Pointe du Hoc

Historique et photos du site de débarquement

– Horaire de débarquement : 07h11 – Jour J

After Action Reports – Rapports après action

– Unité alliée : Groupement provisoire de Rangers

Unité allemande : 2e batterie de l’Heeres-Küsten-Artillerie 1260

Image : plan de la batterie de la Pointe du Hoc
Plan de la batterie de la pointe du Hoc
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Composition de la batterie de la pointe du Hoc
A mi-distance entre Omaha Beach et Utah Beach, la pointe du Hoc domine la mer de sa falaise verticale. En février 1944, elle est couronnée par une batterie d’artillerie côtière installée par les Allemands : à six kilomètres à l’ouest d’Omaha, six obusiers de 155 mm de fabrication française (155 mm G.P.F. mle 1917) et datant de la Première Guerre mondiale sont installés sur un plateau qui se termine lui-même abruptement en falaises rocheuses de 25 à 30 mètres de haut. Les artilleurs en poste sur ce site appartiennent à la 2e batterie du Heeres-Küsten-Artillerie-Abteilung 1260 et sont commandés par l’Oberleutnant Frido Ebeling. Ce dernier, après avoir refusé de tirer sur une patrouille navale britannique le 22 octobre 1943, est remplacé quelques jours plus tard par son adjoint, l’Oberleutnant Brotkorb. Ces hommes peuvent compter sur la protection des fantassins du 3e bataillon du Grenadier-Regiment 726 qui est chargé de la protection du littoral entre Grandcamp-les-Bains et Vierville-sur-Mer. En outre, le 23 mai 1944, quinze artilleurs du Werfer-Regiment 84 équipés de mitrailleuses renforcent les effectifs de la batterie.
Le mot « Hoc » provient de « haugr » en Norois, la langue des Vikings, et qui signifie monticule. Cette toponymie est fréquente en langue normande et en particulier dans « cap de la Hague » et « Saint-Vaast-La-Hougue ». Les Américains, en recopiant les cartes, ont réalisé une erreur de typographie qui a transformé « Hoc » en « Hoe » sur de très nombreuses cartes et rapports encore aujourd’hui accessibles.

Image : Bombardement en mai 1944 de la Pointe du Hoc
Bombardement en mai 1944 de la pointe du Hoc par des appareils A-20 Havoc alliés.
Photo : US National Archives

Pour les Alliés, il faut s’en emparer pour dégager les plages (Omaha et Utah) de la menace que cette batterie fait peser sur elles. Telle est la mission confiée à une unité américaine, le groupement provisoire de Rangers. La pointe du Hoc fait l’objet, dans les jours et les mois précédant le débarquement, de bombardements massifs. La position, au sommet de la falaise, reste cependant importante, et difficile à conquérir.

La tactique envisagée pour la prise de la batterie de la pointe du Hoc

Convoqué cinq mois plus tôt par le général Eisenhower, le lieutenant-colonel James Earl Rudder, un ancien fermier du Texas, apprend que le 5e corps de la 1ère armée du général Bradley doit prendre d’assaut le secteur ayant reçu le nom de code Omaha Beach. En observant les photos aériennes de la pointe du Hoc, il pense d’abord à une mauvaise blague du commandement allié en découvrant cette batterie allemande, fortement protégée par des bunkers ainsi que le rempart de hautes falaises, qu’on lui demande de prendre d’assaut. Mais Bradley, venu lui informer de la mission future, n’est pas là pour rire.

L’assaut est prévu à 6 heures 30 par 261 Rangers sous le commandement de Rudder, participant lui aussi à l’attaque. A 7 heures du matin, soit une demi-heure après l’assaut initial, les Rangers doivent signaler aux bâtiments de guerre alliés positionnés au large que la pointe est sous contrôle en tirant une fusée éclairante. 500 Rangers doivent alors être envoyés en renfort et l’ensemble des éléments tient le site de la batterie jusqu’à l’arrivée des troupes américaines débarquées à Omaha et appartenant au 116e régiment de la 29e division d’infanterie. Les Rangers doivent escalader la falaise des deux côtés de la pointe du Hoc, à l’ouest et à l’est, s’emparer des bunkers qui protègent les pièces d’artillerie allemandes et détruire ces dernières. L’horaire doit être respecté si les Américains veulent recevoir les 500 Rangers en renfort.

Image : Photo de la Pointe du Hoc bombardée, prise à partir d'un avion de reconnaissance Allié
Photo de la pointe du Hoc bombardée, prise à partir d’un avion de reconnaissance allié.
Photo : US National Archives

Si à 7 heures Rudder n’a pas lancé une fusée éclairante indiquant la prise de la pointe du Hoc, les 500 Rangers de renforts seront directement envoyés à Omaha Beach, secteur Charlie.

