
Daniel Fischer, un des derniers survivants des 950 Alsaciens incorporés de force dans les Waffen SS le 11 février 1944, montrant la lettre du chef de sa compagnie annonçant sa disparition à ses parents.
« Nous n’étions pas volontaires, on nous a forcés à porter l’uniforme des SS » : Daniel Fischer, l’un des derniers survivants des Malgré-Nous de la classe 26 incorporés en 1944 dans la division Das Reich, ne veut pas que cette triste histoire tombe dans l’oubli.
« On nous a soupçonnés à tort d’être des nazis », se révolte encore aujourd’hui Daniel Fischer, un vaillant retraité mulhousien qui fêtera son 85 e anniversaire le 26 mai prochain.
Il y a 67 ans, le 11 février 1944, il avait été incorporé de force, à 17 ans et demi, avec 950 autres jeunes Alsaciens de la classe 1926 dans les Waffen SS. Comme la plupart de ces Malgré-Nous, il a été envoyé dans une unité de la tristement célèbre division Das Reich, en cours de reconstitution après avoir subi de lourdes pertes sur le front russe. 700 de ces jeunes Alsaciens ont été tués lors des combats de la fin de la guerre. Ceux qui sont revenus ont dû leur vie sauve parce qu’ils ont déserté et se sont rendus aux Alliés en signalant qu’ils étaient des Français enrôlés de force. C’était le cas du Panzer-Grenadier Daniel Fischer.
De cet épisode qui a marqué profondément sa vie, il ne possède plus qu’un seul document allemand, la lettre envoyée par l’ Untersturmführer (sous-lieutenant) H. Bastian, le chef de sa compagnie, à ses parents à Guebwiller pour leur annoncer sa disparition le 13 septembre 1944. « C’était la débâcle, nous étions en patrouille dans un village près de Malmédy, en Belgique, quand nous avons été surpris par un détachement américain encadré par des chars Sherman. » Les Américains ont tiré un obus au phosphore sur la grange où s’il était réfugié. « Je suis sorti quand mes vêtements ont commencé à flamber en brandissant un mouchoir blanc et en me dirigeant vers un Sherman dont la mitrailleuse était braquée sur moi. C’était les plus longues minutes de ma vie. »
Le soldat Fischer a eu beaucoup de chance. Il s’est rendu à un détachement des forces spéciales qui ne faisaient pas de prisonniers d’habitude, surtout pas des soldats portant l’uniforme noir des SS. Mais il y avait parmi eux un Américain parlant français auquel il a montré un insigne métallique avec un drapeau français et anglais pour prouver son statut d’enrôlé de force.
« Heureusement que dans leur désorganisation, les Allemands n’avaient pas pris le temps de nous tatouer le groupe sanguin sur la base du cou, comme c’était l’usage chez les SS », se souvient Daniel Fischer. Après deux mois de captivité et de nombreux interrogatoires par les services de renseignements militaires américains et français, il a été libéré le 27 octobre 1944. 67 ans plus tard, les horreurs de la guerre hantent toujours sa vie.
Sur les 250 rescapés des incorporés de force du 11 février 1944, il n’en reste plus qu’une dizaine en vie, partageant le même traumatisme : « Les militaires allemands ne nous faisaient pas confiance parce que nous étions des Français. Et les civils allemands et français nous haïssaient parce que nous portions un uniforme honni par tous. »
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