Des opérations combinées à la conférence de Téhéran
Les origines du débarquement de Normandie
La création des « opérations combinées »
L’insigne des Combined Operations britanniques (opérations combinées) pendant la Seconde Guerre mondiale, reliant les trois armées : terre, air et mer.
Le Premier Ministre britannique, Winston Churchill, reste convaincu que le seul moyen de battre les Allemands est de reprendre les combats en Europe occupée.
Pour mener à bien cet objectif, il se fixe trois points à atteindre : dans un premier temps, afin de permettre la pérennité des forces militaires en Angleterre, il faut écarter définitivement la menace d’une invasion allemande qui pèse sur le sol anglais. Dans un deuxième temps, il faut entraîner et équiper une nouvelle armée anglaise, extrêmement affaiblie par le début du conflit. Enfin, dans un troisième temps, il faut à tous prix tirer profit de l’extraordinaire pouvoir industriel et économique des Etats-Unis d’Amérique.
Les premier et troisième points étant accomplis à la fin de l’année 1941, il lui reste encore à réaliser le deuxième : l’évolution de ses armées. Mais cette problématique touche l’ensemble des pays alliés ! En 1939, au commencement de la Seconde Guerre mondiale pour la France et l’Angleterre, aucune de leurs armées ne sont dotées d’engins de débarquement spécialement prévus à cet effet. Par ailleurs, leur vision des actions amphibies restent cloisonnée à l’exécution de raids plus que de vastes opérations complexes.
En effet, Winston Churchill créé un organisme baptisé « opérations combinées », dans le but d’effectuer des assauts de faible envergure : des raids qui frappent rapidement et directement l’ennemi à un ou plusieurs points sensibles. Les premières unités d’assaut spécialisées (que l’on appelle couramment de nos jours des « commandos ») sont opérationnelles rapidement : la première action de cette unité se déroule sur l’île de Guernesey, dans la nuit du 14 au 15 juillet 1940 (opération Ambassador).
C’est en octobre 1941 que Winston Churchill nomme le jeune capitaine Lord Mountbatten à la tête du nouvel organisme des « opérations combinées » avec les consignes suivantes : « Vous devez préparer l’invasion de l’Europe car, à moins de porter le combat contre Hitler sur terre, nous ne gagnerons jamais cette guerre ». Mountbatten organise le raid de Bruneval en février 1942 qui est un succès complet. De ces actions sont tirés de nombreux enseignements utiles pour la préparations d’actions de débarquement en territoire ennemi.
L’appel à l’aide des Soviétiques
Les Soviétiques, affrontant un ennemi féroce sur leur territoire, demandent de l’aide de toute urgence aux pays alliés : les Américains, qui entrent en guerre au lendemain de l’attaque japonaise sur l’île de Pearl Harbor, le 7 décembre 1941, leur envoient du matériel lourd (char, avions, carburant, armes et munitions) mais cela ne suffit pas. Les demandes soviétiques visant à attaquer les Allemands à l’ouest en un nouveau front ne trouvent pas de réponses, à tel point qu’une devinette circule en Union Soviétique au sein de la population dont l’énoncé est : « qu’est-ce qu’un vieux croyant ? Un homme qui croit encore à l’ouverture d’un deuxième front. »
Pour redonner de l’espoir aux Soviétiques mais également pour tester ce mur de l’Atlantique, tant vanté par la propagande nazie et qui fait la fierté de l’Allemagne, les Alliés décident d’organiser une opération combinée de moyenne envergure : l’opération Jubilee voit ainsi le jour, elle a pour cible le secteur de Dieppe.
Raid sur Dieppe
Le raid sur Dieppe en août 1942 est confié à la 2ème division canadienne, appuyée par les nouveaux chars Churchill de 40 tonnes, qui doivent débarquer juste devant l’objectif, pendant que les commandos attaqueront sur les flancs pour neutraliser les batteries côtières installées sur les falaises. L’opération n’est pas menée jusqu’au bout car les Alliés « testent » le Mur de l’Atlantique. Les mouvements ennemis sont observés, chronométrés et analysés afin de préparer un assaut de plus grande envergure plus tard.
