Recherche enfants de soldats

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Recherche enfants de soldats

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Bonjour, Je suis étudiante en doctorat d?histoire à Paris IV-Sorbonne et je travaille sur les enfants de soldats de l?Axe ou de l?Alliance et de femme française pendant la Deuxième Guerre mondiale en France, mais aussi sur les enfants nés de père prisonnier de guerre allemand et de femme française. Je cherche à entrer en contact avec des gens qui ont vécu cette expérience afin de collecter leurs témoignages pour m?aider dans mes recherches. Vous pouvez me contacter à [url="mailto:enfantdelaguerre@yahoo.com]enfantdelaguerre@yahoo.com[/url]. Je vous en remercie d?avance.
Bien cordialement,
Céline
Carolina
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Recherche enfants de soldats

Message non lu par Carolina »

Céline,
Voici une piste (cc d'une web-page + lien ci-après). Egalement, deux livres peuvent t'aider : JP Picaper (le crime d'aimer & Les enfants maudits) et Fabrice Virgili (dont la france "virile"... )
Je pense que tu as plus de chance du côté français pour tes recherches sur les enfants franco-allemands (quoi que quelques 'personnalités' françaises aient douloureusement soulevé le voile), pour les franco-american-english, entre en contact avec E. Coquart, USA & UK embassies, web-sites également.
Sujet sensible -mais édifiant- encore aujourd'hui, et tu comprendras aisément pourquoi en creusant...
Bon courage et tiens nous au courant de tes recherches & témoignages,
précieux sujet que les enfants.
CarolinaDernière révision : 7/02/03


Enfants nés de couples franco-allemands pendant la guerre

Institut d?histoire du temps présent - CNRS, Paris, France




Cette recherche concerne les enfants nés de couples franco-allemands pendant la Seconde Guerre mondiale. Il s?agit donc autant des enfants nés en France de père soldat allemand et mère française que de ceux nés en Allemagne de mère allemande et père français (prisonnier de guerre, travailleur volontaire ou forcé). Qu?ils aient été désirés ou non, l?étude de ces enfants place les relations entre ennemis/amants dans une durée qui déborde très largement le temps de la guerre.

S?interroger sur les enfants nés de couples mixtes, c?est aborder autant les conditions de leur naissance que leur devenir dans la société d?après-guerre.

On peut constater que les années 1943-1946 correspondent à une période au cours de laquelle le nombre de naissances illégitimes croit sensiblement (10 % du total des enfants nés vivants, contre 7 % en dehors de cet intervalle) alors que la part de ces enfants reconnus par le père diminue (moins de 10 % contre 15 %). Ces chiffres peuvent être mis en relation avec les témoignages qui mettent en avant une suspicion de père allemand, ou du témoignage d?une assistante sociale qui rappelle : « nous les interrogions discrètement sur le père afin d?essayer de le retrouver et de lui faire prendre ses charges, elles finissaient par libérer leur conscience tourmentée, à demi-mot : ??c?est un soldat, il est reparti?? nous comprenions »[1]. Néanmoins, il n?est pas possible d?établir une causalité directe entre les différents récits et les statistiques publiées par l?INED (Institut national d?études démographiques). Et de nombreux indices laissent présager de la diversité des parcours individuels dans le vécu de la grossesse, de la naissance comme du premier âge, au cours de la période de l?occupation comme de l?immédiat après-guerre. Ainsi, l?accouchement et la naissance offrent déjà une grande variété de situation et montrent également la difficulté de cerner le problème. Combien de femmes ont tout d?abord pris le risque de l?avortement. La législation érigeant l?avortement au rang de crime d?État et la sévérité des tribunaux n?ont guère empêché la pratique de l?avortement clandestin comme en témoigne le nombre des poursuites et plus encore les enquêtes menées alors par les gendarmes. Autre possibilité, « l?accouchement sous X », c?est-à-dire l?anonymat absolu rendu possible par la loi du 13 décembre 1941. Les archives de nombreuses associations publiques (Le Secours national) ou privées (Ligue des mères abandonnées) témoignent de ces femmes venues accoucher loin de chez elles et le plus discrètement possible. Dans le quartier de Montparnasse à Paris, où se trouvent plusieurs des grandes maternités parisiennes, le nombre de naissances illégitimes dépasse les 50 % en 1944. Si, parmi elles, de nombreuses femmes laissent cet enfant indésirable, d?autres le gardent. L?enfant élevé ou confié à la famille, reconnu ou non par la suite par un mari de retour de captivité ou un fiancé qui légitime l?enfant d?un autre par le mariage. Enfin, très rarement, le père allemand reste présent ou réapparaît après la guerre et la captivité. On le voit, des sorts différents mais un point commun, avoir été l?enfant de l?ennemi.

