Opération Dingson.
Opération Samwest.
Plan Bleu : sabotage des lignes à haute tension.
Plan Jaune : destruction des organes de commandement ennemis.
Plan Noir : destruction des dépôts de carburant.
Plan Rouge : destruction des dépôts de munitions.
Plan Tortue : neutralisation des axes routiers.
Plan Violet : sabotage des lignes PTT.
Plan Vert : sabotage des lignes de chemin de fer.
Opérations annexes après le Jour J
Opération Helmsman : collecte de renseignement au sud de la Basse-Normandie en juillet 1944.
Il n’est pas aisé de définir le contour exact de l’organisation et des actions des réseaux de la résistance française, leur principe d’organisation reposant sur le secret et l’absence d’archives. Il est néanmoins certain que les résistants ont joué un rôle essentiel durant l’opération Overlord, qui a débuté le 6 juin 1944 par l’assaut de la « forteresse Europe ».
Selon le général William Donovan, chef de l’Office of Strategic Services (agence de renseignement américain), 80% des renseignements utiles lors du débarquement de Normandie ont été fournis par la résistance française. Leur rôle, souvent méconnu, mérite que l’on y prête une attention plus précise.
Les origines de la résistance en Normandie
L’occupation allemande de la Normandie débute en juin 1940, quatre ans exactement avant le « D-Day ». Les premières actions de résistance française débutent aussitôt, à l’instar de la destruction le 22 juin du câble téléphonique reliant l’aérodrome de Boos et le quartier général allemand de Rouen par Etienne Achavanne : le résistant de 48 ans est finalement arrêté puis fusillé le 4 juillet 1940. Dans les mois qui suivent, les premiers réseaux voient le jour et s’adaptent à l’occupant. Ils décident de s’organiser pour évacuer les aviateurs alliés tombés en Normandie ou encore de frapper les axes de communication comme les lignes de chemin de fer. C’est ainsi que le « groupe Morpain », initié par Gérard Morpain près du Havre, ou encore la composante normande du réseau « Alliance » voient le jour.
Photo du déraillement du train Maastricht-Cherbourg le 16 avril 1942 à Airan, suite au déboulonnage des rails sur plusieurs mètres par la résistance. 28 morts et 19 blessés sont enregistrés parmis les soldats allemands de la Kriegsmarine, revenant de permission.
Photo : DR
La Normandie n’est cependant pas idéale pour le développement de zones refuges (« maquis ») en raison de sa géographie et son absence de plateaux difficiles d’accès comme dans les Alpes ou dans les Pyrénées. Mais certains sites secrets voient tout de même le jour, s’appuyant sur les grandes forêts de la région, comme les maquis du Champ-du-Boult (commandant Berjon) et « Surcouf » (commandant Leblanc).
Le 16 février 1943, le gouvernement de Vichy instaure le S.T.O., le Service du Travail Obligatoire, qui oblige des milliers des Français à travailler pour l’Allemagne nazie. Cette loi pousse de nombreux volontaires dans les rangs de la résistance, qui atteignent les effectifs d’environ dix mille hommes et femmes (dont deux mille combattants) en Normandie. Face à cette montée en puissance soudaine, les Allemands réagissent via sa police secrète, la Gestapo, qui organise plusieurs arrestations s’attaquant aux principaux réseaux à la fin de l’année 1943, à l’instar des réseaux « Alliance » et « Zéro-France ».
La résistance française souffre en outre d’une multitude d’organisations et de comités, dont le nombre dilue en partie l’effort d’opposition contre l’occupant. L’absence claire et affichée d’unicité de commandement ne permet pas aux résistants d’agir avec toute l’étendue de leur potentiel : les oppositions politiques régionales et nationales, notamment entre communistes et gaullistes, mais également entre les groupes locaux et ceux soutenus par les britanniques, minent les relations des combattants.
Néanmoins, le 1er février 1944, les différents réseaux et mouvements parviennent à fusionner pour donner naissance aux forces françaises de l’intérieur (F.F.I.).