Les soldats canadiens et britanniques, qui se sont battus courageusement, qui sont morts au combat, qui ont été blessés, fait prisonniers ou disparus ont été sacrifiés pour permettre aux Alliés de recueillir des enseignements pour un futur débarquement de plus grande envergure. Plus de 1 500 soldats alliés ont payé ces précieux renseignements de leur vie. La technique du débarquement interarmes, interarmées et interalliés n’est pas encore au point et les rapports de l’opération Jubilee sont extrêmement utiles pour que le prochain débarquement soit une réussite.
Les conférences interalliées
Les trois dirigeants des pays alliés (Roosevelt pour les Etats-Unis, Churchill pour la Grande-Bretagne et Staline pour l’Union Soviétique) se consultent régulièrement à distance et partagent leur intentions aussi bien politiques que militaires. Lors de ces différents échanges, Churchill fait comprendre à ses homologues qu’il n’est pas favorable à une grande offensive lancée directement depuis la Grande-Bretagne, car il craint que sa nation paye à nouveau tribu à cette guerre. Les Alliés débutent alors une stratégie périphérique pour battre les armées allemandes et lancent l’opération Torch en Afrique du Nord, en novembre 1942.
Du 13 au 14 janvier 1943, Roosevelt et Churchill se rencontrent à Casablanca pour décider de la suite des opérations et ils y confirment la stratégie périphérique en planifiant la poursuite des combats en Méditerranée avec un débarquement en Sicile. Staline est absent lors de cette conférence, il est occupé par la bataille de Stalingrad.
Après le tournant de la bataille de Stalingrad, qui se termine en février 1943, l’Armée Rouge s’empare des territoires perdus lors des combats précédents et progresse vers l’ouest. Pourtant, le conflit reste extrêmement difficile pour les troupes soviétiques : Staline renouvelle sa demande aux dirigeants alliés de se réunir afin d’adopter une stratégie frontale pour à ouvrir, enfin, un second front à l’ouest. Il souhaite l’ouverture de ce deuxième front pour l’année 1943 mais, lors de la conférence de Washington réunissant du 11 au 26 mai le président américain et le Premier Ministre britannique, l’offensive est prévue pour l’année 1944.
Du 17 au 24 août 1943, Churchill et Roosevelt se retrouvent lors de la conférence de Québec codée Quadrant. Ils y planifient l’ouverture du second front, choisissant sa date, sa localisation ainsi que le nom de l’opération : elle se baptise « Overlord » et est initialement prévue pour le 1er mai 1944, ce qui satisfait grandement Staline. Les ministres des Affaires Etrangères des trois pays se retrouvent à Moscou du 19 au 30 octobre pour confirmer et affiner ces choix militaires.
Pour la première fois, du 28 novembre au 2 décembre 1943, les trois dirigeants des pays alliés se réunissent face à face afin de prendre des décisions militaires communes et de mieux coordonner leurs efforts contre les forces de l’Axe, à compter du lancement d’Overlord et dans les mois qui suivent. Cette réunion se déroule à Téhéran, l’actuelle capitale de l’Iran.
Churchill, fidèle à sa stratégie d’attaque périphérique, renouvelle sa demande de conduire une attaque alliée par la Méditerranée, frappant ainsi le « ventre mou » de l’Europe, mais cette requête échoue : fervent anti-communiste, Churchill souhaite avant tout réduire l’influence politique des troupes soviétiques dans les Balkans. Les relations entre le Premier Ministre britannique et Staline sont tendues et la confiance ne règne pas entre les dirigeants. Après maintes tractations, les Alliés optent finalement pour l’ouest de l’Europe, l’emplacement exact du débarquement restant encore à définir, bien que la région nord-ouest de la France soit privilégiée.
Cet accord de principe entre les dirigeants politiques alliés permet aux militaires de commencer leur travail de préparation pour choisir le lieu du débarquement, tout en prenant en compte les enseignements des « opérations combinées » déjà menées contre les fortifications allemandes en Europe et en Méditerranée. Une chose est certaine, l’assaut se fera à partir de l’Angleterre, pour des raisons logistiques.