Mais quelques jours seulement avant le lancement de l’opération Overlord, les vols de reconnaissance alliés ainsi que les informations de la résistance française confirment que les six canons ont été retirés : à la place, quatre casemates sont en construction, sans armement répertorié. Ces données ont été transmises aux cartographes qui remplacent en mai 1944 les pièces d’artillerie par des casemates « U/C » : « under construction » (en français : en construction). Mais si la pointe du Hoc ne représente a priori plus une menace, les Rangers doivent néanmoins poursuivent leurs efforts en direction des batteries de Maisy, leur objectif secondaire. En fin de journée, ils doivent tomber s’installer dans le secteur d’Osmanville, à environ seize kilomètres de distance.

Extrait de l’ordre d’opération donné aux Rangers : « Détruire les défenses côtières de la pointe du Hoe (sic) et de la pointe de la Percée, et flanc garder l’assaut à Omaha. Appuyés par des éléments débarqués, s’emparer des batteries de Grandcamp et de Maisy. Puis opérer contre les positions ennemies le long de la côte entre Grandcamp et Isigny » (ordre d’opération du 26 mars 1944 signé par le Major General Gerow commandant le V Corps).

Le déroulement de l’assaut

Sur le pont du navire de transport S.S. Ben My Chree, à 6 heures du matin, le 6 juin 1944, James E. Rudder se tourne vers ses hommes et dit : « Maintenant écoutez… Rangers ! Montrez-leur ce que vous valez… Bonne chance les gars ! Démolissez-les… Départ dans cinq minutes. » Les 261 Rangers, éclaboussés par l’eau et l’écume glaciale, touchés par le mal de mer, chargés de leur équipement, naviguent dans les péniches de débarquement de type L.C.A. conduites par des Britanniques vers les falaises, cachées par la fumée des explosions, des incendies et par l’écran de fumée protégeant l’armada alliée. Une équipe est chargée de s’emparer de la pointe de la Percée, à l’est de la pointe du Hoc, surmontée d’un site radar allemand.

Mais le courant est fort ; les barges sont déportées vers l’est et, quelques dizaines de mètres avant d’atteindre la côte, Rudder réalise que la falaise vers laquelle ils se dirigent n’est pas la bonne… Les barges affectées au transport des soldats devant débarquer à la pointe du Hoc font demi-tour et naviguent en longeant la côte vers l’ouest. Pris sous les tirs d’armes automatiques et de mortiers, ils arrivent enfin en vue de leur objectif : il est 7 heures. A ce moment, les Alliés sur les bateaux, n’ayant pas vu la fusée éclairante signalant la prise de la falaise, s’imaginent que l’opération est un fiasco total. Les 500 Rangers destinés à renforcer Rudder et ses hommes sont alors dirigés vers la plage d’Omaha, où le débarquement a déjà commencé…

Image : L'entrée du poste d'observation et de tir H636a de la batterie allemande de la Pointe du Hoc
L’entrée du poste d’observation et de tir H636a de la batterie allemande de la pointe du Hoc.
Photo : D-Day Overlord

Les Allemands, de leur côté, ont eu trente minutes pour se rétablir après le choc du bombardement, rejoindre les bunkers, établir un dispositif défensif, se réarmer… Et ils attendent de pied ferme, armes et grenades avec eux, ces soldats qui s’approchent de leur position. Le courant et les vagues font couler une barge : il n’y a qu’un survivant, les autres Rangers disparaissant en mer, entraînés par leur équipement. Les mitrailleuses allemandes crépitent et déversent une pluie de fer qui s’abat sur les barges d’assaut. Certaines prennent l’eau ; une barge, transportant exclusivement des munitions destinées aux Rangers, explose dans un vacarme étourdissant, projetant des éclats de toutes sortes à proximité. Le premier L.C.A. atteint la plage de galet à l’est de la pointe : la précipitation causée par l’erreur initiale de navigation empêche les Rangers d’escalader la falaise des deux côtés de la pointe. Ils se dirigent tous vers le côté est. Les soldats américains s’élancent, découvrant une plage de cinq à six mètres de large déjà creusée par de nombreux obus de mortiers.

