Caen, le 09 juillet 1944...

Du 8 juillet au 7 août 1944, les Alliés ne consolident plus leurs lignes, mais percent les lignes adverses. Vous pouvez ici poser vos questions sur les opérations américaines ou allemandes de cette période.
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Caen, le 09 juillet 1944...

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Voici les témoignages recueillis dans le livre d'Albert Pipet, "Mourir à Caen" sur la libération de la rive gauche de Caen par les Canadiens le 09 juillet 1944:

?« Au matin du 9, poursuit Mme Lorieux, deux Panzers sont encore à la Maladrerie, l?un est derrière le mur chez Antar, l?autre dissimulé dans le talus, route de Carpiquet. Ces chars disparaissent vers 9 heures. De très fortes exploisions sont entendues, ce sont sans doute les Allemands qui font sauter les ponts de l?Orne. Puis c?est alors que nous entendons le bruit confus des rafales de mitraillettes dans les champs au nord de Saint-Germain-la-Blanche-Herbe.

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« Vers 11 heures, la rue de Bayeux est totalement déserte. Des Allemands ont incendié leurs véhicules et j?avance dans une épaisse fumée noire. « C?est bon signe, les Canadiens ne vont pas tarder ! ». Deux Allemands à cours de pioche enfoncent une porte. Place des Petites-Boucheries, trois Panzers veillent sur le carrefour entourés d?Allemands à plat ventre sur le trottoir, fusil mitrailleur en batterie. Je remonte la rue de Bretagne, le petit café brûle. M. Castel accourt pour me dire de rentrer car les Allemands et les Canadiens se battent à la Maladrerie. Tout à cout au croisement surgit une automitrailleuse blanche de poussière avec un grand chiffre à l?avant. En me voyant, un jeune officier canadien sort la tête et agite la main. Au moment où il saute à terre, j?entends l?indicatif de la BBC et « ICI LONDRES? » sur le poste de radio du véhicule. Le Père Descordes, directeur de Saint-Joseph, qui était avec nous, se précipite dans les bras du jeune lieutenant canadien, poussant un « Ah ! » et les deux hommes se serrent longuement en une accolade silencieuse. Soudain une femme éclate en sanglots derrière moi. Je ne sais pourquoi, les larmes jaillissent soudain et roulent sur toutes les joues. Très ému lui aussi, le jeune lieutenant grimpe dans son automitrailleuse : « Rentrez chez vous car les Allemands peuvent revenir, dit-il. Si les ponts ne sont pas pris à 16 heures, il y aura un nouveau bombardement. » Sitôt après, trois chenillettes débouchent précédant de longues files de soldats.

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?« Dimanche 9, reprend le Père Louvet, je monte chanter la messe dans la chapelle du petit séminaire accompagné par le tintamarre des rafales de mitraillettes. Comme chant final pour faire suite à « l?Ite Missa est » l?assistance entonne : « Nous voulons Dieu? » mais au-dehors ce n?est qu?un cri : « Les Canadiens ! Les Canadiens » Ils arrivent pas sections rasant nos murs. Toute l?assistance se porte vers eux pour les acclamer ».

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Accompagnant trois chenillettes qui descendent la rue de Bayeux, le cri se répercute dans les caves et les abris. « Les Canadiens ! Il y a même un civil avec eux, mitraillette au poing ! ». Les premiers soldats sont arrivés à l?abbatiale Saint-Etienne vers 14 heures. La première patrouille est longuement applaudie pendant qu?un Canadien monte sur l?orgue du ch?ur pour annoncer que le gros des forces canadiennes arrive à Caen cet après-midi. Les applaudissements redoublent !
Au c?ur de la cité détruite, l?abbatiale est restée l?ultime refuse des sans-abri. Ballots et couvertures gisent sur la paille de ce campement douloureux où 1 500 malheureux ont trouvé chaque nuit un refuse, veillé par Mgr des Hameaux et le chanoine Pelcerf, alors que les bombes faisaient vibrer l?immense vaisseau et que les voûtes rougeoyaient du feu des incendies. Les premiers Canadiens sont là et, même si un retour offensif des Allemands est à craindre, toute la population est descendue dans la rue : « Un quart d?heure après, le gros des forces canadiennes débouche, relate Liberté dans son premier numéro. Infanterie, blindés, antichars, tous plus fêtés les uns que les autres, décorés de fleurs, ovationnés, embrassés, entourés de toute une foule en liesse qui, en un instant, a oublié toutes ses fatigues, ses misères, ses deuils et qui peut se permettre de respirer enfin !
Oh excusez-nous, monsieur le Colonel du premier régiment canadien entré chez nous, nous aviez donné l?ordre de ne pas circuler dans les rues avant 17h30. Je ne crois pas qu?on vous ait beaucoup obéi? Mais vous savez, on vous attendait depuis si longtemps ! ».

Vers 14 heures, une longue colonne de Shermans précédée d?une chenillette de commandement descend la rue de Bayeux et s?engage rue Saint-Martin. Un gros Sherman à l?étoile blanche s?arrête à ma hauteur car je porte le casque blanc de la Croix-Rouge, raconte M. Max Maurin, ancien sous-préfet. Un officier se penche de la tourelle et crie très fort : « Where is the river ? » Je lui indique aussitôt la direction. En guise de réponse, il me fait grimper sur le char et j?ai pu ainsi guider toute une colonne de chars canadiens jusqu?à la place du Théâtre où nous sommes accueillis par une grêle de balles. Le lendemain, sur l?invitation de Mgr des Hameaux, j?ai eu la grande joie de pouvoir jouer la Marseillaise sur l?harmonium de Saint-Etienne, l?orgue étant inutilisable ».

?« Mais avec les Canadiens boulevard des Alliés, d?autres soldats débouchent. Ce sont des Britanniques cette fois ! Ils ont traversé la rue de Geôle en flammes au pied du château. D?autres soldats suivent. Claque un coup de feu. Un Canadien s?écroule vers l?église Saint-Pierre. Toutes les patrouilles s?arrêtent, l??il aux aguets. La chasse aux snipers commence dans les ruines. Plus à droite, des Shermans suivent le boulevard Bertrand et prennent position aux angles des rues pour tirer vers l?Orne et la Prairie. L?un d?eux est caché derrière l?école Gambetta. De sa mitrailleuse, il arrose les toits des maisons de la rue Branville où se cachent les Allemands.

? A l?annonce de l?arrivée des Alliés rive gauche, les principaux membres de la Résistance, Duchez, Poilane et Gindras avec à leur tête le capitaine Léonard Gilles, passent l?Orne. Le drapeau à croix de Lorraine, porté par Poilane, ils parviennent au lycée Malherbe où M. Poirier, au nom de M. Detolle, maire de Caen, les accueille chaleureusement ainsi que M. Daure, nouveau préfet, et Mgr des Hameaux. Pour la première fois depuis quatre ans, le drapeau tricolore flotte sur Caen rive gauche et tandis que le petit groupe entonne une vibrante Marseillaise, là-bas vers la Prairie, la fusillade continue.

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phil14
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Caen, le 09 juillet 1944...

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C'est toujours émouvant ces textes de libérations.
Merci beaucoup Fantomas !
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