Les relations entre la résistance normande et les Alliés
Lorsque les Alliés préparent leur « invasion » de la France occupée, dès la conférence de Téhéran à compter du 28 novembre 1943, la résistance française leur apparait à juste titre comme encore particulièrement nébuleuse. En conséquence, les Alliés décident d’emblée de préparer les opérations militaires sans prendre en compte le potentiel militaire des réseaux existants. S’ils acceptent volontiers d’analyser les renseignements transmis, il n’est pas question de leur attribuer une quelconque responsabilité dans la conduite d’actions tactiques essentielles, strictement réservées aux forces militaires conventionnelles alliées. Le représentant de la France libre, le général de Gaulle, n’est même pas tenu informé des préparatifs précis de l’Opération Overlord.
Les services de renseignement alliés imaginent toutefois une série d’actions clandestines réalisées par la résistance afin de faciliter le déroulement des opérations militaires à compter du « Jour J ». Ces plans de sabotage (comme les plans Tortue, Bleu, Violet, Rouge ou encore Vert) sont coordonnés en France par le Bureau Central de Renseignements et d’Action (B.C.R.A.), le service de renseignement et d’opérations clandestines de la France libre.
La communication, point clé pour la résistance, fait l’objet d’une attention particulière avec de nombreux stratagèmes, aussi bien entre les résistants qu’avec les Alliés. Les messages à destination de Londres sont envoyés par l’intermédiaire de pigeons voyageurs et de radios-émetteurs, tandis que les Alliés diffusent de nombreuses informations aux réseaux grâce aux « messages personnels » grâce à l’émission « Radio-Londres » de la British Broadcasting Corporation (B.B.C.).
Franck Bauer, l’une des fameuses voix de l’émission Radio-Londres diffusée sur la BBC, comprenant les fameux « messages personnels » des Français qui « parlent aux Français ».
Photo : DR
En raison du caractère secret de leur organisation, les résistants enregistrent un manque cruel de moyens antichar et de mitrailleuses lourdes, que les Alliés cherchent à combler par le parachutage d’armes et d’équipements. Des agents spécialistes en transmissions, démolition ou encore armements sont également largués en France, par l’intermédiaire du S.O.E. (Special Operations Executive). Ce commandement britannique des opérations spéciales, mis en place par Winston Churchill, agit également dans les pays neutres comme en Espagne. Surnommés « Jedburghs » et organisés en équipe de trois, ces agents ont pour mission de soutenir et conseiller les résistants d’Europe : ils sont chargés de renseigner sur les actions Alliés, de préparer les ravitaillements en armes, munitions et autres matériels ainsi que d’installer un système de communication viable. Les « Jedburghs » sont en mesure, si nécessaire, de prendre le commandement des unités locales de résistance.
Les Alliés ne limitent pas leurs préparatifs à la seule Normandie : ils planifient également des actions dans toute la France afin de ralentir la progression des renforts allemands. Ils souhaitent également éviter les sabotages systématiques, afin de conserver certaines infrastructures pouvant être utiles aux armées de la libération. A cet effet, des consignes précises sont transmises à la résistance.
Les renseignements apportés par la résistance
Les principaux faits d’armes de la résistance normande avant le début de l’opération Overlord relèvent essentiellement de l’acquisition du renseignement. Si les Alliés ne s’abstiennent pas de réaliser des millions de clichés des futures plages de débarquement et des zones d’atterrissage, ils réceptionnent de nombreuses informations sur le terrain, les infrastructures, le matériel et le moral de l’occupant.
Dès le début de l’année 1942, les Allemands entament la construction du « Mur de l’Atlantique » contre l’éventualité d’un assaut amphibie allié depuis l’Angleterre. Ils installent des milliers de positions défensives en s’appuyant notamment sur la main-d’œuvre locale : en Normandie, des résistants s’engagent dans les différents chantiers afin d’établir secrètement des plans de ces installations ; certains en profitent pour glisser des morceaux de sucre dans les bétonnières pour réduire la solidité du béton des bunkers construits le long de la côte. Des copies de ces plans parviennent ensuite en Angleterre où ils sont analysés et mis à jour par les services de renseignement.
