Témoignage du pilote Charles Shiff, 382nd Fighter Squadron

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Marc Laurenceau
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Témoignage du pilote Charles Shiff, 382nd Fighter Squadron

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C'est en Janvier 1944 que Charles Shiff, pilote de l'US Air Force à 21 ans, quitte son pays natal pour rejoindre l'Angleterre, tout comme 13 000 autres militaires qui s'apprêtent à combattre sur le théâtre d'opérations en Europe.

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Mai 1944 sur l'aérodrome RAF Staplehurst : Charles Shiff sur l'aile de son P-51 Mustang

Charles Shiff appartient au 382nd Fighter Squadron "Elwood", codé C3 (sous le commandement du 363rd Fighter Group). En avril 1944, après un rapide passage sur la base Keevil, son Squadron est déplacé sur Staplehurst (avec 68 pilotes américains de P-51 Mustang) d'où il décolle pour mener des missions d'attaque au sol en Belgique et en Hollande. A chaque fois, il est la cible des défenses antiaériennes allemandes. "Nous devions monter à 14 000, 15 000 pieds, puis piquer sur nos cibles et lâcher nos bombes. Nous avons bombardé des centaines d'objectifs dans ces deux pays, et parfois, avec de la chance, on parvenait à toucher notre cible...", raconte-t-il avec un brin d'humour.
Avec l'approche de l'assaut général en Normandie, les ponts, les noeuds routiers et les réseaux ferroviaires deviennent des cibles de plus en plus prioritaires.

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Mai 1944 sur l'aérodrome RAF Staplehurst : le P-51 B Mustang de Charles Shiff

Des missions d'escorte vers l'Allemagne sont également réalisées. Dans la mesure où les nouveaux modèles de Mustang (dont l'escadrille de Charles était dotée) avait une autonomie plus élevée que les modèles plus anciens, il effectuait les escortes de bombardiers en mission vers Berlin sur la dernière partie de leur trajet. A aucune reprise il n'a dû faire face à l'aviation adverse, mais la défense antiaérienne a causé de lourdes pertes.
Pendant l'une de ses missions effectuée à basse altitude, Charles Shiff aperçoit un side-car allemand face à lui : il tire et en survolant sa cible, il entend une explosion à l'arrière de son appareil : ce dernier se mit à trembler. Il se souvient : "Je me suis dit : ça y est, tu vas devoir rentrer à la maison à pied". Après avoir redressé le nez de son avion, les tremblements ont cessé et après son atterrissage sur la base RAF Stapelhurst, il a aperçu un obus explosif de 22 mm coincée dans le radiateur : il s'est désolidarisé en deux parties mais n'a pas explosé.

Shiff a vu bon nombre de ses amis pilotes tomber au combat. Le premier d'entre eux est un ami datant de l'école des pilotes, "Pappy" Watkins, âgé de 27 ans. "L'ailier de Watkins est venu s'écraser contre son avion et les deux se sont écrasés pendant que je les regardai tomber. Cela m'a fait un sacré choc parce qu'ils étaient tous les deux de bons amis. C'est vraiment terrible. On connait les risques, et même si on ne peut pas prédire ce qui va se passer, on voit ses camarades se faire tuer et on se demande si ce ne sera pas moi le prochain sur la liste".

Dans les jours précédant le Jour J, le colonel James B. Tipton, commandant le 363rd Fighter Group (FG) fait un brieffing aux pilotes sur les opérations à venir. Avant de quitter la salle, il leur dit : "A la fin des opérations, on peut s'attendre à avoir perdu 100% de nos effectifs". De quoi glacer l'atmosphère...
Le 6 juin 1944, le 363rd FG reste en alerte en Angleterre en cas d'intrusion de chasseurs allemands. "Nous avons passé la journée à côté de nos avions prêts à décoller, tournant en rond comme des lions en cage, et rien n'est arrivé. Ce qui, au final, était bon signe". Dans la soirée, au crépuscule, le Fighter Group est finalement engagé pour escorter les C-47 effectuant la deuxième rotation de transport de planeurs de la 82nd Airborne Division au-dessus de la Normandie (opération Elmira). L'arrivée des planeurs devait s'effectuer de jour, mais avec le retard pris les dernières remorques de planeurs sont larguées à 23h00. Sur le chemin du retour, les escortes devaient rester à proximité des C-47 mais les pilotes sont particulièrement curieux en ce Jour-J tant attendu. Ils effectuent quelques manoeuvres pour profiter du paysage de l'armada pilonnant l'intérieur des terres, et toute cette agitation d'embarcations et de troupes le long du rivage. Il y avait tellement d'appareils alliés dans les airs que les pilotes furent dans l'obligation d'allumer leurs feux de navigation afin d'éviter une éventuelle collision. A 2 heures du matin, le 382nd Fighter Squadron se pose sur l'aérodrome de Staplehurst sans encombres.

D'avril à Juillet 1944, le 363rd FG perd 19 pilotes. Le FG est déployé en juillet 1944 sur l'aérodrome ALG A-15 de Maupertus avant de déménager sur l'ALG A-7 d'Azeville le 22 août 1944. C'est à ce moment que le 363rd Fighter Group a été modifié en 363rd Tactical Reconnaissance Group, effectuant des missions pour photographier les secteurs d'opérations. Les pilotes ont ainsi troqué leur P-51 Mustang pour des F-6, des appareils Mustang modifiés et équipés de caméras.

Pendant toute la durée de la Seconde Guerre mondiale, Charles Shiff a effectué pas moins de 83 missions de combat et de reconnaissance.

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En 2011 sur l'aérodrome RAF Staplehurst : cérémonie du souvenir en mémoire des 19 pilotes du 363rd FG tués d'avril à juillet 1944

En 2011, Charles Shiff et ses deux fils se sont rendus à Staplehurst pour dévoiler une stèle érigée en l'honneur de ces 19 pilotes du FG. Ils ont lu les noms à voix haute. "Ce n'était pas rien pour eux de lire les noms" raconte-t-il.
Marc Laurenceau
Webmaster du site DDay-Overlord et du forum
Auteur du livre Jour J Heure par Heure

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