Juin 1944. Le débarquement en Normandie vient d’avoir lieu. Des avions forteresses survolent la Normandie. L’un d’eux, en difficulté, largue une vingtaine de parachutistes américains, ce 25 juin, à proximité de la commune de Saint-Jean-de-la-Forêt.
Ce jour-là, un dimanche matin à 6 h 30, Roger Bellanger, vingt-trois ans, est chargé par son patron agriculteur de livrer deux bœufs qui avaient été réquisitionnés.
«On courait après les bœufs, et tout d’un coup, dans un chemin creux, je me suis trouvé nez à nez avec un parachutiste qui repliait sa toile précipitamment. Je ne parlais pas anglais mais il m’a donné un message, que j’ai fait traduire. Puis, je suis retourné sur les lieux pour le récupérer, mais il n’était plus là ! J’ai attendu une bonne vingtaine de minutes en sifflotant, avant qu’il ne se montre. On a alors mis le parachute dans un sac à pommes, et je l’ai emmené à la ferme Gouin où il est resté une semaine. Comme il n’avait pas de vêtement civil, je lui ai donné le seul costume que j’avais. Il a ensuite été récupéré par le Dr Giraud de Nocé, et début août il a été remis à une patrouille américaine. J’ai appris par la suite que le sergent Laverne H. Deatrich était opérateur radio de bombardier.»
Requis pour le travail obligatoire par une entreprise belge qui fabriquait des parpaings en béton pour la construction d’ouvrages militaires en bord de mer, Roger Bellanger s’était enfui en avril 1943. Recherché par les Allemands, il avait été recueilli par les époux Gouin, agriculteurs.
«En décembre 1944, je me suis engagé dans l’Armée de l’air française car je voulais être pilote mais cela n’a pu se faire faute de moyens financiers. J’ai donc retrouvé la vie civile en 1946. J’ai créé mon entreprise et me suis engagé dans la vie de la commune, premier adjoint dès 1959, maire en 1978 jusqu’aux dernières élections. Et jusqu’en 1974, je n’ai pas eu de nouvelles de Laverne Deatrich. J’ai appris que les Gouin avaient reçu un courrier. Je suis allé les voir et ils m’ont remis la lettre qui venait de Pennsylvanie. J’ai alors envoyé un courrier recommandé là-bas que Laverne a bien reçu. Nous avons échangé une correspondance suivie jusqu’en 1998, année de son décès.»
Ensuite plus rien pendant une quinzaine d’années, jusqu’à ce matin d’hiver, le 4 février 2013.
«Quelle ne fut pas ma surprise de recevoir une lettre venant des Etats-Unis, et signée Dylan Deatrich, le petit-fils de Laverne !» Ce dernier ayant retrouvé les correspondances entre Roger Bellanger et Laverne Deatrich, a décidé de reprendre contact avec le sauveur de son grand-père, car écrit-il, «sans votre courage, je ne serais pas là aujourd’hui. Nous avons décidé de nous rendre en France avec Jen, ma femme, pour notre dixième anniversaire de mariage. Nos destinations sont Paris, Blois, et Bayeux. En regardant sur la carte, nous avons eu la surprise de voir que Bellême se situait au milieu ! Cela serait un grand honneur pour nous de revenir sur les lieux du sauvetage de mon grand-père et de remercier Roger.»
Ce qui sera chose faite le 30 septembre prochain, puisque la famille Deatrich sera reçue officiellement à la mairie de Bellême. Un grand moment d’émotion certainement pour Roger Bellanger, qui fêtera bientôt ses quatre-vingt-douze ans.
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