Les informations obtenues par les résistants permettent également aux Alliés d’affiner leur degré de connaissance des unités allemandes présentes en Normandie : les ordres de bataille et l’historique des différentes divisions présentes sont détaillés jusqu’au niveau des compagnies, permettant une estimation de leur valeur combattante. Ainsi, les résistants informent Londres de l’arrivée dans le Calvados de la 352e division d’infanterie allemande à compter du 15 mars 1944, une unité aguerrie par de longs mois de combats sur le front russe et qui représente un redoutable adversaire pour les forces alliées.
Le capitaine Kenneth Johnson de la HQ Co du 508th PIR (82nd Airborne Division), interroge les civils à Ravenoville. Son regard témoigne d’une certaine méfiance vis-à-vis des Normands.
Photo : US National Archives
Les actions de la résistance le Jour J
Afin d’augmenter les chances de réussite de l’opération Overlord, les réseaux français reçoivent une succession d’ordres pour entrer en action, essentiellement par l’intermédiaire des « messages personnels » de la B.B.C. Chaque phrase codée est adressée à un réseau en particulier, qui en connait la signification et la date d’exécution, afin de débuter les actions de sabotage et désorganiser les forces allemandes. Ainsi, du 1er au 3 juin 1944, la première partie du vers de Trenet (inspiré par Verlaine) est diffusée sur les ondes : « Les sanglots long des violons de l’automne… », en même temps que 160 autres « messages personnels ». Ces codes signifient que certains résistants (ici le réseau « Ventriloquist », installé en Sologne) doivent se tenir prêts à réaliser leurs actions de sabotage. Le 5 juin 1944 à 21h15, les suites des messages sont diffusées : « …Bercent mon cœur d’une langueur monotone » : les résistants ont 48 heures pour réaliser les destructions. Par déduction, certains réseaux ont probablement établi que l’opération Overlord allait avoir lieu dans les prochaines 48 heures suivantes.
Au lever du jour, le mardi 6 juin 1944, après le choc des bombardements et des premiers combats, des membres des réseaux de résistance se sont spontanément portés à la rencontre des forces alliées, parfois pour leur servir d’éclaireurs. Leur excellente connaissance du terrain représentait une plus-value indéniable pour les troupes débarquées et les unités aéroportées. Cependant, les Alliés se méfiaient des renseignements qu’ils pouvaient obtenir de la population française et cherchaient d’abord à s’assurer que leurs interlocuteurs n’étaient pas de collaborateurs qui pouvaient opérer comme agents doubles. Plusieurs Normands qui s’approchaient des soldats libérateurs ont ainsi été abattus par erreur : c’est le cas de Michel de Vallavieille, âgé de 24 ans et futur maire du village de Sainte-Marie-du-Mont, pris pour cible par des soldats américains dans le secteur d’Utah Beach puis laissé pour mort. Gustave Joret, ouvrier agricole qui donne dès le 7 juin à Surrain des informations aux Alliés, est blessé le même jour par un soldat américain alors qu’il rejoignait un abri lors d’un bombardement. Il meurt de ses blessures le 12 juin 1944.
Au total, près de 1 000 sabotages sont réalisés par la résistance du 5 au 6 juin 1944. Les risques encourus par les résistants lors de ces actions étaient particulièrement élevés : un grand nombre d’entre eux n’avait que très peu de connaissances militaires, et ils se sont opposés à une armée entraînée, aguerrie et bien mieux équipée. Au soir du 6 juin 1944, les pertes de la résistance sont estimées à 124 tués, blessés, disparus ou faits prisonniers.
Cependant, le caractère soudain et massif de ces sabotages a profondément surpris et participé à désorganiser les forces allemandes.
7 juin 1944 : un lieutenant appartenant aux Civil Affairs du 5ème corps américain s’entretient avec Gustave Joret dans le secteur de Surrain, seulement quelques heures avant d’être grièvement blessé par un soldat américain. Il meurt des suites de sa blessure le 12 juin 1944.
