
Près de Sainte-Mère-Église, premier village libéré par les alliés de l?occupation nazie, le 6 juin 1944, des nostalgiques d?Hitler ont aménagé un ancien bunker et participent aux animations du musée privé qui vend des objets souvenirs nazis.
La batterie de Crisbecq (Manche) accueille régulièrement un groupuscule qui ne cache pas son admiration pour les Français engagés parmi les SS.
Vue imprenable sur la mer... Les Allemands de l'organisation Todt n'ont pas choisi par hasard le site de Crisbecq. À partir de 1942, ils y ont construit l'une des plus puissantes batteries du Mur de l'Atlantique. Sur les hauteurs de Saint-Marcouf-de-l'Isle, à quelques encablures de Sainte-Mère-Église, nichés dans le bocage manchois, les énormes canons de 210 mm balayaient l'horizon, de Saint-Vaast-la-Hougue à la pointe du Hoc. À leurs pieds, Utah Beach.
Le béton des imposants bunkers porte encore les stigmates des terribles combats du Débarquement. Bienvenue à la batterie de Crisbecq. Un musée privé est ouvert au public depuis le 1er juin 2004. Juste à temps pour le 60e anniversaire ! Les travaux, colossaux pour déterrer le site de 4 ha, n'avaient duré que 6 mois. Le propriétaire, un entrepreneur local de terrassement, y avait mis tout son coeur. Sur ces terres meurtries de Normandie, la mémoire est un devoir. Chaque mois de juin se succèdent les commémorations. Celui qui se présente comme le « conservateur » de la batterie a ouvert Crisbecq aux reconstitutions. « Je voulais un musée vivant. J'ai fait appel à des collectionneurs qui font ça avec respect. »
Mais les membres de l'association Vent d'Europe vont plus loin. « Leur attitude fait froid dans le dos », glisse un habitué. Passé le spectacle, certains enlèvent leurs tenues de la Wehrmacht, dont une compagnie défendit la batterie. Ils enfilent alors les uniformes de SS Français engagés dans la tristement célèbre division Charlemagne, ou ceux de Cosaques, ces cavaliers russes engagés aux côtés des Allemands.
Invités ce week-end
Depuis septembre 2006, Vent d'Europe est venu régulièrement aménager l'un des bunkers, « afin de nous assurer un meilleur confort lors de nos sorties à Crisbecq », écrit le chef sur son site internet. Ses hommes, qui comptent des Italiens et des Belges, n'hésitent plus à se montrer au grand jour. Dans les rues ou les commerces des communes voisines. Mais aussi dans d'autres musées du Débarquement.
Le responsable de la batterie de Crisbecq, qui vend des casquettes d'officier SS dans sa boutique de souvenirs, assure s'être fait abuser. « Au début, ils ont montré le bon côté de la face. Maintenant qu'ils se sont installés là, ils se lâchent. » Dans le petit milieu des historiens et des reconstituteurs, ils sont nombreux pourtant à l'avoir mis en garde. Rien n'y a fait.
L'amiral Brac de la Perrière préside l'association Normandie Mémoire. Alerté par des protestations sur Internet, il a tenté en juin dernier de mettre fin à « la dérive. Il est intolérable d'utiliser un tel site pour servir une idéologie aussi répugnante. » Pourtant, Vent d'Europe est encore invité ce week-end pour les Journées du patrimoine. « Je veux leur mettre les points sur les i », assure le conservateur. Et si, tout simplement, il téléphonait pour leur dire de ne plus remettre les pieds dans ce lieu chargé d'histoire ?