Ces enfants ont aussi été un enjeu entre Vichy et les autorités allemandes. Contrairement au Danemark[2] ou à la Norvège[3], où les relations entre soldats allemands et ressortissantes de ces pays étaient encouragées au nom de la communauté raciale ; de l?Europe orientale, où au contraire les relations étaient formellement interdites pour le motif exactement inverse, la France[4] connaît une situation intermédiaire. Dans un premier temps la Wehrmacht souhaitait que les relations sexuelles soient exclusivement cantonnées dans le cadre d?une prostitution contrôlée. Face à l?impossibilité de faire respecter pareil dispositif, les relations libres avec les Françaises ont été de fait acceptées. Seule la prévention des maladies vénériennes demeurant une priorité de l?État major allemand. Ces naissances n?ont donc été, ni du côté allemand, ni du côté de Vichy, anticipées. En juillet 1941, soit un an à peine après les débuts de l?occupation, Jacques Chevalier Secrétaire d?État à la Famille et la Santé, intervient auprès de l?Amiral Darlan, Vice-président du Conseil, pour qu?une réunion extraordinaire soit organisée à propos des femmes de prisonniers de guerre. Les très faibles ressources dont elles disposent provoquant selon le secrétaire d?État « le développement considérable de la prostitution des femmes et mineures, aussi bien dans les campagnes que dans les villes, et les très nombreuses naissances survenues ou attendues en zone occupée et même en zone non-occupée d?enfants dont les pères sont des Allemands ».

Sans, qu?à ce jour, d?autres documents évoquent explicitement du côté de Vichy ces enfants, les organismes officiels comme le Secours national et La Famille du prisonnier de guerre semblent bien assister des femmes enceintes de soldats allemands.

Du côté allemand, le nombre considérable de naissance surprend les autorités d?occupation. Différents rapports évoquent 50 000 à 75 000 naissances à l?automne 1942, 80 000 au printemps 1943. Il est malheureusement impossible comment ces estimations ont été établies. Rapporté à l?ensemble de l?occupation et du territoire français le nombre de 200 000 naissances pourrait être envisagé.

Pour l?État français ces naissances devaient participer au redressement démographique du pays. Parce qu?ils étaient nés de mères françaises et sur le sol français ces enfants appartenaient à la nation. Pour les autorités de la Wehrmacht, il y avait au contraire un risque de captation de race germanique. De pères allemands et de mères françaises mais dont la qualité raciale est soulignée, ces enfants doivent être considérés comme aryens. En conclusion ces enfants doivent rester visibles aux Allemands.

Dans le même temps, en Allemagne, des relations se sont tissées entre les nombreux prisonniers de guerre, travailleurs forcés ou volontaires français et des femmes allemandes (« French Prisoners of War, German Women. War time love and after », The Home-Coming of PoW after World War II : Ideology, Family, Narrative, Bundeswehr Univesität, Hamburg, 26-29 juin 2002). Dans 80 % des cas les procédures menées par les nazis à l?encontre de prisonniers français le sont au motif de relations avec des femmes allemandes. Le risque encouru (tonte et camp de concentration pour les Allemandes, forteresse pour les Français) n?a pas empêché ces relations, imposant la clandestinité il les a certainement rendues moins visibles.

Après la Libération, plusieurs indices laissent penser que les autorités du gouvernement provisoire puis de la IVe République ont porté une attention particulière à ces enfants. Cependant, bien que de nombreuses femmes ont été déférées devant les chambres civiques au motif exclusif de relations avec les Allemands, que les procédures de divorces ont été accélérées en faveur des prisonniers de guerre au motif de l?inconduite de leur épouse, et que des mesures spécifiques ont été prises afin d?assurer le rapatriement des enfants français nés en Allemagne[5], le sort de ces enfants nés de père ou de mère allemandes ne semble pas avoir fait l?objet d?une politique particulière de la part des autorités.