Photo : US National Archives
Le drame de la prison de Caen
Le Jour-J, plusieurs dizaines de résistants français sont détenus par les Allemands dans la prison de Caen. Alors que les bombardements aériens s’ajoutent à la crainte de voir les forces alliées atteindre la capitale de Basse-Normandie, les geôliers ne veulent pas que les prisonniers s’enfuient pour rejoindre les assaillants. Initialement, ils envisagent de les transférer par train dans un établissement pénitentiaire de la région parisienne. Mais les lignes ferroviaires ont subi de telles dégradations que tout déplacement par ce moyen est impossible.
Les Allemands reçoivent alors l’ordre de la Gestapo de Rouen : ils doivent fusiller les prisonniers. 87 résistants (le plus jeune n’ayant que 18 ans) sont ainsi passés par les armes, par rangs de 6, dans la cour de la prison. Ces exécutions sont effectuées en plusieurs fois, une partie en fin de matinée, puis en début d’après-midi.
Les corps sont ensuite jetés dans une fosse commune. Alors que les forces anglo-canadiennes tardent à s’emparer de Caen, les résistants sont finalement exhumés le 29 juin 1944 puis déplacés en camion vers un endroit toujours inconnu à ce jour.
L’une des cours de la prison de Caen où ont été fusillés 87 résistants le 6 juin 1944.
Photo : DR
Le rôle de la résistance pendant la bataille de Normandie
Après le débarquement, les résistants ont continué à fournir du renseignement aux Alliés pendant toute la durée de la bataille de Normandie. Au début du mois de juillet 1944, alors que le front stagne en même temps qu’il s’engage dans la guerre des haies, l’acquisition d’informations sur les positions et dispositifs allemands reste limitée ; les Alliés demandent à la résistance, via le S.O.E., d’obtenir un maximum de renseignements. Du 12 au 21 juillet, 31 résistants fournissent des informations qui sont aussitôt exploitées par les Américains : bombardant les regroupements de blindés au sud de la Manche, ils percent le front dans le cadre de l’opération Cobra dès le 25 juillet.
Afin de limiter l’arrivée des futurs renforts allemands vers la Normandie après le débarquement, des commandos français ont été notamment parachutés au-dessus de la Bretagne. Ces opérations annexes se sont déroulées en juin (baptisées Cooney Parties, Lost et Grock) et en août 1944 (Derry), avec la participation de 538 parachutistes des Special Air Service (S.A.S.). Ils ont coordonné les différents réseaux de résistants pour lutter efficacement contre l’occupant.
Les résistants français de la compagnie Morin au maquis de Saint-Marcel en Bretagne.
Photo : DR
Sa faiblesse structurelle et son manque de moyens ont paradoxalement fait la force de la résistance française, car les Allemands ont dépensé une éprouvante énergie à comprendre son organisation et le contour exact de ses nombreux dispositifs, sans jamais parvenir à mettre un terme à leurs activités.
Le général Eisenhower, commandant en chef des armées alliées en Europe et trente-quatrième président des Etats-Unis, devait faire le choix entre coordonner davantage les actions de la résistance française ou privilégier les actions à outrance lors du déclenchement de l’opération Overlord. Parce qu’il avait du mal à cacher ses inquiétudes quant au succès de cet audacieux assaut, il a finalement fait le choix des sabotages de masse, au risque d’endommager des infrastructures potentiellement utiles à la suite de la guerre.
L’impact précis de la résistance dans le déroulement du débarquement de Normandie n’est pas quantifiable, mais il ne fait aucun doute qu’il a joué un rôle prépondérant dans le succès des armées alliées. Selon Eisenhower, la résistance française a été d’une valeur inestimable pendant la libération de l’Europe en 1944 : sans son aide prépondérante, les combats en France auraient duré beaucoup plus longtemps et auraient occasionné davantage de pertes dans les rangs des combattants.