
De premiers repérages ont eu lieu en août dernier. Ici près d'un tank Sherman
Au fond de la Manche, tout un pan du Débarquement est resté figé. Bateaux, tanks, avions... 100 à 200 épaves gisent à 30 m de profondeur. Des plongeurs archéologues internationaux vont les explorer cet été.
Du D-Day, il nous reste les plages, des blockhaus, les musées. Et tout un héritage que l'on aurait tendance à oublier... au fond de la Manche. Des tanks et des bateaux qui n'ont pas eu le temps de frôler le sable normand ce 6 juin 1944. « Difficile de s'imaginer que sous nos yeux se trouve une flotte engloutie »,souligne Sylvain Pascaud, 50 ans, à l'origine d'une expédition inédite.
Il y a deux ans, ce spécialiste des abysses travaillait comme consultant à la recherche de l'épave du vol Rio - Paris. Avec les plongeurs de l'institut américain Woods Hole, réputé pour avoir localisé le Titanic en 1985, ils décident de développer cette technologie sous-marine de pointe, « au service d'un lieu chargé d'histoire ».
« Nous voulons reconstituer le puzzle de l'opération Neptune, l'histoire de ces milliers de bateaux arrivés en 48 heures, pour acheminer 200 000 hommes. Historiens, archéologues... Tous ont une idée globale du Débarquement. Nous connaissons l'existence de quelques épaves. Notre objectif : réaliser un recensement exhaustif. Ce sera une première. »
En juillet prochain, des robots scruteront les moindres reliefs de ces 450 km² sous-marins face aux cinq plages du Débarquement, pour dessiner une cartographie sous-marine. En août, les machines laisseront place aux hommes. Une vingtaine de plongeurs internationaux, notamment des Français de la Direction régionale des antiquités sous-marines (Drasme), exploreront ce patrimoine figé à 30 m de profondeur.
Des bateaux, des avions, mais aussi des tanks Sherman, dont 34 des 37 qui ont coulé restent à identifier. Dans sa globalité, ce projet titanesque annonce une enveloppe budgétaire frisant les trois millions d'euros.
Des premiers repérages ont été effectués en août dernier. « Nous avons vérifié les courants, réglé la logistique nécessaire à l'imagerie acoustique. Les quelques endroits scrutés nous laissent imaginer la présence de 100 à 200 épaves. »
Pour enrichir les données scientifiques, des vétérans seront invités à descendre à bord d'un bathyscaphe auprès des engins. « La mission Neptune était extrêmement réfléchie. De nombreux engins ont été inventés ou modifiés. Nous nous concentrerons sur huit ou neuf épaves représentatives de cette créativité. Pour chacune, nous tenterons de retrouver un vétéran lié à ce type de machine et l'inviterons à raconter ses souvenirs. »
Plongée réelle mais aussi virtuelle. La société française de production MC4, en collaboration avec Dassault System, va reconstruire en images de synthèse le port d'Arromanches, les engins militaires rongés par la rouille...
Toujours grâce à la magie de la 3D, « nous allons vider la mer en images de synthèse, comme si la marée se retirait, pour laisser apparaître ce cimetière marin », expliqueNicolas Deschamps, producteur à MC4.
Le grand public pourra découvrir ces images à l'occasion du 70e anniversaire du Débarquement, dans un documentaire annoncé en première partie de soirée, sur une chaîne du service public.
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