Origines et objectifs de l’opération Paddle
Avec le succès de la tactique de la nasse et l’encerclement des forces du groupe d’armées B à Falaise, le général Montgomery, commandant les forces terrestres alliées, souhaite créer une nouvelle nasse entre la Seine et la Manche pour y prendre au piège les Allemands. En effet, les Américains de la 3ème armée, commandée par le général Patton, sont déjà en route vers la Seine depuis le 15 août 1944 tandis qu’au nord, le long des côtes de la Manche, le 1er corps britannique du général Crocker, subordonné à la 1ère armée canadienne du général Crerar, se tient prêt à lancer l’offensive.
Crerar reçoit la mission d’envoyer le 1er corps progresser en direction de la Seine le long du littoral et de libérer les localités successives sans toutefois se laisser retarder par les forces allemandes isolées sur place. A terme, les Britanniques feront leur jonction avec les Américains à Elbeuf, encerclant ainsi les forces allemandes n’ayant pas encore eu le temps de traverser la Seine.
Le 1er corps britannique est composé de la 6ème division aéroportée (6ème D.A., en position sur les rives à l’est de l’Orne depuis le Jour J), des 49ème et 51ème divisions d’infanterie ainsi que de la 7ème division blindée. La 6ème D.A. est renforcée par les commandos des 1st et 4th Special Services Brigades, de la brigade belge commandée par le colonel Piron et par la brigade néerlandaise « Irène ». Face aux Alliés, le 84ème corps allemand s’est installé en défense ferme et a valorisé ses positions depuis plus de deux mois, choisissant avec précision les emplacements de ses canons, minant et piégeant les axes, fortifiant des fermes et divers postes.
Déroulement de l’opération Paddle
C’est dans la nuit du 16 au 17 août que le 1er corps britannique débute sa progression vers l’est. Le 41ème Royal Marines Commando libère le village de Troarn, évacué par les Allemands, et cette libération permet de reprendre la progression dans cette région à l’est de Caen, ce qui n’avait pas été possible pendant près d’un mois.
Ainsi, le groupement belge de Jean Piron libère le village de Sallenelles, à proximité de l’estuaire de l’Orne et poursuit son avancée jusqu’à la localité de Franceville, attaquée puis libérée vers 20 heures par la 3ème unité motorisée. Mais la progression générale de la 6ème D.A. est lente, principalement en raison des actions de piégeage et de minage des Allemands.
Le lendemain, la brigade Piron s’empare du village de Merville. Le 20 août, les soldats belges attaquent les villages de Dozulé et Brucourt. La 6ème division aéroportée est aux portes de Cabourg, elle a libéré en chemin Le Hôme et Varraville. Les Alliés ne s’emparent de Cabourg que le lendemain, le 21 août. Pendant ce temps, les autres unités du 1er corps franchissent avec difficulté la Vie, un affluent de la Dives qui est défendu par la 272ème division d’infanterie allemande. C’est à ce moment qu’Hitler se décide enfin à ordonner un repli de ses troupes le long de la Seine, derrière les rivières Touques et La Risle. Le 22 août, la brigade Piron atteint Villers-sur-Mer et se trouve aux portes de Deauville. Cependant, les Belges doivent évoluer sous le feu meurtrier de la batterie allemande située au Mont Canisy. Le lendemain, Piron s’empare de Deauville tandis que les parachutistes britanniques de la 6ème division aéroportée se dirigent désormais vers Pont-Audemer. Avant d’atteindre cette localité, ils doivent progresser vers Pont-L’Evêque, Beuzeville et Saint-Maclou.
Le 24 août, la 7ème division blindée s’empare de Lisieux sur la Touques tandis que les Belges libèrent Trouville. La 6ème brigade aéroportée de la 6ème D.A. s’empare d’Honfleur. Afin de laisser un accès total au 1er corps britannique, les Américains des 15ème et 19ème corps reviennent à leur point de départ. Les Allemands, quittant la rive gauche de la Seine, ordonnent à une arrière garde de stopper la progression alliée, leur permettant ainsi de rejoindre la rive droite de la Seine, pour se réorganiser par la suite.
Cette arrière garde allemande pose de très nombreux problèmes aux Américains, qui ne combattent pas des unités organiques mais des éléments disparates, dont les objectifs et le contour sont difficiles à estimer. L’aviation alliée termine sa journée avec des résultats plutôt faibles du fait de ce manque d’unité de la part des divisions allemandes en déroute. La 43ème division d’infanterie s’engage dans Vernon le 25 août et le même jour, la ville d’Honfleur est entièrement libérée par les soldats belges. Leurs escadrons d’autos blindées parviennent à entrer dans les localités de Saint-Gatien, Beuzeville et Fiquefleur.
Le 26 août, le village de Conteville est libéré et les unités blindées belges parviennent à entrer dans les localités de Saint-Maclou, Toutainville et Pont-Audemer, progressivement évacuées par les défenseurs allemands qui détruisent les ponts pendant leur retraite, incendient les réserves et les prisons.
Le 27 août, le village de Berville est libéré. Toutefois, la 6ème division aéroportée du général anglais Richard Gale, est retirée du front et retourne en Angleterre pour un repos bien mérité. Du 26 au 29 août, les Allemands continuent de traverser la Seine sur des ponts flottants, au nord et au sud de Paris. Ils sont directement suivis des troupes américaines et britanniques, qui poursuivent les soldats en déroute afin de les empêcher de se regrouper et de contre-attaquer. Mais c’est sans compter sur les arrière-gardes allemandes qui empêchent les Alliés de progresser en sûreté et qui favorisent le repli de la Wehrmacht et des armées Panzer.
Bilan de l’opération Paddle
L’opération Paddle cesse lorsque les Alliés accèdent à la Seine et sécurisent l’ensemble de sa rive ouest, ce qui est réalisé le 31 août 1944. L’encerclement des forces s’échappant de la poche de Falaise ne s’est pas réalisé à proprement parler, mais la menace de tomber à nouveau dans le piège a empêché les Allemands de se réorganiser en défense ferme avant la Seine. Ces derniers ont multiplié les points de passage sur ce fleuve, utilisant tous les moyens possibles : ponts encore intacts, bateaux, péniches, bacs, radeaux de fortune… Au total, 165 000 Allemands et 30 000 véhicules parviennent à échapper aux Alliés.
Cette opération a eu pour effet de maintenir une pression constante sur les Allemands qui n’ont plus cessé de battre en retraite à compter de la fin août 1944. Quelques jours plus tard, le 3 septembre, les Britanniques font leur entrée à Bruxelles tandis que les Américains sont en Lorraine.