Image : photo des plages de Débarquement : Pointe du Hoc

La pointe du Hoc surmontée du mémorial dédié aux Rangers américains.
Photo : D-Day Overlord

Les premiers corps s’abattent sur les galets, tandis que les rescapés lancent, par l’intermédiaire de mortiers, des grappins et des cordes alors que dans le même temps, l’artillerie navale les appuie au plus près. Mais l’eau alourdie les cordes et les grappins retombent sur la plage. Certains se décident alors à grimper la falaise avec leurs mains, creusant des marches dans la roche avec leur dague. Les Allemands versent une pluie de grenades sur la fine bande de plage et l’arrosent avec les rafales de mitrailleuses.

Image : Un effondrement de la falaise, provoqué par les tirs du croiseur USS Texas

Un effondrement de la falaise, provoqué par les tirs de l’USS Texas.
Photo : US National Archives

Les Rangers grimpent avec les quelques cordes que les Allemands n’ont pas eu le temps de couper afin d’accéder au sommet. Quelques minutes plus tard, les premiers soldats américains se dirigent vers les bunkers et découvrent un espace lunaire, creusé par les bombes. Les Allemands ont disparu mais des tireurs isolés ouvrent le feu. Ces snipers utilisent les trous creusés par les bombes pour se rapprocher au plus près des Rangers.

Image : photo des plages de Débarquement : Pointe du Hoc

Une des casemates encore en construction au moment du débarquement.
Photo : D-Day Overlord

En l’espace de quinze minutes, la pointe est prise et sécurisée par les Américains. Conformément aux informations transmises par le renseignement allié, les Allemands ont retiré les pièces d’artillerie de 155 mm plusieurs semaines avant le débarquement. Ces dernières ont été remplacées, suite aux multiples bombardements et en attendant la construction de tous les abris bétonnés, par des poteaux en bois dont le but était de tromper les avions de reconnaissance alliés. Le 6 juin 1944, seules quatre casemates étaient sorties de terre et étaient toujours en construction.

Une fois l’information confirmée, le lieutenant-colonel Rudder organise la défense du bout de terre qu’il contrôle. Il entre en communication avec l’armada peu après 8 heures du matin, depuis son poste de commandement derrière le bunker de défense contre avions (D.C.A.) à l’est de la batterie : « Ici Rudder, le Hoc est sous contrôle… J’ai besoin de renforts et de munitions… Lourdes pertes…! » On lui répond peu après : « Bon boulot. Désolé pour les renforts, tous les Rangers ont déjà débarqué à Omaha.« 

Image : Le Colonel Rudder, commandant l'attaque par les Rangers de la Pointe du Hoc

Le lieutenant-colonel Rudder, commandant l’attaque par les Rangers de la pointe du Hoc.
Photo : US National Archives

Les pertes sont en effet très élevées, mais Rudder doit faire avec. Théoriquement, il doit se rendre jusqu’à Osmanville pour y flanc-garder les opérations de débarquement à Omaha tout en neutralisant les différents points d’appuis allemands rencontrés en chemin. Mais l’assaut amphibie de la 1st Infantry Division et de la 29th Infantry Division entre Vierville-sur-Mer et Colleville-sur-Mer se déroule mal : les fantassins américains sont fixés aux abords de la plage et ne parviennent pas à percer la ligne de front. Seuls quelques éléments du 5th Ranger Battalion parviennent à rejoindre la pointe du Hoc à compter de l’après-midi du 6 juin, en franchissant les sept kilomètres de bocage à travers les positions ennemies. Rudder prend la décision d’attendre les renforts provenant d’Omaha et en défendant fermement la pointe du Hoc. Il lance néanmoins des patrouilles en direction de la route de Grandcamp à Vierville-sur-Mer, de manière à bloquer d’éventuels renforts allemands qui se dirigeraient vers l’est.

Le 1st Sergeant Leonard G. Lomell et le Staff Sergeant Jack E. Kuhn, appartenant à la compagnie D du 2nd Ranger Battalion, découvrent à environ un kilomètre au sud de la batterie cinq pièces d’artillerie de campagne, camouflées derrière une haie. Plusieurs dizaines de soldats allemands sont présents, à environ cent mètres plus au sud. Le jeune sergent américain donne ses ordres : son camarade doit observer les positions allemandes tandis qu’il lance deux grenades thermiques sur les deux premières pièces. Ces grenades, aussi appelées « thermites », produisent une réaction chimique aluminothermique qui fait fondre le métal environnant. Lomell détruit les systèmes de visée des autres obusiers avec la crosse de son pistolet-mitrailleur Thompson, enveloppée dans sa veste pour limiter le bruit. Après avoir réussi cette opération, la patrouille revient sur ses pas pour récupérer des grenades supplémentaires afin de terminer le travail. Dix minutes plus tard, l’action est terminée et les deux Rangers se replient aussitôt.

