A l’origine de l’opération Jupiter
Suite à l’opération Epsom à l’ouest de Caen, la ville n’est pas tombée aux mains des Alliés et quelques positions importantes demeurent sous contrôle des forces allemandes.
C’est en particulier le cas de la cote 112, un petit point haut situé à l’ouest de Caen et au sud-est du village de Baron-sur-Odon. C’est le verrou de la région qui permet d’accéder aux plaines sud de Caen et qui offre une vue particulièrement importante sur l’ensemble du secteur. Pour les Alliés comme pour les Allemands, c’est le point clé du terrain qu’il faut contrôler.
A cet effet, les Britanniques attaquent une première fois la cote 112 qui est atteinte le 28 juin 1944 par la 11ème division blindée britannique (en particulier la 8ème Rifle Brigade et les chars du 3ème Royal Tank Regiment) mais qui doit se replier suite aux contre-attaques allemandes de la 9ème S.S. « Hohenstaufen » et de la 10ème S.S. « Frunsberg ».
Une nouvelle opération est alors mise sur pied pour reprendre définitivement la cote 112 afin d’éviter une éventuelle percée des troupes allemandes. La prise de ce point clé du terrain permet également d’assurer la progression des Alliés entre les deux rivières Orne et Odon, à l’ouest de Caen. Cette opération prend le nom de code « Jupiter » et est prévue pour le 10 juillet 1944. Le 8ème corps britannique, commandé par le général O’Connor, est le fer de lance de cette attaque avec la 43ème Wessex Infantry Division.
Déroulement de l’opération Jupiter
L’opération Jupiter débute le 10 juillet 1944 à cinq heures du matin par un imposant barrage d’artillerie. Les soldats britanniques de la 129ème brigade, qui se sont réveillés plus tôt dans la nuit, se sont placés sur leur base de départ et se préparent à l’assaut, appuyés par des chars Churchill. Les artilleries se livrent à des duels incessants de barrages et contre-barrages, batteries et contre-batteries, qui font de lourdes dans chaque camp. L’infanterie alliée se rue dans la bataille, à l’image des combats de la Première Guerre mondiale.
Les soldats du 43rd Wessex Infantry Division se lancent à l’assaut. |
Le 5th Wiltshire progresse au sud en direction d’Esquay-Notre-Dame tandis que sur son flanc gauche, le 4th Somerset a pour objectif le sommet de la cote 112 et en particulier la Croix des Filandriers, en suivant le chemin du Haussé dit du « Duc Guillaume ». Il est accompagné sur son flanc gauche par le 4th Wiltshire tandis que le 5th Duke of Cornwall’s est en réserve. Les S.S. de la 9ème « Hohenstaufen » laissent passer les premiers fantassins adverses avant de les attaquer à revers : les Britanniques ne parviennent pas à dépasser la Croix des Filandriers, à 1 500 mètres de leur point de départ.
Des chars Churchill appartenant au 31st Tank Battalion. |
Dans le même temps, la 214ème brigade britannique (composée du 7th Royal Hampshire et du 4th Dorsetshire) et le 9th Cameronians de la 46ème brigade écossaise attaquent en direction d’Eterville, un village situé au nord-est de la cote 112. Ils l’atteignent et le nettoie vers huit heures mais ils sont, eux aussi, stoppés par la puissante artillerie allemande, directe et indirecte : canons de 88 mm, mortiers, roquettes Nebelwerfer, chars Tigre et Panther… Le 7th Royal Hampshire atteint le village de Maltot, à l’est de la cote 112, malgré ce déluge d’acier, mais doit se replier car sa situation est plus que critique et ses pertes sont trop importantes.
En début de soirée, le 5th Duke of Cornwall’s, jusqu’alors en réserve, part à l’assaut en direction du bois qui se situe sur le flanc est de la cote 112, le Bois Carré (que les Allemands appellent le bois des « demi arbres » en raison des effets de l’artillerie, active dans le secteur depuis la fin de juin 1944). Pris sous le feu des mitrailleuses et des canons allemands, il subit à son tour de lourdes pertes et les blessés sont évacués vers l’arrière tant bien que mal. Le Bois Carré est atteint par les Britanniques qui s’y enterrent à la tombée de la nuit pour se protéger des obus et des contre-attaques adverses. Ces dernières se prolongent toute la soirée et toute la nuit jusqu’au lendemain matin.
Artilleurs allemands mettant en oeuvre un Nebelwerfer. |
Le capitaine (à titre temporaire) David Willcocks du 5th Duke of Cornwall’s Light Infantry s’est tout particulièrement illustré pendant cette nuit de combats en demandant et guidant des tirs d’artillerie qui ont infligé de lourdes pertes et brisé les attaques allemandes. 250 pertes sont à déplorer pour son régiment pendant la nuit, notamment son chef de corps et un des commandants d’unité. Il a pris le commandement de l’état-major du régiment et a organisé la défense, permettant à ses hommes de tenir bon dans la tempête d’acier qui s’abattait sur eux. Pour cette action, il a été décoré de la Military Cross, l’une des plus prestigieuses médailles militaires de l’armée britannique.
La pression est telle que les Britanniques n’ont que le choix du repli s’ils veulent conserver des hommes et du matériel pour relancer l’action plus tard. Appuyés par les chars Sherman appartenant aux Scot Greys, les hommes de la 43ème division d’infanterie Wessex battent en retraite jusqu’à leur point de départ pendant toute l’après-midi du 11 juillet 1944.
Conclusion de l’opération Jupiter
En l’espace de 36 heures, les Britanniques perdent près de 2 000 soldats, tués, blessés, portés disparus ou prisonniers. Ce lourd rapport a pour conséquence un manque en moyens humains durant les jours qui suivent pour les forces britanniques, qui doivent rééquiper leurs unités en hommes et en matériel au plus vite. Les pertes allemandes sont inconnues.
Si les Britanniques ne sont pas restés sur la cote 112, les Allemands ne sont pas non plus parvenus à y retourner. La colline devient alors un no man’s land dont les hauteurs ne profitent à personne. Cependant, le constat de la journée du 10 juillet 1944 est positif dans son ensemble : plusieurs villages sont tombés dans les mains des Alliés à la suite de l’opération Jupiter.
De plus, les Allemands souhaitaient retirer du front la 9ème S.S. « Hohenstaufen » pour la recompléter en hommes et en équipement afin de former une force de réserve opérationnelle particulièrement solide. L’attaque de Jupiter a maintenu cette division sur le front, empêchant les Allemands d’accomplir leurs objectifs stratégiques.
Ce n’est que le 4 août 1944 que les Alliés se rendent définitivement maîtres de la cote 112.