
Les trois chapitres centrés sur la Seconde Guerre mondiale sont intéressants sur plusieurs points, même s’ils tendent à rejoindre l’historiographie conventionnelle dans bien des cas. Bevin Alexander note ainsi l’ineptie d’Adolf Hitler en tant que stratège militaire, mais cela a déjà été relevé par de nombreux auteurs. Hitler était incapable de concevoir une stratégie indirecte à la manière de Sun Tzu, ce qui l’a conduit à lancer une offensive prévisible et trop ambitieuse visant à la fois Stalingrad et le Caucase, avec les résultats désastreux que l’on sait. Alexander lui oppose Erich von Manstein, qui ne cessa d’en user – que ce soit en France en 1940, ou en Russie en 1943 – pour surprendre ses ennemis, mais dont les efforts furent constamment entravés par Hitler lui-même. En ce sens, l’historien américain rejoint pour l’essentiel le point de vue de Manstein lui-même dans son autobiographie : l’ingérence d’Hitler dans les affaires militaires a coûté à l’Allemagne des succès décisifs. Or, Sun Tzu tenait expressément à ce que les dirigeants politiques n’interfèrent jamais avec les généraux commandant leurs armées. Seul bémol : Alexander aurait pu s’interroger davantage sur les sources de l’aversion d’Hitler pour l’approche indirecte, à laquelle ses idées sur la supériorité de la «race aryenne» n’étaient probablement pas étrangères, plutôt que de les attribuer simplement à l’incompétence, voire à une folie loin d’être démontrée.
Les erreurs de commandement alliés ne sont pas laissées de côté pour autant, particulièrement en Normandie en 1944. Alexander y oppose l’agressivité d’un Patton à la rigidité de ses supérieurs – Bradley, Montgomery et Eisenhower. Il y estime que les Alliés ont manqué deux occasions sérieuses d’écourter la guerre. La première s’est présentée lorsque les Allemands ont lancé une contre-attaque prématurée et hasardeuse entre Avranches et Mortain, pour tenter justement d’enrayer la percée réalisée par Patton dans ce secteur. Il aurait alors été possible d’encercler et de détruire les forces allemandes de la poche de Falaise en poussant vigoureusement vers l’est – mais le commandement allié envoya Patton dans la direction opposée, dans un effort futile pour s’emparer des ports bretons. La seconde aurait été de permettre ensuite à Patton de mener ses blindés en Allemagne en suivant un front étroit, en lui donnant priorité dans l’attribution du ravitaillement. Au lieu de cela, les Alliés s’en tinrent à leur plan initial d’une progression sur un front large, et les chars de Patton durent s’arrêter faute d’essence. Comme Alexander le fait remarquer, des mois et de nombreuses vies auraient pu être gagnés sans un incident anodin survenu en juillet 1943 : la gifle administrée par Patton à deux soldats victimes de stress post-traumatique, qu’il tenait à tort pour des simulateurs, et qui le cantonna à une position relativement subalterne dans la chaîne de commandement alliée.
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