Menacée par l’érosion naturelle et une importante activité humaine (essentiellement touristique), le célèbre site historique de la pointe du Hoc pourrait disparaître dans les vingt prochaines années si rien n’est fait pour le protéger.
Photo : D-Day Overlord
27 avril 2019 : la pointe du Hoc aura-t-elle disparu dans 20 ans ?
Auteur : Marc Laurenceau
Avec plus d’un demi-million de visiteurs par an, le site gratuit de la pointe du Hoc est l’un des lieux historiques les plus fréquentés en Normandie. Rendu célèbre par le film Le Jour le plus long, ce champ de bataille fut l’objet de violents combats du 6 au 8 juin 1944 entre les défenseurs allemands et les Rangers américains. Si la localisation de la pointe du Hoc n’est pas prête de disparaître de sitôt, ce n’est pas le cas de son site historique : les bunkers les plus proches des falaises sont menacés par l’érosion.
La falaise s’est érodée naturellement et a reculé d’une dizaine de mètres au cours des 70 dernières années, menaçant à terme les vestiges de la Seconde Guerre mondiale situés au sommet de la pointe. Afin de conserver le pouvoir évocateur des lieux et de permettre aux visiteurs de se rendre sur le site en toute sécurité, le Conservatoire du Littoral (propriétaire du lieu) et l’ABMC (American Battle Monument Commission, qui en assure la gestion dans le cadre d’un traité franco-américain signé en 1956) ont jugé nécessaire d’intervenir une première fois en 2010 (le résultat de ces travaux peut être consulté ici). Le financement de cette première opération de grande envergure a été entièrement assuré par le gouvernement américain.
Près de dix ans plus tard, à la veille des commémorations du 75e anniversaire du débarquement, l’ABMC sonne à nouveau le signal d’alarme : a priori, les travaux réalisés ne suffisent pas à lutter contre l’ensemble des phénomènes qui participent à la fragilisation de cet espace historique. Scott Desjardins, grand gouverneur des sites américains du Débarquement, a déclaré le 25 avril 2019 aux journalistes de Tendance Ouest : « Si rien n’est fait, dans 20 ans le site n’existe plus« . Selon lui, des travaux supplémentaires doivent être réalisés, avec l’intégration de nouvelles structures métalliques dans le rocher ainsi que la mise en place d’un béton spécial pour stopper ou au moins limiter le phénomène d’érosion. Autre problème identifié : le caractère totalement ouvert du site. Malgré la mise en place de chemins dédiés aux visiteurs, la totalité du site peut être visitée et le piétinement des installations augmente la fragilisation des infrastructures et du terrain, usés par le temps et les hommes. Scott Desjardins propose que des passerelles soient installées sur l’ensemble des vestiges de la batterie d’artillerie allemande.
Les travaux de sécurisation du site de la pointe du Hoc autour du poste de direction des tirs, en 2010.
Photo : GTS
Pour améliorer la visite du site malgré ces nouvelles infrastructures contraignantes, l’ABMC propose de développer un dispositif de réalité augmentée, qui doit permettre de visualiser le champ de bataille ainsi que les bunkers tels qu’ils étaient en 1944. Egalement, afin de répondre à une fréquentation toujours grandissante de cet espace historique, Scott Desjardins envisage la construction d’un nouveau centre d’accueil et de réaménager le parking actuel, qui s’avère rapidement complet durant la période estivale.
Afin de coordonner l’ensemble des travaux ainsi que les financements qui en découlent (et qui sont essentiellement américains), l’organisation de l’ABMC envisage de proposer à la France de bénéficier sur le site de la pointe du Hoc du même statut de gestion dont elle bénéficie au cimetière américain de Colleville-sur-Mer, à savoir une concession perpétuelle confiée par l’Etat français aux Etats-Unis. Cette proposition n’est à ce jour pas actée mais pourrait faire l’objet de discussions entre l’organisation américaine et le département du Calvados. Le site étant libre d’accès et les fonds pour la consolidation de cet espace historique étant américains, la Normandie a tout intérêt à accepter cette initiative.
Ainsi, le tourisme de mémoire est amené à évoluer dans les prochaines années à la pointe du Hoc. Dans vingt ans, il n’est pas certain que ce champ de bataille pourra être visité aussi librement qu’aujourd’hui, mais tel est le prix à payer pour qu’il puisse être conservé en l’état aussi longtemps que possible.
Vue générale du site historique de la pointe du Hoc en direction de l’est.
Photo : D-Day Overlord