plus du dossier aujourd'hui, a été repris en main par la région Basse-Normandie et le Mémorial de Caen, via son directeur Stéphane Grimaldi. "Depuis deux ans, je travaille activement sur ce dossier", note Laurent Beauvais, président PS du conseil régional. Le rêve du président de la région, voir les plages classées pour 2014, date du 70e anniversaire du Débarquement, ne pourra cependant pas être réalisé. "On ne sera pas prêts pour 2014", reconnaît-t-il.
"La première étape pour nous aujourd'hui, c'est l'intégration à la liste indicative de la France" – la liste des biens qu'un pays a l'intention de proposer pour inscription – explique Laurent Beauvais. Pour cela, le projet devra trouver des soutiens au plus au niveau de l'Etat. "Le choix de mettre un dossier sur la liste, qui revient au Ministère de la Culture, se fait surtout sur des critères politiques", estime Alessandro Basalmo, chargé du suivi des dossiers de candidature au patrimoine mondial à l'Unesco.
Des soutiens de taille, le projet ne semble pas en manquer. "J'apporte tout le soutien de l'État à l'initiative de la région Basse-Normandie à l'inscription des sites du Débarquement au patrimoine mondial de l'humanité", a annoncé François Hollande lors de son discours pour le 68e anniversaire du Débarquement, le 6 juin 2012. Un comité de parrainage, présidé par Simone Veil, a par ailleurs été créé. Stéphane Hessel et Robert Paxton, historien américain émérite, spécialiste de la Seconde guerre mondiale, l'ont rejoint.
INTÉRÊT DES AMÉRICAINS
Car les soutiens viennent aussi d'outre-Atlantique. Jeudi 2 août 2012, Steve Beshear, le gouverneur de l'Etat du Kentucky, reçu par Laurent Beauvais pour une toute autre raison - les Jeux équestres mondiaux, organisés par Caen en 2014 – a profité de sa visite pour exprimer son soutien au projet de la région.
D'autres Américains, avant Steve Beshear, avaient manifesté leur appui au classement des plages au patrimoine mondial. En avril 2011, des boy-scouts américains avaient écrit un message en lettres humaines, "Normandy Land of Liberty" ("Normandie, pays de la liberté"), sur Omaha, l'une des cinq plages du Débarquement, pour manifester leur soutien à leur candidature au patrimoine mondial.
"NORMANDIE, TERRITOIRE DE MÉMOIRE"
Mais si les plages normandes franchissent la première étape, l'inscription sur la liste indicative de l'Unesco, le chemin sera encore long avant le classement définitif sur la Liste du patrimoine mondial. Pour que les plages du D-day aient leur chance, un dossier de candidature solide devra être monté. "La préparation d'un dossier de ce type peut être très longue", remarque Alessandro Balsamo. Après 17 mois d'évaluation du dossier de candidature par des experts, l'Unesco rendra son verdict final.
En fonction de quels critères ? "Pour figurer sur la Liste du patrimoine mondial, les sites doivent avoir une valeur universelle exceptionnelle, et satisfaire à au moins un des dix critères de sélection", relate sur son site l'organisation internationale. Selon Alessandro Balsamo, les plages pourraient remplir le critère 6, qui implique que le site candidat soit "directement ou matériellement associé à des événements (...) ayant une signification universelle exceptionnelle."
Cependant, le caractère propre au site pourrait être, selon lui, un obstacle. "La politique de l'Unesco est plutôt de décourager la présentation de sites liés à la guerre, parce que, sinon, on risque d'entrer dans un cercle vicieux, car il est difficile de définir en quoi un site de guerre est plus important qu'un autre." Cependant, Hiroshima et Auschwitz, des sites directement liés à la Seconde guerre mondiale, sont inscrits sur la Liste de l'Unesco. Tout espoir n'est donc pas perdu.
Selon Laurent Beauvais, la candidature des plages du Débarquement se justifie pleinement, car elle s'inscrit "dans la volonté [de la région] de promouvoir la paix comme valeur universelle, et de faire du territoire de la Normandie, un territoire de mémoire". Outre l'aspect mémoriel, le classement des plages aurait un impact économique notable sur la région, un label Unesco provoquant toujours une augmentation du nombre de visiteurs.
Les sites français classés au patrimoine mondial par l'Unesco.
Un article de Laure Beaulieu publié le 3 août 2012 sur lemonde.fr :
http://www.lemonde.fr/planete/article/2 ... _3244.html