Image : Un des canons de 155 cachés à 1 kilomètre au Sud de la batterie

Un des canons de 155 mm cachés à un kilomètre au sud de la batterie.
Photo : US National Archives

Les bâtiments de guerre au large effectuent un tir de barrage autour des zones contrôlées par les Américains. La nuit tombe et les Allemands organisent une contre-attaque. Ils s’infiltrent à travers les lignes américaines puis sont repoussés par les Rangers. Mais les munitions s’épuisent et les renforts ne sont toujours pas là. De plus, de nombreux Rangers sont faits prisonniers car, trop peu nombreux, ils ne peuvent mettre sur pied une défense hermétique et sont souvent pris à revers. Une explosion plus forte que les autres se fait soudain entendre : un Ranger vient de faire exploser le dépôt de munitions allemand.

Au petit matin du 7 juin, Rudder fait à nouveau un terrible constat : les munitions et vivres sont insuffisantes pour tenir ce siège et les effectifs américains sont en baisse. Et le 116e régiment d’infanterie n’est toujours pas là ! Mais il faut tenir, ce sont les ordres. Le 116e régiment d’infanterie est en effet retardé par une très forte résistance, à Vierville et sur la route vers la pointe du Hoc. Personne ne connaît la date, l’horaire de leur arrivée pour relever les Rangers.

La défense allemande se concentre à l’ouest de la pointe, aux alentours du blockhaus de D.C.A. ouest, renforcée par la présence d’un canon de 88 mm. Rudder abandonne l’idée de s’en emparer, ayant déjà perdu vingt soldats pour tenter de réduire au silence ce point de forte résistance allemande. Partout ailleurs, de nombreux tireurs isolés blessent et tuent des Rangers.

Image : Depuis les cratères creusés par les bombes, les Rangers défendent leurs positionsDepuis les cratères creusés par les bombes, les Rangers défendent leurs positions.
Photo : US National Archives

La deuxième nuit tombe sur la pointe du Hoc depuis que ce bout de terre appartient pour moitié aux soldats américains qui s’y accrochent avec les ongles. Les renforts ne sont toujours pas arrivés, la fatigue gagne (beaucoup n’ayant pas fermé l’œil depuis deux jours), les munitions et vivres sont pratiquement épuisées et les effectifs sont encore en baisse. Dans le but de mettre un terme à la résistance américaine, les Allemands ne lancent pas moins de trois contre-attaques sur le secteur tenu par les Rangers. Peu à peu, les points de résistance américains tombent, les combats deviennent des corps à corps sanglants. Au petit matin du 8 juin 1944, alors que les Allemands lancent ce qui doit être pour leur adversaire le coup de grâce, les chars américains du 116e régiment arrivent enfin à la pointe du Hoc avec l’infanterie.

Bilan de l’assaut de la pointe du Hoc

Sur les 261 combattants engagés à la pointe du Hoc, rares sont les survivants qui n’ont pas été blessés. La fin des combats le 8 juin ne marque que l’accomplissement d’une partie des ordres donnés aux commandos américains qui doivent désormais se diriger au plus vite vers les deux points d’appui de Maisy (Stp 83 et Stp 84) et nettoyer l’ensemble des points d’appui allemands jusqu’à Osmanville.

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Des prisonniers allemands sont conduits par les Rangers au pied de la falaise.
Photo : US National Archives

Les 500 Rangers ayant débarqué le long de la Côte d’Or le 6 juin vers 7 heures 30 ont rencontré une très forte résistance sur la plage. Ils se sont séparés en deux groupes : l’un avec une cinquantaine de soldats débarque comme prévu sur le secteur Charlie (Vierville), l’autre plus à l’est afin d’éviter le mur de feu et d’acier allemand interdisant toute approche. En effet, sur la cinquantaine de soldats engagés sur Charlie, ils ne sont qu’une dizaine à survivre au débarquement tandis qu’à l’est, les pertes sont bien moins élevées.

Le courage des Rangers sur la plage d’Omaha est exemplaire et ces hommes, particulièrement sur Charlie, ouvrent des brèches au prix de pertes incroyablement élevées comme toutes les compagnies américaines sur Omaha.

De nos jours, la devise des Rangers, unité d’élite de l’armée des Etats-Unis, est « Lead the Way, Rangers ! » (« Montrez le chemin, les Rangers ! »). Cette devise est prononcée la première fois par le général Cota sur Charlie, pour encourager ces soldats à aider les fantassins de la 29e division d’infanterie ayant eux aussi de nombreuses pertes.

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