Je m'appelle Zinaïda Tsarjowa

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Yuri67
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Je m'appelle Zinaïda Tsarjowa

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Je m'appelle Zinaïda Tsarjowa

«Lorsque la guerre a éclaté, j'avais huit ans. Dans notre village de Zavozerje, dans la région de Smolensk, il y avait une importante garnison d'Allemands. Ils s'étaient installés dans le plus grand b,timent du village. Mon frère et son copain ont mis le feu au bâtiment. Il y a eu une énorme panique parmi les Allemands lorsque les flammes se sont emparées du bâtiment. Beaucoup sont morts. Ils étaient furieux, ces Hitlériens, et voulaient se venger. Le copain de mon frère a été abattu sur place. Mais mon frère a réussi à se cacher dans les roseaux du lac. Il s'appelait Piotr, il avait 14 ans.
«Des traîtres sont allés raconter aux nazis que mon frère était là quand leur quartier général avait été incendié et que nous étions une famille de partisans. Notre famille comptait six enfants. La colère des Allemands s'est dirigée non seulement contre notre famille, mais aussi contre tout le village. Les femmes ont été obligées de creuser des tranchées. Les Allemands ont également fait irruption chez nous pour emmener ma mère. Mais elle était absente. Il n'y avait que nous, les enfants, à la maison -- sauf Piotr, évidemment. Un frère, d'un an moins aîné, a réussi à s'échapper par derrière la maison. J'étais l'aînée des quatre qui restaient.
«Nous devions être brûlés vifs, mes trois petits frères et moi.
«Et tous les autres.
(Pause)
«Avec brutalité, on nous a emmenés vers une grange commune où l'on avait entassé de la paille et du foin. Après nous, on y a amené les autres enfants du village. Et après cela, les femmes, quand elles ont eu terminé de creuser. Puis les vieillards. Les jeunes hommes étaient dans l'armée ou chez les partisans.
«Ils n'étaient pas pressés, ces salauds. Ils faisaient leur boulot tranquillement, comme il faut. Ils ont soigneusement encloué les portes et les fenêtres. Ils ont amené plusieurs réservoirs d'essence et ont aspergé les parois en bois de la grange. On pouvait entendre le bruit de l'essence qui coulait. Il y avait l'odeur, aussi. Nous savions ce qui nous attendait, parce qu'on savait ce qui s'était passé dans d'autres villages. La panique s'est emparée de nous, il y a eu des hurlements. On a lutté pour se tenir le plus loin possible des murs, tout en sachant bien qu'il était impossible de s'échapper.
«Lorsqu'ils ont jeté les allumettes enflammées contre les parois, il y a eu un grand woummm menaçant. Tout était très sec. Partout, ça s'est mis à flamber sur-le-champ, les murs, la paille, le foin. Et les gens. Savez-vous les gens peuvent brûler littéralement comme des torches?
(Pause)
«Les cris des gens en train de brûler glaçaient la moelle et les os. C'était plus atroce que le crépitement des flammes. C'est la porte qui a brûlé complètement la première. Elle est tombée et nous avons pu voir à l'extérieur. Tout le monde s'est précipité car c'était la porte de la vie. Mais dehors, les Allemands contemplaient la grange en train de flamber et ils écoutaient les crépitements des flammes et les cris des gens qui brûlaient vifs. Ils ont vu comment leurs victimes se précipitaient désespérément par cette ouverture et, au même moment, ils les abattaient.
«J'avais mon petit frère d'un an dans mes bras. Avec la panique et le chaos, j'ai été séparée de mes autres frères. Je me suis précipitée vers cette ouverture, moi aussi, avec mon frère. J'ai regardé autour de moi. Je pouvais voir mes deux autres frères. Ils vivaient encore, ils étaient au milieu de torches humaines qui trépignaient désespérément de douleur. Je leur ai crié de me suivre. Je ne pense pas qu'ils m'aient entendue. Ils n'auraient pas pu me suivre car, pour ce faire, ils auraient dû se frayer un chemin parmi les autres gens qui se précipitaient vers la porte.
«Les Allemands ont dû reculer. La chaleur devenait insupportable pour eux. Ne pouvaient-ils rien voir avec les flammes? N'avaient-ils plus de munitions pour leurs mitrailleuses? Du chemin de terre, ils ont commencé à balancer des grenades en direction de la porte ouverte. Il y en a une qui a explosé tout près de moi. J'étais blessée. Mais je ne sentais pour ainsi dire rien. La douleur des brûlures était bien plus vive que les blessures des éclats de grenade.
«Après, je ne sais plus ce qui s'est passé. Quand je me suis de nouveau rendu compte de la situation, j'étais près du petit cours d'eau qui longeait la grange. Automatiquement, j'ai réagi, poussée par le souci de rester en vie. J'ai sauté dans l'eau avec mon petit frère. J'ai entendu nos vêtements enflammés siffler au contact de l'eau quand nous nous y sommes enfoncés.
«Les Allemands ont attendu patiemment qu'il ne reste plus rien de la grande. Plus rien - ou plus personne.
«Plus rien de mes deux petits frères non plus.»


http://www.katardat.org/marxuniv/2002-S ... FR.html#80
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