Quoi qu?il en soit, on peut constater que le silence qui a accompagné le devenir de ces enfants a manifestement fait l?objet d?un large consensus à l?échelle du pays. Qu?ils aient été plusieurs milliers, dizaines de milliers, voire 200 000, ils n?ont pas fait l?objet d?un discours ou de mesures d?exclusion de la communauté nationale. On peut supposer qu?il en a été différemment du point de vue de leurs itinéraires personnels. Le 6 août 1953 quand est promulguée la loi d?amnistie, les plus âgés des enfants nés d?un parent allemand ont environ douze ans. Bien que la loi ne les concerne pas, certains d?entre eux apparaissaient dans les dossiers qui ont conduit à la condamnation de leur mère, d?autres ont été désignés comme « bébé boche ». Qu?ils connaissent ou non leur origine, leur histoire est aussi celle de la société d?après-guerre, de sa capacité à effacer ou non le souvenir de ce qui a été perçu comme une souillure et une trahison, de la manière dont elle a pu rétablir les frontières de la sphère intime, du temps mis pour résorber les bouleversements, fractures, et traumatismes vécus au cours de la guerre. La réintégration a-t-elle été possible dans les mêmes lieux, auprès des mêmes personnes, ou au contraire l?interconnaissance et la proximité ont constitué des freins à ce processus. C?est aussi à partir des itinéraires singuliers qu?il paraît possible d?interroger le silence qui entoure encore ces amours interdites.

Une étude des processus de réintégration, du devenir et du vécu de ces enfants devenus adultes passe également par une enquête orale. Les premiers entretiens ont commencé et d?autres contacts sont en cours afin de réaliser un nombre suffisamment significatif d?entretiens. (pour tout contact : [url="mailto:virgili@ihtp.cnrs.fr]virgili@ihtp.cnrs.fr[/url])

Tout indique qu?aujourd?hui ce long silence est en train de se fissurer. Depuis 1999, les demandes de recherches adressées au service de recherche des disparus de l?ancienne Wehrmacht[6] (WASt) à Berlin se sont multipliées, tout comme celles venues d?Allemagne et adressées aux Archives nationales en France. Souvent, la mort de la mère ou du beau père constitue un élément déclencheur des recherches. Le respect si souvent évoqué par ces enfants pour ne pas questionner leur mère n?a plus lieu d?être, la quête aux origines si souvent projetée peut alors commencer.Un film documentaire réalisé par Olivier Truc et Christophe Weber « Enfants de boches »[7] est un des premiers résultats de cette recherche. Il est construit autour de l?itinéraire de quatre personnes nées d?un père soldat allemand.

Enfin, la question de ces enfants dépasse largement l?histoire nationale, on en retrouve dans tous les pays occupés lors du second conflit mondial, plus largement encore dans tous les pays qui ont connu un temps d?occupation.

Fabrice Virgili

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[1] Marie-Gabrielle DERVAN, Le drame des filles mères, Paris, éditions familiales de France, 1952, 127 p.

[2] Anette WARRING, Tyskerpiger - Under besæltelse og retsopgør, København, Gyldendal, 1994, 260 p.

[3] Kare OLSEN, "Vater: Deutscher"Das Schicksal der norwegischen Lebensbornkinder und ihrer Mütter von 1940 bis heute, Frankfurt am Main, Campus Verlag, 2002.

[4] Insa MEINEN, « Wehrmacht und Prostitution - Zur Reglementierung der Geschlechterbeziehungen durch die deutsche Militärverwaltung im besetzen Frankreich 1940-1944 », in 1999, Heft 2/99, s. 35- 55.

[5] Archives du ministère de l?emploi et de la solidarité, 1976 0173 art. 124, rapatriement des enfants français nés en Allemagne.

[6] http://www.com-de.com/wast/index.htm

[7] « Enfants de boche », réalisé par Olivier Truc et Christophe Weber, conseil historique : Fabrice Virgili, une production Sunset-Presse, diffusion France3 télévision.
The Bull
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Message non lu par The Bull »

Alors là Carolina, je dis ....... WAOUW ! Bravo pour cette réponse claire et précise. !
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